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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Petroz, Pierre: L' école hollandaise, [1]: (1609-1688)
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0166

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L'ART.

15o

cesse Isabelle, fille de Philippe II, qui depuis leur mariage
étaient considérés comme les souverains des Provinces
méridionales, ayant tout d’abord parlé des droits de ses
maîtres, les Etats avaient aussitôt déclaré qu’aucune paix
n’était possible si la complète indépendance des Provinces
n’était préalablement reconnue. Ces fermes paroles avaient
momentanément interrompu les négociations ; mais
celles-ci avaient été reprises quelque temps après, et elles
avaient abouti, en (609, à la signature d’une trêve de
douze années.

La paix avait été accueillie avec joie. Tout le monde
était las de la guerre qui durait depuis plus de quarante
ans. Cependant on n’avait pas un seul jour désespéré,
l’activité industrielle et commerciale ne s’était pas un
instant ralentie dans les Provinces. L’ardente ténacité que
celles-ci avaient eue pour la défense de leur foi et de leur
liberté, elles l’avaient eue à un égal degré pour le travail
et l’échange de leurs produits. Aussi, malgré les lourdes
charges qu’elles avaient eues, qu’elles avaient encore à
supporter, elles étaient devenues riches et prospères.

Leur heureuse situation dans l’ordre des choses maté-
rielles et positives n’était pas toutefois ce qui les enor-
gueillissaitleplus. Elles
étaient Itères avant tout
d’avoir triomphé du
catholicisme et de voir
enfin le protestantisme
traiter avec lui d’égal à
égal. Leur satisfaction
devait être d’autant plus
grande que les résultats
obtenus par elles étaient
à la fois religieux et po-
litiques. Elles n’avaient
plus à cacher leurs
croyances ou à craindre
d’être persécutées à
cause de Celles-ci, et
elles ne relevaient plus
d’aucun pouvoir étran-
ger. Elles étaient maî-
tresses d’elles-mêmes,
elles jugeaient à leur
tour des vérités et des
erreurs, et elles jouissaient sans contrainte d’une indépen-
dance chèrement achetée.

La généralité de la population était vraisemblablement
sous cette impression, car on en trouve des traces dans
les œuvres de quelques peintres nés vers la fin du
xvie siècle, en particulier dans celles d’Adriaan van der
Venne. Ce dernier, protestant convaincu, a au Musée
d’Amsterdam une Composition représentant les diverses
sectes du christianisme, cataloguée aujourd'hui sous le
titre de les Pêcheurs d'âmes, qui est une piquante satire
des adversaires de la Réformation. A droite est la foule des
catholiques, un nain en tête, sorte de symbole grotesque
de la Folie. Derrière ce Triboulet, acclamé par des gamins,
se pressent des docteurs, des seigneurs, des cardinaux,
précédant le pape lui-même, porté en triomphe dans cette
cohue carnavalesque. Au milieu de la composition, un
grand fleuve, avec des barques pour sauver ceux qui sont
tombés à l’eau et risquent de se noyer — dans l’hérésie.
Car de l’autre côté du fleuve sont les protestants, des mil-
liers de petites figures. Dans le fond, un arc-en-ciel, qui
n’est pas celui de l’alliance sans doute, mais le signe de la
lumière nouvelle. Si les docteurs hollandais étudiaient ce
tableau, ils y trouveraient quantité d’emblèmes et d’allu-
sions caustiques. La composition est, d’un bout à l’autre,

une allégorie très spirituelle, et surtout excellemment
peinte L II en est de même du tableau de van der Venne
qui est au Louvre, Fête donnée à l’occasion de la trêve
conclue en 160g, dont la signification est toute politique.
L’allégorie y apparaît encore sous diverses formes; mais
l’idée maîtresse y est principalement exprimée par ces
petits personnages réels, d’une facture si ferme et si
vivante, qui célèbrent d’un commun accord les bienfaits
de la paix.

Les préoccupations militaires, les difficultés extérieures
avaient disparu pour un temps. Les questions théolo-
giques qui, à aucun moment, n’avaient été sérieusement
abandonnées ni négligées, avaient pris dès lors une impor-
tance plus grande. Il s’agissait maintenant de savoir si
l’Église de Genève et sa rigide doctrine y auraient la pré-
pondérance, et dans quelles mesures elles seraient mêlées
aux choses de la vie politique et de la vie sociale.

Même aux époques où la guerre les avait mises dans le
palus grand péril, les Provinces-Unies n’avaient jamais
oublié les exigences de la culture intellectuelle et de l’en-
seignement moral. La lutte avait a peine cessé pour quel-
ques semaines ou quelques mois en Frise, quand avait été

créée l’Université de
Francker, comme
l’avait été, douze ans
auparavant, celle de
Leyde, à la suite de la
défense héroïque de
cette ville.

La plus ancienne en
date, comptant de nom-
breux auditeurs, des
professeurs éminents,
l’Université de Leyde
jouissait d’une notable
autorité en matière de
controverse religieuse.
François du Jon, ou
Junius, y avait exposé
les doctrines les plus
favorables à laliberté de
conscience et avait osé
affirmer « que l’on pou-
vait être sauvé dans
toutes les Eglises, même dans l’Eglise de Rome ». Imbu
des mêmes principes, Jacques Hermanszon, ou Arminius,
qui lui avait succédé, avait été accusé d’hétérodoxie par
son collègue Gornar, professeur de théologie et calviniste
zélé, puis, cité « devant les curateurs, les conseillers de la
cour de Hollande, les pasteurs des églises de Delft et
d’Amsterdam, et le fameux ministre de l’église wallonne à
La Haye, Uytenbogaert, dont le crédit était grand auprès
de Maurice et d’Olden Barneveldt », il avait été déclaré
orthodoxe, et l’éloquence de sa parole, le libéralisme de
son enseignement avaient enthousiasmé la jeunesse. La
convocation d’un synode national avait été, à la demande
des gomaristes, résolue par les États généraux. Mais les
États de Hollande, se fondant sur un article de l’Union
d’Utrecht « où il était dit que les provinces de Hollande
et de Zélande en useraient en matière religieuse comme
bon leur semblerait », s’y étaient opposés. Ces derniers
avaient eu pour eux Barneveldt et le parti municipal,
contre eux Maurice de Nassau et ses partisans.

Interrompue pendant les négociations relatives à la
trêve, la querelle avait recommencé après la mort d’Armi-
nius arrivée en 1609. Les Arminiens, n’ayant plus de chef,
avaient réclamé la protection des États de Hollande, et ils

1. W. Burger, Musées de la Hollande, I.

Le Moulin (1641).

Eau-forte de Rembrandt. (Ch. Blanc, n° 333.)
 
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