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L’A HT.
leçons facilement assimilables dès l’enfance, mais arides
et fastidieuses pour l’élève d’un âge plus avancé, impatient
d’aller plus loin.
Dans le second cas, qui est la presque généralité, c’est
le seul moment où il sera possible de fournir au futur
ouvrier, obligatoirement tenu à s’asseoir sur les bancs de
l’école primaire, ces connaissances élémentaires de la plus
absolue nécessité qu’il ne pourra trouver nulle part ail-
leurs.
Car on ne le répétera jamais assez, le dessin ne peut
plus être considéré comme un art d’agrément ou d’utilité
limitée à quelques industries. Le des-
sin, c’est une vérité admise enfin sans
conteste, n’est autre chose qu’une
écriture aussi indispensable dans la
vie que l’écriture dont nous nous ser-
vons tous les jours. L’une est l’écri-
ture des idées, l’autre est l’écriture
des formes ; tout homme n’a entre les
mains que des moyens d’expression
incomplets tant qu'il ne les possédera
pas toutes les deux. Bien plus ! le
dessin n’est pas seulement une écri-
ture, c’est une lecture des formes,
car, suivant une heureuse définition
qui date de loin, « apprendre à dessi-
ner, c’est apprendre à avoir l’œil
juste ». Ce n’est que par l’éducation
de l’œil que vous arriverez à faire voir
et comprendre à l’enfant les formes
qui l’entourent et qu’il perçoit impar-
faitement, ainsi que des hiéroglyphes
incohérents dont le sens lui échappe.
Le dessin, tout en assouplissant la
main, développe chez l'enfant l’esprit
d’observation et d’analyse, si utile,
sans doute, pour tout homme, quelle
que soit sa destinée, mais de toute
nécessité à celui qui travaille, à l’ou-
vrier.
Quelle est l’industrie si humble
dans laquelle il ne faille savoir com-
prendre et représenter une forme? Le
maçon, le potier, le tailleur, le cor-
donnier, le chapelier, etc., que font-
ils autre chose à toute heure, que
donner une forme à la pierre, à l’ar-
gile, aux cuirs, aux tissus, etc.? Une
expérience concluante a été faite, à
l’instigation de l’Administration, dans
une petite ville où l’industrie princi-
pale est celle de la chapellerie; on eut
l’idée, je ne sais plus à la suite de
quelles circonstances, d’établir dans
l’Ecole professionnelle de chapellerie
de cette ville un cours de dessin et de
modelage. De la sculpture pour faire des chapeaux ! Que
cela ne fasse pas sourire. On a constaté bientôt un progrès
remarquable dans la fabrication des élèves. Leur œil
désormais savait distinguer les formes, les raisonner logi-
quement, opérer un choix; leur main, devenue plus
docile, apprenait en même temps à obéir plus rigoureu-
sement à l’œil.
L’éducation de l’œil et de la main dès l'enfance, tel est
le but qui doit fixer, qui a fixé l’attention du gouverne-
ment. Il faut que d’ici peu les éléments du dessin soient
une des bases de l’éducation, comme la lecture, l’écriture
et les principes du calcul.
Maquette en plâtre.
Ecole de Calais. — (Exposition Universelle de 188g.)
Grâce aux précautions prises par l'Etat à l’égard tant
des élèves que des maîtres, les résultats pour l’avenir sont
définitivement acquis. L’enseignement du dessin a été, en
effet, décrété obligatoire dans les écoles primaires et des
connaissances en dessin sont exigées pour l’examen du
certificat d’études primaires supérieures et pour l’obten-
tion des bourses. L’exécution de ces mesures a été assurée,
d’autre part, par des obligations nouvelles imposées aux
maîtres, expressément tenus, désormais, de justifier de
certaines connaissances en dessin dans les concours pour
les différents brevets qui servent de certificats d’aptitude
à l’enseignement.
Voilà donc pour l’avenir et aussi
pour le présent, en ce qui concerne les
écoles primaires pourvues d’institu-
teurs sortant de l’Ecole normale ou
munis du brevet supérieur de capacité
depuis l’application de ces nouveaux
programmes. Mais que dire si, comme
c’est la règle à peu près générale, l’école
est dirigée par un instituteur entré en
fonctions antérieurement à cette
époque ? Est-il possible d’empêcher
que les trente ou quarante mille insti-
tuteurs en possession d’un emploi ne
restent en fonctions jusqu’à l’âge de
leur retraite, c’est-à-dire pendant dix
ou vingt ans encore ? Faut-il attendre,
pour l’accomplissement total de ces
réformes, le renouvellement complet
du personnel, c’est-à-dire retarder en-
core de dix ou vingt ans l’effet de
mesures dont l’urgence est reconnue
depuis si longtemps ?
Assurément non, nous répond
l’Administration, et le bureau de l’En-
seignement a trouvé la solution de ce
problème, solution déjà devinée par
MM. Dupré et Ollendorff.
Dans la pensée de M. Crost, pour
généraliser l’enseignement dans toutes
les écoles primaires, pour fournir à
tous nos futurs ouvriers sans excep-
tion ces connaissances indispensables
sans créer de trop, lourdes charges
pour le budget ; — il va sans dire
qu’on ne peut songer à la création de
maîtres spéciaux; — il faut commen-
cer par instruire les maîtres eux-
mêmes, « c’est-à-dire la fraction la
moins nombreuse, celle qui, dans le
plus court délai, rendra productives
les sommes qui auront été débour-
sées ».
Nous avons actuellement en pro-
vince plus de trois cents écoles spé-
ciales d’art ou de dessin. Quoi de plus facile que de faire
établir dans chacune d’elles, chaque jeudi et chaque
dimanche, un cours spécial pour les instituteurs r
Dans certaines parties de la France, il n est pas de
chef-lieu d’arrondissement qui n ait son école spéciale.
Dans les provinces moins privilégiées, comme, du reste,
partout ailleurs, quoi de plus simple que d organiser des
cours analogues à l’École noimale, au lycée ou au col-
lège? Les instituteurs bénéficient déjà pour leurs voyages
d’une réduction de 5o o/o, qui pourrait être portée plus
bas encore, grâce à l’intervention de l’État auprès des
Compagnies.
L’A HT.
leçons facilement assimilables dès l’enfance, mais arides
et fastidieuses pour l’élève d’un âge plus avancé, impatient
d’aller plus loin.
Dans le second cas, qui est la presque généralité, c’est
le seul moment où il sera possible de fournir au futur
ouvrier, obligatoirement tenu à s’asseoir sur les bancs de
l’école primaire, ces connaissances élémentaires de la plus
absolue nécessité qu’il ne pourra trouver nulle part ail-
leurs.
Car on ne le répétera jamais assez, le dessin ne peut
plus être considéré comme un art d’agrément ou d’utilité
limitée à quelques industries. Le des-
sin, c’est une vérité admise enfin sans
conteste, n’est autre chose qu’une
écriture aussi indispensable dans la
vie que l’écriture dont nous nous ser-
vons tous les jours. L’une est l’écri-
ture des idées, l’autre est l’écriture
des formes ; tout homme n’a entre les
mains que des moyens d’expression
incomplets tant qu'il ne les possédera
pas toutes les deux. Bien plus ! le
dessin n’est pas seulement une écri-
ture, c’est une lecture des formes,
car, suivant une heureuse définition
qui date de loin, « apprendre à dessi-
ner, c’est apprendre à avoir l’œil
juste ». Ce n’est que par l’éducation
de l’œil que vous arriverez à faire voir
et comprendre à l’enfant les formes
qui l’entourent et qu’il perçoit impar-
faitement, ainsi que des hiéroglyphes
incohérents dont le sens lui échappe.
Le dessin, tout en assouplissant la
main, développe chez l'enfant l’esprit
d’observation et d’analyse, si utile,
sans doute, pour tout homme, quelle
que soit sa destinée, mais de toute
nécessité à celui qui travaille, à l’ou-
vrier.
Quelle est l’industrie si humble
dans laquelle il ne faille savoir com-
prendre et représenter une forme? Le
maçon, le potier, le tailleur, le cor-
donnier, le chapelier, etc., que font-
ils autre chose à toute heure, que
donner une forme à la pierre, à l’ar-
gile, aux cuirs, aux tissus, etc.? Une
expérience concluante a été faite, à
l’instigation de l’Administration, dans
une petite ville où l’industrie princi-
pale est celle de la chapellerie; on eut
l’idée, je ne sais plus à la suite de
quelles circonstances, d’établir dans
l’Ecole professionnelle de chapellerie
de cette ville un cours de dessin et de
modelage. De la sculpture pour faire des chapeaux ! Que
cela ne fasse pas sourire. On a constaté bientôt un progrès
remarquable dans la fabrication des élèves. Leur œil
désormais savait distinguer les formes, les raisonner logi-
quement, opérer un choix; leur main, devenue plus
docile, apprenait en même temps à obéir plus rigoureu-
sement à l’œil.
L’éducation de l’œil et de la main dès l'enfance, tel est
le but qui doit fixer, qui a fixé l’attention du gouverne-
ment. Il faut que d’ici peu les éléments du dessin soient
une des bases de l’éducation, comme la lecture, l’écriture
et les principes du calcul.
Maquette en plâtre.
Ecole de Calais. — (Exposition Universelle de 188g.)
Grâce aux précautions prises par l'Etat à l’égard tant
des élèves que des maîtres, les résultats pour l’avenir sont
définitivement acquis. L’enseignement du dessin a été, en
effet, décrété obligatoire dans les écoles primaires et des
connaissances en dessin sont exigées pour l’examen du
certificat d’études primaires supérieures et pour l’obten-
tion des bourses. L’exécution de ces mesures a été assurée,
d’autre part, par des obligations nouvelles imposées aux
maîtres, expressément tenus, désormais, de justifier de
certaines connaissances en dessin dans les concours pour
les différents brevets qui servent de certificats d’aptitude
à l’enseignement.
Voilà donc pour l’avenir et aussi
pour le présent, en ce qui concerne les
écoles primaires pourvues d’institu-
teurs sortant de l’Ecole normale ou
munis du brevet supérieur de capacité
depuis l’application de ces nouveaux
programmes. Mais que dire si, comme
c’est la règle à peu près générale, l’école
est dirigée par un instituteur entré en
fonctions antérieurement à cette
époque ? Est-il possible d’empêcher
que les trente ou quarante mille insti-
tuteurs en possession d’un emploi ne
restent en fonctions jusqu’à l’âge de
leur retraite, c’est-à-dire pendant dix
ou vingt ans encore ? Faut-il attendre,
pour l’accomplissement total de ces
réformes, le renouvellement complet
du personnel, c’est-à-dire retarder en-
core de dix ou vingt ans l’effet de
mesures dont l’urgence est reconnue
depuis si longtemps ?
Assurément non, nous répond
l’Administration, et le bureau de l’En-
seignement a trouvé la solution de ce
problème, solution déjà devinée par
MM. Dupré et Ollendorff.
Dans la pensée de M. Crost, pour
généraliser l’enseignement dans toutes
les écoles primaires, pour fournir à
tous nos futurs ouvriers sans excep-
tion ces connaissances indispensables
sans créer de trop, lourdes charges
pour le budget ; — il va sans dire
qu’on ne peut songer à la création de
maîtres spéciaux; — il faut commen-
cer par instruire les maîtres eux-
mêmes, « c’est-à-dire la fraction la
moins nombreuse, celle qui, dans le
plus court délai, rendra productives
les sommes qui auront été débour-
sées ».
Nous avons actuellement en pro-
vince plus de trois cents écoles spé-
ciales d’art ou de dessin. Quoi de plus facile que de faire
établir dans chacune d’elles, chaque jeudi et chaque
dimanche, un cours spécial pour les instituteurs r
Dans certaines parties de la France, il n est pas de
chef-lieu d’arrondissement qui n ait son école spéciale.
Dans les provinces moins privilégiées, comme, du reste,
partout ailleurs, quoi de plus simple que d organiser des
cours analogues à l’École noimale, au lycée ou au col-
lège? Les instituteurs bénéficient déjà pour leurs voyages
d’une réduction de 5o o/o, qui pourrait être portée plus
bas encore, grâce à l’intervention de l’État auprès des
Compagnies.