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SALON DE 1890. 2i5
harmonie couleur chair et couleur verte (sic) est non moins fou ; cela n'existe à aucun titre
artistique quelconque, pas plus que le Nocturne en bleu et argent (sic) et le Nocturne en noir
et or (sic) dont M. Whistler vient d’encombrer le Salon des Champs-Elysées pour la seule
joie des critiques improvisés qui, ne sachant rien, trouvent là d’excellents prétextes à cacher
leur ignorance sous des trémolos littéraires et « suggestifs » dignes des « fumisteries » picturales
auxquelles se livre, hélas! l’éminent aquafortiste anglais.
Si l’on regrettait de ne pouvoir étudier ni M. George H. Boughton, ni M. Frank Dicksee,
— son Histoire d’amour avait été d'un fort brillant augure, —- ni M. F. Morgan, on trouvait
réuni un des meilleurs contingents de peintres de genre que l’École ait jamais présentés à une
Exposition. Un maître le dominait et était l’enchantement des délicats. M. William Quiller
Orchardson, dont toute la carrière est une succession ininterrompue de progrès sans cesse
élargissant sa manière, triomphait par la grâce, l’esprit, le goût, les raffinements les plus délicats
du coloriste dans ce charmant début mondain qu’il avait intitulé : Sa première danse, et
s’élevait bien plus haut encore puisqu’il grandissait le domaine du genre jusqu’à le faire entrer
victorieusement dans l’histoire par cette toile inoubliable : Tout seul! désignation courtoise,
Jacobites.
par Andrew C. Gow, membre agrégé de la Royal Academy of Arts.
imposée, disait-on, par l’artiste pour l’Exposition du Champ de Mars, mais sous laquelle se
dissimulait fort peu la plus légitime des expiations.
Dans un intérieur luxueux, indiqué avec la plus prestigieuse discrétion par un talent pour
qui la symphonie des tons n’a pas plus de secrets que le jeu de la lumière, seul, abandonné à
lui-même, d’autant plus isolé qu’il était tombé de plus haut, en proie, au sortir de table, à une
tempête de souvenirs sous un crâne avachi, l’aventurier, affaissé dans un fauteuil, l’œil hagard,
le teint blême, sent approcher l’heure où la camarde l’appellera à rendre des comptes suprêmes.
Drame de la plus terrible éloquence auquel suffit cet unique personnage, tragédie de l’abandon
vengeur rendue par le pinceau en traits plus émouvants, plus énergiquement flétrissants que ne
réussirait à le faire la plume d’un Juvénal.
M. Orchardson est par excellence l’honneur de l’École anglaise. Nul n’y est aussi peintre, nul
n’y est aussi varié, nul n’y est aussi personnel, nul n’y est aussi maître.
Écossais, lui aussi, M. John R. Reid, dont la sœur, Miss Flora, est une paysagiste distinguée,
nous avait procuré le plaisir de revoir deux des meilleurs tableaux de genre dont je me souvienne,
un épisode poignant de la vie de misère : Sans toit et Rivalité entre grands-pères. Dans Sans
toit, les personnages, — de malheureux musiciens ambulants grelottant sous la bise, — ne sont
pas seuls à être habilement traités par un coloriste harmonieux, les fonds de paysage ne sont
SALON DE 1890. 2i5
harmonie couleur chair et couleur verte (sic) est non moins fou ; cela n'existe à aucun titre
artistique quelconque, pas plus que le Nocturne en bleu et argent (sic) et le Nocturne en noir
et or (sic) dont M. Whistler vient d’encombrer le Salon des Champs-Elysées pour la seule
joie des critiques improvisés qui, ne sachant rien, trouvent là d’excellents prétextes à cacher
leur ignorance sous des trémolos littéraires et « suggestifs » dignes des « fumisteries » picturales
auxquelles se livre, hélas! l’éminent aquafortiste anglais.
Si l’on regrettait de ne pouvoir étudier ni M. George H. Boughton, ni M. Frank Dicksee,
— son Histoire d’amour avait été d'un fort brillant augure, —- ni M. F. Morgan, on trouvait
réuni un des meilleurs contingents de peintres de genre que l’École ait jamais présentés à une
Exposition. Un maître le dominait et était l’enchantement des délicats. M. William Quiller
Orchardson, dont toute la carrière est une succession ininterrompue de progrès sans cesse
élargissant sa manière, triomphait par la grâce, l’esprit, le goût, les raffinements les plus délicats
du coloriste dans ce charmant début mondain qu’il avait intitulé : Sa première danse, et
s’élevait bien plus haut encore puisqu’il grandissait le domaine du genre jusqu’à le faire entrer
victorieusement dans l’histoire par cette toile inoubliable : Tout seul! désignation courtoise,
Jacobites.
par Andrew C. Gow, membre agrégé de la Royal Academy of Arts.
imposée, disait-on, par l’artiste pour l’Exposition du Champ de Mars, mais sous laquelle se
dissimulait fort peu la plus légitime des expiations.
Dans un intérieur luxueux, indiqué avec la plus prestigieuse discrétion par un talent pour
qui la symphonie des tons n’a pas plus de secrets que le jeu de la lumière, seul, abandonné à
lui-même, d’autant plus isolé qu’il était tombé de plus haut, en proie, au sortir de table, à une
tempête de souvenirs sous un crâne avachi, l’aventurier, affaissé dans un fauteuil, l’œil hagard,
le teint blême, sent approcher l’heure où la camarde l’appellera à rendre des comptes suprêmes.
Drame de la plus terrible éloquence auquel suffit cet unique personnage, tragédie de l’abandon
vengeur rendue par le pinceau en traits plus émouvants, plus énergiquement flétrissants que ne
réussirait à le faire la plume d’un Juvénal.
M. Orchardson est par excellence l’honneur de l’École anglaise. Nul n’y est aussi peintre, nul
n’y est aussi varié, nul n’y est aussi personnel, nul n’y est aussi maître.
Écossais, lui aussi, M. John R. Reid, dont la sœur, Miss Flora, est une paysagiste distinguée,
nous avait procuré le plaisir de revoir deux des meilleurs tableaux de genre dont je me souvienne,
un épisode poignant de la vie de misère : Sans toit et Rivalité entre grands-pères. Dans Sans
toit, les personnages, — de malheureux musiciens ambulants grelottant sous la bise, — ne sont
pas seuls à être habilement traités par un coloriste harmonieux, les fonds de paysage ne sont