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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Molinier, Émile: L' orfèvrerie civile à l'exposition universelle de 1889, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0251

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L'ORFEVRERIE CIVILE A L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889.

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aussi fin que de la Régence. La tige végétale, étudiée de
très près et très serrée dans l’exécution, a une grande fraî-
cheur et pourtant le tout est suffisamment massé, synthé-
tisé pour que l’œil perçoive les formes sans difficulté et
sans inquiétude. Les galbes sont gracieux, délicatement
contournés juste assez pour ne pas être monotones sans
tomber dans la manière. Quant au rôle que peut jouer la
représentation de la figure humaine dans une semblable
orfèvrerie, je ne ferai pas l’injure à nos sculpteurs mo-
dernes de les croire inférieurs aux artistes du xvme siècle.;
ils- conçoivent ce rôle et leurs figures d’une autre façon,
mais s’ils peuvent se
réclamer de leurs devan-
ciers, ils n’ont point à en
recevoir de leçons ; les
uns et les autres ont lait
et font bien, quoique
dans deux genres diffé-
rents. Nos contempo-
rains savent être aussi
aimables et ils sont plus
nobles parce que leurs
sculptures révèlent des
études plus profondes ;
leurs formes sont moins
conventionnelles et
comme les anciennes
elles ont cependant un
style qui les fera bien
vite reconnaître et ap-
précier plus tard, quand
quelques années se se-
ront écoulées. Rien de
fugitif, de difficile à sai-
sir et à apprécier comme
le style de l’époque à
laquelle on vit; on a
quelque peine à l’analy-
ser et ce n’est qu’à dis-
tance qu’on saisit avec
facilité cette expression
de la forme, véritable
miroir qui reflète avec
une implacable vérité
tous les défauts et toutes
les qualités d’une époque
au point de vue artis-
tique. Nous nous plai-
gnons souvent de n’avoir
point de style : c’est là
une erreur : en avons-
nous un bon en tout et
pour tout ce qui touche
à l’art industriel, c’est la
question ; mais sûrement
nous en avons un, bon
ou mauvais, car tout objet créé à un style. Peut-on imagi-
ner une plus profonde décadence en ce qui concerne les
arts industriels que l’époque qui va de 1820 à 1850 ? et
pourtant cette époque a vu fleurir des styles bien parti-
culiers, si particuliers qu’aujourd’hui nous n’avons aucune
difficulté à reconnaître un objet créé à cette époque qui
fut un temps d’arrêt ou plutôt d’incubation.

Cette connaissance des différents styles n’est que le
résultat d’une série de comparaisons plus ou moins nom-
breuses ou plus ou moins répétées, par lesquelles nous
percevons les modifications successivement apportées à la
forme et conséquemment au style. Étant donné que ce que
Tome XLVII.

nous fabriquons aujourd’hui est différent de ce que l’on
fabriquait il y a trente ou quarante ans, il s’ensuit que
nous possédons, bon gré mal gré, un style personnel. En
quoi consiste-t-il ? Question d’éloignement, car ce n’est
point une chose que l’on peut analyser au moment même
qu’il se crée. Qu’on n’aille point dire que nous sommes
devenus tellement habiles dans le triste métier de copiste,
que tout ce que nous faisons n’est que pastiche et rien de
plus. Quelque habile que l’on soit, on n’entre jamais tel-
lement dans l’esprit et l’intimité d’une époque que l’on
puisse se vanter de ne jamais faire de solécisme en l’imi-
tant ; que si même nous
possédions ce rare avan-
tage de faire du Louis
XIV, du Louis XV ou
du Louis XVI assez par-
fait pour mettre en défaut
de l’amateur le
plus délicat et le plus
difficile, il n’est pas ad-
missible que le bout de
l’oreille n’apparaisse pas
de ci de là, de temps en
temps. J’imagine qu’un
temps viendra, au xxe siè-
cle probablement, que
nos petits-enfants, con-
templant les œuvres des
rocailleurs ultra-fantai-
sistes qui tiennent en ce
moment le haut du pavé,
esquisseront le même
sourire que nous avons
en face des conceptions
romantiques, qui sont à
l’art du Moyen-Age ce
que la romance du Beau
Duriois est à la poésie.
Les épithètes peu flat-
teuses que nous prodi-
guons à nos devanciers,
qui, eux aussi, croyaient
fermement s’être incar-
nés dans la peau des
troubadours, nous se-
ront probablement ap-
pliquées. C’est pour cela
que ces copies sont des
œuvres mauvaises, que
tous les gens de goût
doivent poursuivre
comme des œuvres in-
complètes et boiteuses,
bonnes pour les philis-
tins, destinées à nous
faire un jour prendre en
pitié. Au delà de ces horreurs maladives, retour sentimen-
tal vers un passé pour des causes souvent bien étrangères à
toute question d’art, l’œil se repose avec bonheur sur des
œuvres d’une saveur autrement forte, telles que celles aux-
quelles Roty a prêté le concours de son incomparable
talent à concevoir et à exécuter le bas-relief. Chaplain et
Roty ont avec un génie égal quoique différent fait renaître
l’art si difficile, et tombé si bas, du médailleur. S’inspirant
des maîtres de la Renaissance, rompant complètement
avec des formules toutes faites qui avaient fini par ané-
mier complètement cette branche de la sculpture, ils ont
repris, en leur infusant un sang nouveau, les vieilles nié-

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le flair

Can-délabre en argent,
par Mathurin Moreau. Orfèvrerie de la maison Christolle et C'B.
(Exposition Universelle de 1889.)
 
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