SALON DE 1890. 247
ment (dans une des quatre Lettres à M. de Malesherbes), de l’or des genêts et de la pourpre
des bruyères.
Depuis, l'on a raffiné là-dessus. Les épigones ont fort abusé de ce genre littérairement assez
faux ou du moins secondaire.
Dans les arts, cet amour et cette intelligence de la nature ont donné naissance à d’incon-
testables chefs-d’œuvre. C’est sans doute dans le paysage que les modernes écoles françaises de
peinture laisseront la trace la plus profonde et la plus durable. Même en ce Salon sans éclat
de 1890, c’est du côté du paysage qu'il faut peut-être chercher le plus grand nombre d’œuvres
fermes, belles d’exécution, rassurantes pour l'avenir.
M. Zuber, avec le Ravin; forêt de Fontainebleau, nous a rendu un de ces effets puissants et
riches pour lesquels Michelet aimait la vieille forêt féerique, qui eût été digne, comme une autre
forêt des Ardennes, d'abriter dans ses profondeurs les divines fictions des Shakspere et des
Cervantes. — La Brume du soir ; bords du Loing, est une œuvre plus importante encore, vaste
Nature morte.
Dessin de M,n* Marie Cornélius, d’après son tableau. — (Salon de 1890.)
paysage tranquille à la moite et sereine atmosphère, aux claires eaux bordées de saules, empour-
prées par le soleil couchant. — Quelle belle et grande page nous donne M. Camille Bernier,
ces Huttes de sabotiers; ample tableau, partagé par de hauts arbres; à droite, on aperçoit des
vaches; à gauche, devant les huttes, on distingue des personnages, des troncs sciés; dans le
fond, la couche aérienne se dégrade en nuances d’un art infini. — En août, près la ferme
Lécuyer, à Etretat, comptera parmi les meilleurs ouvrages de M. Nozal. Les gerbes sont
dressées et entassées. Sur la droite, un bouquet d’arbres. Quelques animaux épars, des vaches,
des oies qu'une paysanne nourrit. Un chariot est chargé, tandis qu’une meule s’élève, au sommet
de laquelle sont juchées des figures. Les notes vives des fleurs des champs éclatent sur la végé-
tation drue. Au-dessus, s’étend un de ces ciels d’été dans lesquels vibre une flamme subtile.
C’est, en quelque sorte, un pan, un morceau de la réalité transposé sur la toile, avec art, mais
sans que rien y décèle les recettes, plus ou moins puériles, d’une composition artificielle. — Le
tableau de M. Émile Michel est d’une structure solide, d’une tenue sobre et grave. On y sent
un effort très médité et très complexe. L’auteur est sans doute un vrai moderne, occupé de
transcrire fidèlement les effets naturels; cependant l’on sent en lui, à plus d’un indice, l’étude et
ment (dans une des quatre Lettres à M. de Malesherbes), de l’or des genêts et de la pourpre
des bruyères.
Depuis, l'on a raffiné là-dessus. Les épigones ont fort abusé de ce genre littérairement assez
faux ou du moins secondaire.
Dans les arts, cet amour et cette intelligence de la nature ont donné naissance à d’incon-
testables chefs-d’œuvre. C’est sans doute dans le paysage que les modernes écoles françaises de
peinture laisseront la trace la plus profonde et la plus durable. Même en ce Salon sans éclat
de 1890, c’est du côté du paysage qu'il faut peut-être chercher le plus grand nombre d’œuvres
fermes, belles d’exécution, rassurantes pour l'avenir.
M. Zuber, avec le Ravin; forêt de Fontainebleau, nous a rendu un de ces effets puissants et
riches pour lesquels Michelet aimait la vieille forêt féerique, qui eût été digne, comme une autre
forêt des Ardennes, d'abriter dans ses profondeurs les divines fictions des Shakspere et des
Cervantes. — La Brume du soir ; bords du Loing, est une œuvre plus importante encore, vaste
Nature morte.
Dessin de M,n* Marie Cornélius, d’après son tableau. — (Salon de 1890.)
paysage tranquille à la moite et sereine atmosphère, aux claires eaux bordées de saules, empour-
prées par le soleil couchant. — Quelle belle et grande page nous donne M. Camille Bernier,
ces Huttes de sabotiers; ample tableau, partagé par de hauts arbres; à droite, on aperçoit des
vaches; à gauche, devant les huttes, on distingue des personnages, des troncs sciés; dans le
fond, la couche aérienne se dégrade en nuances d’un art infini. — En août, près la ferme
Lécuyer, à Etretat, comptera parmi les meilleurs ouvrages de M. Nozal. Les gerbes sont
dressées et entassées. Sur la droite, un bouquet d’arbres. Quelques animaux épars, des vaches,
des oies qu'une paysanne nourrit. Un chariot est chargé, tandis qu’une meule s’élève, au sommet
de laquelle sont juchées des figures. Les notes vives des fleurs des champs éclatent sur la végé-
tation drue. Au-dessus, s’étend un de ces ciels d’été dans lesquels vibre une flamme subtile.
C’est, en quelque sorte, un pan, un morceau de la réalité transposé sur la toile, avec art, mais
sans que rien y décèle les recettes, plus ou moins puériles, d’une composition artificielle. — Le
tableau de M. Émile Michel est d’une structure solide, d’une tenue sobre et grave. On y sent
un effort très médité et très complexe. L’auteur est sans doute un vrai moderne, occupé de
transcrire fidèlement les effets naturels; cependant l’on sent en lui, à plus d’un indice, l’étude et