248
L’ART.
Sa pratique habituelle de l’art des anciens, des hommes qui, ne se réduisant pas à l'office de purs
miroirs, mêlaient à l’interprétation de la nature une originale et vigoureuse pensée. — Les
œuvres de M. Petitjean appartiennent l’une et l’autre à l’ordre le plus relevé. L’une (,Joinville)
nous montre une rivière où se réfléchissent le bleu du ciel et les verdures des rives, tandis que,
de part et d’autre, s’alignent les maisons d’un village. La végétation des bords est vivace, et,
dans le ciel, glissent quelques nuages mats. — Dans l’autre œuvre (Temps gris en Lorraine)
nous voyons, sous des nuées d'ardoise, l'eau courante, la berge, la rue montante d'un hameau,
des constructions rustiques, des arbres, des bouts de jardins. Sur le vert et le jaune des planta-
tions et du sol se détachent des notes bleues fournies par les vêtements des femmes.
M. Davis nous donne un grand tableau, d'une extraordinaire difficulté d’exécution : le Ruis-
seau; effet du soir ; une plaine étendue, bordée par des hauteurs, sous un ciel vaguement orangé;
le vert de l'herbe est, par endroits, jauni; auprès de l’eau, il se rafraîchit et se ravive.
M. Maurice Eliot est, parmi les artistes jeunes, l’un des plus intéressants. Mais dans sa
CwA'x v.'. L-'
Environs de Honfleur.
Dessin de Henri Dützschhold, d’après son tableau. — (Salon de 1890..)
recherche aventureuse des mirages et des fantasmagories de la nature, dans son curieux effort
pour rendre les éblouissantes lumières de la belle saison, il nous paraît suivre une voie périlleuse,
bordée de fondrières. Dans son Jeudi d’été, deux petites filles sont vautrées dans un champ plein
de gerbes, où règne jusqu’à l’horizon une sorte de clarté rose d’un effet équivoque. La même
observation s’applique à sa Journée de baptême, où la petite fille, coiffée d’un chapeau de paille,
qui, un genou en terre, cueille une fleurette, est un morceau savoureux et plein de grâce, ou les
figures des trois autres personnages sont très habilement étudiées. Mais on dirait que l’auteur
n’a pu préserver d’un certain trouble sa vision, d’ailleurs si puissante et si personnelle. 11 y a je
ne sais quelle dangereuse bizarrerie dans les taches crues des lointains, ainsi que dans la lumière
rose et diffuse qui décompose, en quelque sorte, toutes choses, les vêtements des personnages
aussi bien que les végétations du sol.
M. Thévenot expose un tableau de grand mérite, où les objets, sous la lumière, ne
paraissent qu’ébauchés; mais il y a des jours, on le sait, où la nature elle-même se borne, en
quelque sorte, à tracer une esquisse. Il est d’ailleurs bien attrayant, ce tableau : sous un
L’ART.
Sa pratique habituelle de l’art des anciens, des hommes qui, ne se réduisant pas à l'office de purs
miroirs, mêlaient à l’interprétation de la nature une originale et vigoureuse pensée. — Les
œuvres de M. Petitjean appartiennent l’une et l’autre à l’ordre le plus relevé. L’une (,Joinville)
nous montre une rivière où se réfléchissent le bleu du ciel et les verdures des rives, tandis que,
de part et d’autre, s’alignent les maisons d’un village. La végétation des bords est vivace, et,
dans le ciel, glissent quelques nuages mats. — Dans l’autre œuvre (Temps gris en Lorraine)
nous voyons, sous des nuées d'ardoise, l'eau courante, la berge, la rue montante d'un hameau,
des constructions rustiques, des arbres, des bouts de jardins. Sur le vert et le jaune des planta-
tions et du sol se détachent des notes bleues fournies par les vêtements des femmes.
M. Davis nous donne un grand tableau, d'une extraordinaire difficulté d’exécution : le Ruis-
seau; effet du soir ; une plaine étendue, bordée par des hauteurs, sous un ciel vaguement orangé;
le vert de l'herbe est, par endroits, jauni; auprès de l’eau, il se rafraîchit et se ravive.
M. Maurice Eliot est, parmi les artistes jeunes, l’un des plus intéressants. Mais dans sa
CwA'x v.'. L-'
Environs de Honfleur.
Dessin de Henri Dützschhold, d’après son tableau. — (Salon de 1890..)
recherche aventureuse des mirages et des fantasmagories de la nature, dans son curieux effort
pour rendre les éblouissantes lumières de la belle saison, il nous paraît suivre une voie périlleuse,
bordée de fondrières. Dans son Jeudi d’été, deux petites filles sont vautrées dans un champ plein
de gerbes, où règne jusqu’à l’horizon une sorte de clarté rose d’un effet équivoque. La même
observation s’applique à sa Journée de baptême, où la petite fille, coiffée d’un chapeau de paille,
qui, un genou en terre, cueille une fleurette, est un morceau savoureux et plein de grâce, ou les
figures des trois autres personnages sont très habilement étudiées. Mais on dirait que l’auteur
n’a pu préserver d’un certain trouble sa vision, d’ailleurs si puissante et si personnelle. 11 y a je
ne sais quelle dangereuse bizarrerie dans les taches crues des lointains, ainsi que dans la lumière
rose et diffuse qui décompose, en quelque sorte, toutes choses, les vêtements des personnages
aussi bien que les végétations du sol.
M. Thévenot expose un tableau de grand mérite, où les objets, sous la lumière, ne
paraissent qu’ébauchés; mais il y a des jours, on le sait, où la nature elle-même se borne, en
quelque sorte, à tracer une esquisse. Il est d’ailleurs bien attrayant, ce tableau : sous un