INTRODUCTION.
VII
arceaux; les vierges de Ciinabué, les créatures célestes de Fiésole,
de Van Eyck et du Giotto descendaient de leur piédestal ou reje-
taient leur linceul de pierre; c'était à qui lui tendrait la main,
à qui lui donnerait le baiser de paix et l'accolade fraternelle.
L'Italie, où ne s'est jamais naturalisé l'arc-en-tiers-point, accep-
tait volontiers la renaissance comme elle avait accepté la byzan-
tine, tandis qu'en Espagne l'art chrétien, justement orgueilleux
de sa lutte avec l'islamisme, aimait mieux demeurer agenouillé
dans son extase, au milieu des personnages mystiques dont il avait
formé sa cour, que d'abandonner l'ascétisme grandiose auquel il
devait et sa gloire et sa puissance.
Le temps marchait toutefois pour l'Espagne comme pour les
autres contrées européennes. On y sentait la terre trembler sous
les pieds; par delà les cieux que montrait au patriarche Abraham
l'ange de la Bible, on croyait entrevoir d'autres cieux; et les
hommes d'imagination chaude, tourmentés de passions nouvelles,
de désirs nouveaux, cherchaient quelque nouvelle terre pour y
planter leur tente. Ce fut alors qu'un vaisseau, le vaisseau d'Amé-
ric Vespuce, partit des rives ibériennes; des vents inconnus gon-
flaient ses voiles comme ils gonflaient les voiles de l'intelligence;
il emportait avec lui les espérances de plusieurs générations suc-
cessives, et le genre humain venait s'asseoir sur le rivage, atten-
dant d'autres destinées, espérant quïncessamment du sein des
flots le cri d'abordage lui révélerait un monde.
Telle était la disposition des esprits au moment où retentit le
bruit des conquêtes transatlantiques. L'enthousiasme devint uni-
versel : l'Espagne entière s'anima; les ponts-levis se dressèrent;
les dagues resplendirent aiguisées; la bannière seigneuriale flotta
sur les créneaux; la dame châtelaine apparut en longs habits de
cérémonie, tenant à la main le lévrier fidèle ou le faucon qui
glapissait d'aise; les coursiers de bataille, richement capara-
çonnés, hennirent dans chaque cour d'attente; la coupe des fes-
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arceaux; les vierges de Ciinabué, les créatures célestes de Fiésole,
de Van Eyck et du Giotto descendaient de leur piédestal ou reje-
taient leur linceul de pierre; c'était à qui lui tendrait la main,
à qui lui donnerait le baiser de paix et l'accolade fraternelle.
L'Italie, où ne s'est jamais naturalisé l'arc-en-tiers-point, accep-
tait volontiers la renaissance comme elle avait accepté la byzan-
tine, tandis qu'en Espagne l'art chrétien, justement orgueilleux
de sa lutte avec l'islamisme, aimait mieux demeurer agenouillé
dans son extase, au milieu des personnages mystiques dont il avait
formé sa cour, que d'abandonner l'ascétisme grandiose auquel il
devait et sa gloire et sa puissance.
Le temps marchait toutefois pour l'Espagne comme pour les
autres contrées européennes. On y sentait la terre trembler sous
les pieds; par delà les cieux que montrait au patriarche Abraham
l'ange de la Bible, on croyait entrevoir d'autres cieux; et les
hommes d'imagination chaude, tourmentés de passions nouvelles,
de désirs nouveaux, cherchaient quelque nouvelle terre pour y
planter leur tente. Ce fut alors qu'un vaisseau, le vaisseau d'Amé-
ric Vespuce, partit des rives ibériennes; des vents inconnus gon-
flaient ses voiles comme ils gonflaient les voiles de l'intelligence;
il emportait avec lui les espérances de plusieurs générations suc-
cessives, et le genre humain venait s'asseoir sur le rivage, atten-
dant d'autres destinées, espérant quïncessamment du sein des
flots le cri d'abordage lui révélerait un monde.
Telle était la disposition des esprits au moment où retentit le
bruit des conquêtes transatlantiques. L'enthousiasme devint uni-
versel : l'Espagne entière s'anima; les ponts-levis se dressèrent;
les dagues resplendirent aiguisées; la bannière seigneuriale flotta
sur les créneaux; la dame châtelaine apparut en longs habits de
cérémonie, tenant à la main le lévrier fidèle ou le faucon qui
glapissait d'aise; les coursiers de bataille, richement capara-
çonnés, hennirent dans chaque cour d'attente; la coupe des fes-