LE DÉSERT. 77
YALLADOLID.
« Je lui demandai d'où il venait : il me répondit d'un
air pieux qu'il sortait d'une église, où il était allé remer-
cier le ciel de nous avoir préservés de tout mauvais acci-
dent depuis Burgos jusqu'à Valladolid.»
• Çil Blas, liv. I, chap. XYI.
Toute ville possédant une rivière, de belles promenades, d'anciens
monuments, une nombreuse jeunesse, une garnison, quelques grandes
places, quelques belles rues et surtout des souvenirs, mérite de pren-
dre rang parmi les localités exceptionnelles. Or, c'est ainsi que vient
s'offrir Yalladolid. Personne ne demeure inattentif à l'euphonie char-
mante de son nom; personne ne la traverse sans concevoir la plus
haute idée d'une puissance qui jadis entassait de la sorte palais sur
palais, églises sur églises, merveilles sur merveilles; qui, pour enfan-
ter le génie, n'avait qu'à vouloir, et dont les volontés, les sentiments,
depuis le douzième siècle jusqu'au dix-septième siècle, s'interprétaient,
tantôt par le ciseau de Juan Juni, d'Hernandez, de Beruguète, de P. Leon
Leoni; tantôt par la palette de José Martinez et d'Antoine Pereda. Cette
époque fut véritablement la grande époque de Yalladolid, comme
elle fut celle de Burgos. Yalladolid eut alors d'illustres Mécènes : le
comte Pedro Ansurez, inhumé dans la cathédrale sous un mausolée
digne de lui; le cardinal Gonzalez de Mendoza; le roi Philippe II, re-
connaissant de lui devoir son berceau; Fabio Nelli, dont la maison
corinthienne ornée de médaillons subsiste encore; Diego Sarmiento
de Acuha, qui possédait une des plus magnifiques bibliothèques du l'Es-
pagne, et d'autres grands personnages. Aujourd'hui, un seul Mécène
lui reste; mais je le crois beaucoup plus durable que les autres, c'est
le canal de Castille. Jamais protecteur n'a pu montrer des bras si
longs, car le canal , par la baie de Biscaye , communique avec l'Océan,
et par le Douro avec l'Atlantique; et nul protecteur n'a mis à ses ser-
vices autant d'abnégation et de suite. Aussi, malgré des troubles poli-
tiques encore récents , malgré la ruine des maisons religieuses qui
naturellement a dû jeter une certaine perturbation dans beaucoup d'in-
dustries locales, voyez comme cette ville marche et prospère. Excepté
YALLADOLID.
« Je lui demandai d'où il venait : il me répondit d'un
air pieux qu'il sortait d'une église, où il était allé remer-
cier le ciel de nous avoir préservés de tout mauvais acci-
dent depuis Burgos jusqu'à Valladolid.»
• Çil Blas, liv. I, chap. XYI.
Toute ville possédant une rivière, de belles promenades, d'anciens
monuments, une nombreuse jeunesse, une garnison, quelques grandes
places, quelques belles rues et surtout des souvenirs, mérite de pren-
dre rang parmi les localités exceptionnelles. Or, c'est ainsi que vient
s'offrir Yalladolid. Personne ne demeure inattentif à l'euphonie char-
mante de son nom; personne ne la traverse sans concevoir la plus
haute idée d'une puissance qui jadis entassait de la sorte palais sur
palais, églises sur églises, merveilles sur merveilles; qui, pour enfan-
ter le génie, n'avait qu'à vouloir, et dont les volontés, les sentiments,
depuis le douzième siècle jusqu'au dix-septième siècle, s'interprétaient,
tantôt par le ciseau de Juan Juni, d'Hernandez, de Beruguète, de P. Leon
Leoni; tantôt par la palette de José Martinez et d'Antoine Pereda. Cette
époque fut véritablement la grande époque de Yalladolid, comme
elle fut celle de Burgos. Yalladolid eut alors d'illustres Mécènes : le
comte Pedro Ansurez, inhumé dans la cathédrale sous un mausolée
digne de lui; le cardinal Gonzalez de Mendoza; le roi Philippe II, re-
connaissant de lui devoir son berceau; Fabio Nelli, dont la maison
corinthienne ornée de médaillons subsiste encore; Diego Sarmiento
de Acuha, qui possédait une des plus magnifiques bibliothèques du l'Es-
pagne, et d'autres grands personnages. Aujourd'hui, un seul Mécène
lui reste; mais je le crois beaucoup plus durable que les autres, c'est
le canal de Castille. Jamais protecteur n'a pu montrer des bras si
longs, car le canal , par la baie de Biscaye , communique avec l'Océan,
et par le Douro avec l'Atlantique; et nul protecteur n'a mis à ses ser-
vices autant d'abnégation et de suite. Aussi, malgré des troubles poli-
tiques encore récents , malgré la ruine des maisons religieuses qui
naturellement a dû jeter une certaine perturbation dans beaucoup d'in-
dustries locales, voyez comme cette ville marche et prospère. Excepté