190 VOYAGE EN ESPAGNE.
grands carreaux et des persiennes. La seule chose qui étonne, qui
choque tous les étrangers, c'est d'y voir les lieux d'aisances dans la
cuisine, souvent même près de la cheminée.
L'Arénal, promenade publique formée d'allées d'ormes et de tilleuls
qui se croisent en berceau, garnie d'édifices d'un côté, bordée de l'autre
par la rivière, constitue un véritable rendez-vous européen, une station
entre Madrid, Londres et Paris, de laquelle partent les instructions et
les signaux qu'attendent les vaisseaux amarrés dans le port. Au delà de
cette promenade , deux villages, Albia et Olavijaja, sont assis comme
deux vedettes au point où se rapprochent les deux groupes de mon-
tagnes auxquelles Bilbao s'appuie. L'espace intermédiaire, tapissé d'ar-
bres fruitiers, présente une fertilité remarquable; des sentiers faciles
en sillonnent les pentes, et, après une montée de cinquante minutes,
on arrive à la Puenta de las Banderas, où deux grands mâts signalent,
en arborant un pavillon tantôt rouge, tantôt blanc, tantôt noir, tantôt
blanc et rouge, l'entrée, la sortie, la perdition des vaisseaux ou l'appari-
tion des corsaires. De cette Puenta l'œil découvre un panorama des plus
magnifiques. Deux autres promenades, celle de los Canos et le Passeo de
los Augustinos, rivalisent, sinon en étendue, au moins en magnificence
avec l'Arénal; chaque soir, tout Bilbao s'y porte, les femmes en man-
tilles noires, généralement deux à deux, sans leurs maris, leurs pères,
ni leurs frères, lesquels se promènent isolés.
Après les jouissances de la promenade, qui résume les exigences
d'une coquetterie permise, ce que les Biscaïennes affectionnent d'avan-
tage, c'est la romeria, danse nationale ayant beaucoup de rapport avec
le fandango, et qu'accompagne une musique sauvage composée de tam-
bours de basque et de fifres. « On y voit une file de jeunes personnes
se prendre par la main et se suivre en ligne droite. De temps en temps,
celle qui est à la tète fait, avec autant de noblesse que de grâce, en se
retournant vers ses compagnes, des pas mesurés, tandis que les der-
nières cheminent nonchalamment derrière elle. De leur côté, les hommes,
conduits par un coryphée, forment une autre file et s'approchent insen-
siblement des femmes, qui s'avancent au-devant d'eux. Tout d'un coup,
la musique prend un mouvement plus rapide, chaque danseur se trouve
en face d'une danseuse, et alors commence un fandango dont les gestes
grands carreaux et des persiennes. La seule chose qui étonne, qui
choque tous les étrangers, c'est d'y voir les lieux d'aisances dans la
cuisine, souvent même près de la cheminée.
L'Arénal, promenade publique formée d'allées d'ormes et de tilleuls
qui se croisent en berceau, garnie d'édifices d'un côté, bordée de l'autre
par la rivière, constitue un véritable rendez-vous européen, une station
entre Madrid, Londres et Paris, de laquelle partent les instructions et
les signaux qu'attendent les vaisseaux amarrés dans le port. Au delà de
cette promenade , deux villages, Albia et Olavijaja, sont assis comme
deux vedettes au point où se rapprochent les deux groupes de mon-
tagnes auxquelles Bilbao s'appuie. L'espace intermédiaire, tapissé d'ar-
bres fruitiers, présente une fertilité remarquable; des sentiers faciles
en sillonnent les pentes, et, après une montée de cinquante minutes,
on arrive à la Puenta de las Banderas, où deux grands mâts signalent,
en arborant un pavillon tantôt rouge, tantôt blanc, tantôt noir, tantôt
blanc et rouge, l'entrée, la sortie, la perdition des vaisseaux ou l'appari-
tion des corsaires. De cette Puenta l'œil découvre un panorama des plus
magnifiques. Deux autres promenades, celle de los Canos et le Passeo de
los Augustinos, rivalisent, sinon en étendue, au moins en magnificence
avec l'Arénal; chaque soir, tout Bilbao s'y porte, les femmes en man-
tilles noires, généralement deux à deux, sans leurs maris, leurs pères,
ni leurs frères, lesquels se promènent isolés.
Après les jouissances de la promenade, qui résume les exigences
d'une coquetterie permise, ce que les Biscaïennes affectionnent d'avan-
tage, c'est la romeria, danse nationale ayant beaucoup de rapport avec
le fandango, et qu'accompagne une musique sauvage composée de tam-
bours de basque et de fifres. « On y voit une file de jeunes personnes
se prendre par la main et se suivre en ligne droite. De temps en temps,
celle qui est à la tète fait, avec autant de noblesse que de grâce, en se
retournant vers ses compagnes, des pas mesurés, tandis que les der-
nières cheminent nonchalamment derrière elle. De leur côté, les hommes,
conduits par un coryphée, forment une autre file et s'approchent insen-
siblement des femmes, qui s'avancent au-devant d'eux. Tout d'un coup,
la musique prend un mouvement plus rapide, chaque danseur se trouve
en face d'une danseuse, et alors commence un fandango dont les gestes