410 VOYAGE EN ESPAGNE.
vaut leurs champs, battant leurs grains comme les contemporains
d'Homère.
Temblèque, ville raboteuse, tour à tour froide et brûlante, cernée
par des collines, comme elle le fut naguère par les armées françaises,
présente une vaste place qu'entourent trois galeries superposées, de
style mauresque. Deux heures après, nous franchissions Madridejos,
chef-lieu de partido, anciennement fortifiée, ayant deux églises parois-
siales, un hospice, une jolie promenade; puis nous traversions des
plaines humides que viennent interrompre deux sierras, au delà des-
quelles recommencent les marais qui exigent un long barrage sur le
territoire de Villalta.
LA MANCHE.
A huit kilomètres de ce village, nous pénétrons dans la Manche,
terre classique de la danse, théâtre des prouesses de Don Quichotte.
Ses collines violacées, sa terre rougeâtre lui donnent, au mois d'avril,
un aspect des plus pittoresques, parce qu'il s'y mêle de la verdure.
Les arbres viendraient à merveille si l'on prenait la peine d'en planter.
La Manche, d'une superficie d'environ sept mille cinq cents milles car-
rés, ayant une population de deux cent cinquante mille âmes, forme
un immense plateau, qui s'élève en moyenne à deux mille pieds au-
dessus du niveau de la mer. Entre Mançanarès et Villalta, la plaine
présente une telle étendue qu'on n'aperçoit presque pas les collines
qui la bordent. De chaque dépression du sol coulent des ruisseaux,
mais si chétifs qu'ils ne peuvent l'abreuver suffisamment; aussi, dans
les parties demeurées en friche, l'œil fatigué ne distingue-t-il qu'une
surface imprégnée de salpêtre et de mica, d'où miroite la lumière brû-
lante du soleil. Le combustible manque autant que l'eau dans ces
plaines exposées sans abri, sans tutelle, sans ressources aux froids
ouragans de l'hiver, aux ardeurs de l'été. On se chauffe avec du fu-
mier desséché; on fait, en certains lieux, des voyages pour chercher
de l'eau. Des paysans mal vêtus, mal nourris occupent de véritables
huttes en terre; les unes disséminées à de longues distances, les autres
groupées avec régularité pour former des villages qui sont tous assez
vaut leurs champs, battant leurs grains comme les contemporains
d'Homère.
Temblèque, ville raboteuse, tour à tour froide et brûlante, cernée
par des collines, comme elle le fut naguère par les armées françaises,
présente une vaste place qu'entourent trois galeries superposées, de
style mauresque. Deux heures après, nous franchissions Madridejos,
chef-lieu de partido, anciennement fortifiée, ayant deux églises parois-
siales, un hospice, une jolie promenade; puis nous traversions des
plaines humides que viennent interrompre deux sierras, au delà des-
quelles recommencent les marais qui exigent un long barrage sur le
territoire de Villalta.
LA MANCHE.
A huit kilomètres de ce village, nous pénétrons dans la Manche,
terre classique de la danse, théâtre des prouesses de Don Quichotte.
Ses collines violacées, sa terre rougeâtre lui donnent, au mois d'avril,
un aspect des plus pittoresques, parce qu'il s'y mêle de la verdure.
Les arbres viendraient à merveille si l'on prenait la peine d'en planter.
La Manche, d'une superficie d'environ sept mille cinq cents milles car-
rés, ayant une population de deux cent cinquante mille âmes, forme
un immense plateau, qui s'élève en moyenne à deux mille pieds au-
dessus du niveau de la mer. Entre Mançanarès et Villalta, la plaine
présente une telle étendue qu'on n'aperçoit presque pas les collines
qui la bordent. De chaque dépression du sol coulent des ruisseaux,
mais si chétifs qu'ils ne peuvent l'abreuver suffisamment; aussi, dans
les parties demeurées en friche, l'œil fatigué ne distingue-t-il qu'une
surface imprégnée de salpêtre et de mica, d'où miroite la lumière brû-
lante du soleil. Le combustible manque autant que l'eau dans ces
plaines exposées sans abri, sans tutelle, sans ressources aux froids
ouragans de l'hiver, aux ardeurs de l'été. On se chauffe avec du fu-
mier desséché; on fait, en certains lieux, des voyages pour chercher
de l'eau. Des paysans mal vêtus, mal nourris occupent de véritables
huttes en terre; les unes disséminées à de longues distances, les autres
groupées avec régularité pour former des villages qui sont tous assez