LETTRE A LA SOEUR MATHILDE. 553
reliques d'Isabelle. Une autre sainte, du nom de Téela, convertie par
saint Paul, échappée triomphante des divers supplices auxquels la fit
condamner Tamiro qu'elle devait épouser, attire, dans la même église,
le 23 septembre, un prodigieux concours de fidèles. A Barcelone, le
12 février, c'est sainte Eulalie dont la fête met toute la ville en émoi.
On célèbre avec pompe l'anniversaire de son martyre, qui eut lieu
l'an 304; mais aujourd'hui le peuple et le clergé font seuls les frais
d'une cérémonie qu'annonçaient jadis tous les canons de la citadelle et
des remparts. Pendant la messe, une colombe s'élevait du tabernacle à
la voûte, ainsi qu'il arriva, dit la légende , lorsque l'âme d'Eulalie
remonta vers son auteur; puis avait lieu une procession dans laquelle
les monarques eux-mêmes se faisaient honneur de porter les reliques
de la sainte. Elle repose, sous la crypte, depuis l'année 1339, époque où
furent exécutés les bas-reliefs qu'on y voit. A Tolède, on vénère parti-
culièrement sainte Léocadie. Ses précieux restes sont déposés, avec ceux
de saint lldefonse, dans une basilique du septième siècle, el Cristo de la
Vega, demeure vénérable, bien digne de posséder cette héroïne chré-
tienne qui suggéra tant de vers aux poètes, tant d'œuvres aux artistes es-
pagnols. Sainte Lucie, qu'on invoque pour la vue; sainte Librade, dont
les reliques se trouvent déposées dans le transept de la cathédrale de Si-
guenza, ville qui l'a nommée sa patronne ; sainte Justine et sainte Ru-
fine, inséparables dans leur culte ainsi qu'elles paraissent l'avoir été
dans leurs sympathies, inspirent également une vénération profonde,
une adoration émouvante, mélange de joie naïve, d'espérances chré-
tiennes et de bonheur. Au delà des Pyrénées, on croit encore; la légende
est bien autre chose qu'une lettre morte, écrite, comme le prétendent
nos esprits forts, avec la crédulité de l'ignorance; la légende s'y traduit
sans examen, sans contrôle; et jamais l'Académie des sciences assem-
blée ne persuaderait aux Sévillans qu'à l'époque de l'ouragan furieux
de 1504, qui détruisit tant d'édifices, sainte Justine et sainte Rufine ne
sont point venues épauler de leur taille colossale la Giralda qui mena-
çait ruine; de même qu'on vous affirmera qu'en 1843, lorsque Espar-
tero bombardait la ville, les deux saintes , escortées d'une nuée
d'anges invisibles, détournaient de l'édifice les projectiles incendiaires.
Murillo, qui avait dans l'âme de la suavité pour rendre le cœur de
toutes les vierges et dans la main une hardiesse de pinceau qui s'alliait à
la puissance expressive du coloris; Murillo qui avait peint si délicieu-
sement sainte Isabelle de Hongrie et d'autres saintes encore, ne pouvait
refuser aux deux vierges martyres du faubourg de Triana, à sainte
Justine et sainte Rufine, l'immortalité terrestre que savait dispenser sa
palette. Il les comprit bien mieux que ne les avait comprises Cespedes.
reliques d'Isabelle. Une autre sainte, du nom de Téela, convertie par
saint Paul, échappée triomphante des divers supplices auxquels la fit
condamner Tamiro qu'elle devait épouser, attire, dans la même église,
le 23 septembre, un prodigieux concours de fidèles. A Barcelone, le
12 février, c'est sainte Eulalie dont la fête met toute la ville en émoi.
On célèbre avec pompe l'anniversaire de son martyre, qui eut lieu
l'an 304; mais aujourd'hui le peuple et le clergé font seuls les frais
d'une cérémonie qu'annonçaient jadis tous les canons de la citadelle et
des remparts. Pendant la messe, une colombe s'élevait du tabernacle à
la voûte, ainsi qu'il arriva, dit la légende , lorsque l'âme d'Eulalie
remonta vers son auteur; puis avait lieu une procession dans laquelle
les monarques eux-mêmes se faisaient honneur de porter les reliques
de la sainte. Elle repose, sous la crypte, depuis l'année 1339, époque où
furent exécutés les bas-reliefs qu'on y voit. A Tolède, on vénère parti-
culièrement sainte Léocadie. Ses précieux restes sont déposés, avec ceux
de saint lldefonse, dans une basilique du septième siècle, el Cristo de la
Vega, demeure vénérable, bien digne de posséder cette héroïne chré-
tienne qui suggéra tant de vers aux poètes, tant d'œuvres aux artistes es-
pagnols. Sainte Lucie, qu'on invoque pour la vue; sainte Librade, dont
les reliques se trouvent déposées dans le transept de la cathédrale de Si-
guenza, ville qui l'a nommée sa patronne ; sainte Justine et sainte Ru-
fine, inséparables dans leur culte ainsi qu'elles paraissent l'avoir été
dans leurs sympathies, inspirent également une vénération profonde,
une adoration émouvante, mélange de joie naïve, d'espérances chré-
tiennes et de bonheur. Au delà des Pyrénées, on croit encore; la légende
est bien autre chose qu'une lettre morte, écrite, comme le prétendent
nos esprits forts, avec la crédulité de l'ignorance; la légende s'y traduit
sans examen, sans contrôle; et jamais l'Académie des sciences assem-
blée ne persuaderait aux Sévillans qu'à l'époque de l'ouragan furieux
de 1504, qui détruisit tant d'édifices, sainte Justine et sainte Rufine ne
sont point venues épauler de leur taille colossale la Giralda qui mena-
çait ruine; de même qu'on vous affirmera qu'en 1843, lorsque Espar-
tero bombardait la ville, les deux saintes , escortées d'une nuée
d'anges invisibles, détournaient de l'édifice les projectiles incendiaires.
Murillo, qui avait dans l'âme de la suavité pour rendre le cœur de
toutes les vierges et dans la main une hardiesse de pinceau qui s'alliait à
la puissance expressive du coloris; Murillo qui avait peint si délicieu-
sement sainte Isabelle de Hongrie et d'autres saintes encore, ne pouvait
refuser aux deux vierges martyres du faubourg de Triana, à sainte
Justine et sainte Rufine, l'immortalité terrestre que savait dispenser sa
palette. Il les comprit bien mieux que ne les avait comprises Cespedes.