Overview
Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1898

DOI issue:
Nr. 7 (12 Février)
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.19746#0067
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
ET DE LA

tions absolument nécessaires pour le succès dans
le placement des tableaux d'une grande collée
tion; quand elles ne sont pas remplies, les plus
fâcheuses conséquences se produisent : pour s'en
convaincre, il suffit de parcourir les galeries du
Musée de peinture de Lille et d'examiner, d'un
peu près, le nouveau classement.

L'avant-propos, placé en tête de la dernière édi-
tion du catalogue et daté de janvier 1898, nous
apprend que le classement adopté par la Com-
mission du Musée de peinture et exécuté par le
Conservateur est « le classement par école et par
époque, autrement dit le classement historique. »
J'avoue que j'ai dû relire cette phrase pour bien
m'assurer que mes yeux ne me trompaient pas;
d'ailleurs, je ne fus pas seul à ressentir cette im-
pression; je venais d'achever, en compagnie d'un
brillant historien de l'art, un de ceux qui font
autorité, la visite des salles consacrées aux écoles
hollandaise et flamande, quand il me demanda
quel ordre on avait suivi dans le classement;
comme moi, il n'en avait remarqué aucun. Pour
faire comprendre les raisons de notre étonnement
je vais donner quelques exemples, pris au hasard
entre beaucoup d'autres.

Le Musée de Lille no possède de Jan Steen que
deux tableaux tout petits : Le Ménétrier (741) et
le Musicien hollandais (742); cependant, ils ne
sont pas placés dans la même salle.

Bien mieux, les Teniers sont dispersés dans
trois salles ; un faux van Goyen, dû très vrai-
semblablement àWouter Knijf, le n° 353, Paysage
avec fabriques, est en belle place, dans une
bonne salle, tandis que deux autres très beaux
van Goyen, parfaitement authentiques, le n° 352,
Le Moulin à vent, et le n° 354, Les Patineurs,
sont relégués dans un des pavillons d'angle.

La même remarque peut se faire pour les por-
traits hollandais ; ils sont assez nombreux au
Musée pour garnir une salle où l'étude de l'évo-
lution de cet art du portrait, qui fut si florissant
en Hollande, se ferait avec fruit ; mais ce serait
un peu sévère pour le gros du public; aussi,
pourrait-on se borner à réunir dans une même
salle les portraits sortis du pinceau d'un groupe
d'artistes ayant entre eux une certaine affinité ;
mais, à Lille, on ne s'est même pas astreint à ce
minimum de méthode ; par exemple, dans la pre-
mière salle de l'aile gauche, La Sorcière (370),
de Frans Hais, est entre deux grands et superbes
portraits (390 et 391), attribués, je crois, avec raison
par le catalogue à B. van der Helst, mais donnés,
par des experts et des critiques autorisés, à d'autres
peintres du même temps, notamment à Cornelis
Janssens van Ceulen ; or, le Musée possède le
portrait d'Anne de Schurman, peint en 1660, par
C. van Ceulen, dont la signature, presque entière-
ment effacée lors de la rédaction du catalogue
de 18/5, est aujourd'hui disparue ; on ne trouve
plus que le monogramme de Gérard Ter Borch,
appliqué, il y a déjà bien longtemps, sur ce beau
tableau; pour les artistes, les amateurs, et
même les simples curieux, il serait intéressant
de pouvoir étudier de près ces trois portraits et
surtout de les comparer entre eux attentivement ;
mais, comme ils sont placés aux deux extrémités
de cette aile, cette comparaison est à peu près
impossible.

CURIOSITÉ 57

La grande salle de cette aile est la seule où
l'on trouve trace d'un classementméthodique; elle
contient presque tous les grands tableaux reli-
gieux du Musée, notamment les chefs-d'œuvre
qui ont tant contribué à rendre célèbre le Musée
de Lille : la Descente de croix (671) de Rubens et
le Christ en croix (286) de van Dyck.

Mais dans cette salle des erreurs d'un autre
ordre sautent aux yeux. On trouve sur la cimaise,
avec la fausse attribution à van Dyck, cependant
rectifiée par le catalogue, le Couronnement de la
Vierge (291) « une lourde machine décorative,
dit M. Gonse (1), qui ne peut, en aucune façon,
être de lui. »

Néanmoins cette horreur, mal dessinéeet affreu-
sement repeinte, fait pendant au Christ en croix,
le chef-d'œuvre du maître et aux Quatre Cou-
ronnés de Crayer.

Dans cette même salle, au centre des grands
panneaux latéraux, on voit d'un côté La Mort de la
Madeleine de Rubens (672) et de l'autre, Le Christ
et les Pharisiens (419) de J. Jordaens, œuvre
vulgaire « d'une bestialité repoussante », dit
M. Gonse (2) qui confirme en l'aggravant le juge-
ment porté par M. Clément de Ris (3). Par contre,
le Saint François et la Vierge (673), peut-être la
meilleure œuvre de Rubens parmi celles qui sont
au Musée, est comme perdue sur le côté.

D'autres fautes de même nature se remar-
quent dans la petite galerie transversale affectée
à diverses écoles, notamment aux italiennes ; bien
qu'elle soit dénommée Galerie des « Véronèse »,
L'Éloquence et La Science, de Paolo Caliari, et
Le Martyre de saint Georges, peint sans doute
dans l'atelier paternel et peut-être avec le con-
cours du maître, par Garletto, ne se trouvent pas
au centre, où elles étaient autrefois, et oïl leur
place est occupée par une œuvre médiocre du
Guide, Une Sibylle (636), qui pourrait bien n'être
qu'une copie. Dans la grande salle de l'aile droite,
réservée aux écoles des xvm" et xixe siècles, on
retrouve pareille erreur, mais peut-être encore
plus choquante. Au centre d'un des grands pan-
neaux latéraux est placée La Plantation du cal-
vaire, de Jules Breton, un des tableaux de la jeu-
nesse du maître artésien (4), entre deux grandes
toiles très claires, destinées à le mettre en
pleine valeur, tandis que dans les coins sont
deux merveilleux Corot : Une Fête antique (194)
et Le Matin (195), et l'un des chefs-d'œuvre de
Courbet, Une Après-dinée à Ornans (200).

Sur la cimaise, dans cette salle et dans la voi-
sine, on trouve de nombreuses toiles, parfois de sim-
ples esquisses de MM. Jules et Emile Breton, tan-
dis qu'au deuxième et même au troisième rang on

(1) Louis Gonse, Le Musée de peinture à Lille,
Paris, 1875, in-4», p. 18. (Extrait de la Gazette
des Beaux-Arts).

(2) Ibidem, page 23.

(3) Les Musées de Province. 2e édit. Paris.
1872, in-12, page 197.

(4) Un critique, aussi modéré que compétent,
Paul Mantz, terminait son appréciation élogieuse
de ce tableau par cette restriction : « Il est fâ-
cheux que des pauvretés d'exécution, des timi-
dités qui paraissent provenir de l'excès même du
soin déparent, en plus d'un endroit, cette toile
intéressante et loyale. » Salon de 1859, Gazette
des Beaux-Arts, t. II, p. 286.
 
Annotationen