ET DE LA CURIOSITE 107
s'en dégage. Ces morceaux sont superbes de
simplicité et de vigueur, et l'exécution en est
si nette et si précise qu'ils semblent tout
prêts pour la morsure de l'eau-forte. Non
loin de là, nous avons eu le plaisir de revoir
des œuvres plus anciennes, comme les por-
traits du Cardinal Manning, du Cardinal
Newmann, de Th. Carlyle et du peintre
Watts, belles ligures graves, austères, réflé-
chies, qu'illumine une beauté morale dont, à
défaut de Legros, Gaillard seul, peut-être,
aurait aussi bien saisi le mystérieux carac-
tère. Faire un choix parmi tant de nobles
images serait difficile, car tout serait à citer;
signalons, cependant, parmi les plus belles,
le portrait d'Hector Berlioz, celui du profes-
seur Huxley et cette belle tête, si pleine de
pensée, qui a pour titre : Le Poêle.
Une douzaine de médailles font voir, sous
un aspect différent, le souple et fécond ta-
lent de l'artiste. Nous oserons dire cepen-
dant que nous ne les goûtons qu'à demi.
Elles ont, sous la plume d'un de nos confrères,
suscité le nom de Donatello ; en les voyant,
un autre nom s'est présenté à notre esprit :
celui de David d'Angers dont elles ont la no-
blesse un peu froide, et le caractère un peu
conventionnel. En revanche, nous admirons
sans réserves une tête de jeune homme, d'un
modelé souple et délicat que fait valoir à
souhait un bronze d'une superbe patine.
En somme, le grand, le suprême mérite de
Legros, c'est le style. Il l'a recherché à tra-
vers les plus belles œuvres du passé, et bien
que, en passant par son cerveau, les em-
prunts qu'il leur a faits aient subi une suffi-
sante transformation pour éloigner toute
idée do pastiche, cette hantise de certains
maîtres se distingue aisément. Là est peut-
être le point faible de son œuvre ; en re-
vanche, on ne peut méconnaître ni la mer-
veilleuse souplesse de sa technique, ni la
noble fierté de son idéal ; on pourrait oppo-
ser à Legros des artistes plus spontanés ; on
en saurait difficilement trouver qui aient
plus sobrement et plus majestueusement
traduit la beauté des hommes et des choses.
Octave Fidïèbe.
EXPOSITION DE DESSINS DE CH. MILCENDEAU
Ce serait peu louer M. Milcendeau que
vanter seulement sa fidélité minutieuse de
portraitiste. L'artiste vendéen nous donne
de sa petite patrie et de la Bretagne jusqu'à
Pont-l'Abbé, Pont-Aven et Pen-March, par
la figuration de quelques types, de paysages
simples et souvent lointains, une vision
singulièrement pénétrante.
Les Salons du Ghamp-de-Mars nous
avaient déjà fait connaître la souplesse
laborieuse et la précision de son art; et déjà
les études de M. Roger Marx, le préfacier
de l'exposition ouverte chez Duraûd-Ruel,
avaient, et dans la Gazette raëme, fait gloire
à son maître, M. Gustave Moreau, « d'avoir
prouvé dans l'exercice de son professorat un
respect absolu des aspirations originales. »
Ici l'aspiration se trouve toute réalisée. Il
n'est rien qui ne soit volontaire clans ces
dessins : l'accentuation du type et le respect
minutieux de la vérité, la précision comme
la nonchalance, l'isolement habituel des
personnages (auquel le groupe des Brodeuses
noyées dans l'ombre qui enténèbre le port
fait une heureuse exception) et jusqu'à
l'apparence incomplète do l'œuvre, cet aban-
don des corps qui leur donne comme un
balancement indécis, une stupeur dominée
ou un surgissement fantômal. L'obstination
et la ruse des paysans, la grâce rude des
fillettes, la lourdeur flétrie des jeunes filles,
les masques fous des mendiantes, et le rouet,
et les rochers, et la mer, autant d'aspects
d'éternité mélancolique où, pour seule joie,
éclatent, en des rehauts pastollisés, l'or des
guimpes, le blanc des coiffes ou le rouge d'un
foulard.
J. R.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 19 mars
L'Académie des beaux-arts a procédé à l'élec-
tion d'un membre libre en remplacement de
M. Gustave Larroumet, nommé secrétaire perpé-
tuel. Le choix de l'Académie s'est porté sur le
comte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel ho-
noraire, qui a réuni l'unanimité des suffrages.
Cette unanimité était d'ailleurs prévue.
-■ ^- ::"o <---
CORRESPONDANCE D'ALLEMAGNE
exposition
de lithographies originales modernes a berlin
La remise en faveur toujours croissante de
l'art de la lithographie donne un attrait tout par-
ticulier à l'exposition d'estampes originales de
ce genre que vient d'organiser le Musée d'art
industriel de Berlin. Ne comprenant que des
productions modernes, elle montre quel dévelop-
pement cet art, récemment encore peu pratiqué,
a pris de nos jours, quelle variété d'applications
il reçoit, quelles ressources il offre.
Dans la section allemande, Adolf Menzel vient
en premier lieu avec un choix d'oeuvres que re-
commande, entre autres qualités, l'acuité de ca-
ractère des personnages. L'Enfant Jésus au mi-
lieu des docteurs et quelques fines scènes de la
vie du grand Frédéric, qui l'a toujours, comme
on sait, si heureusement inspiré, sont à citer
parmi les meilleures.
Hans Thoma, dont l'importance et l'influence
en Allemagne grandissent sans cesse, est excel-
lemment représenté par une série de portraits, de
tableaux religieux, de paysages, de scènes légen-
daires, où son art sobre et vigoureux, sa profon-
deur de sentiment, sont mis en valeur peut-être
mieux encore que dans ses peintures. A la suite
du maî tre de Francfort se remarquent deux de ses
compatriotes : Sûss et Steinhausen, dont Le
s'en dégage. Ces morceaux sont superbes de
simplicité et de vigueur, et l'exécution en est
si nette et si précise qu'ils semblent tout
prêts pour la morsure de l'eau-forte. Non
loin de là, nous avons eu le plaisir de revoir
des œuvres plus anciennes, comme les por-
traits du Cardinal Manning, du Cardinal
Newmann, de Th. Carlyle et du peintre
Watts, belles ligures graves, austères, réflé-
chies, qu'illumine une beauté morale dont, à
défaut de Legros, Gaillard seul, peut-être,
aurait aussi bien saisi le mystérieux carac-
tère. Faire un choix parmi tant de nobles
images serait difficile, car tout serait à citer;
signalons, cependant, parmi les plus belles,
le portrait d'Hector Berlioz, celui du profes-
seur Huxley et cette belle tête, si pleine de
pensée, qui a pour titre : Le Poêle.
Une douzaine de médailles font voir, sous
un aspect différent, le souple et fécond ta-
lent de l'artiste. Nous oserons dire cepen-
dant que nous ne les goûtons qu'à demi.
Elles ont, sous la plume d'un de nos confrères,
suscité le nom de Donatello ; en les voyant,
un autre nom s'est présenté à notre esprit :
celui de David d'Angers dont elles ont la no-
blesse un peu froide, et le caractère un peu
conventionnel. En revanche, nous admirons
sans réserves une tête de jeune homme, d'un
modelé souple et délicat que fait valoir à
souhait un bronze d'une superbe patine.
En somme, le grand, le suprême mérite de
Legros, c'est le style. Il l'a recherché à tra-
vers les plus belles œuvres du passé, et bien
que, en passant par son cerveau, les em-
prunts qu'il leur a faits aient subi une suffi-
sante transformation pour éloigner toute
idée do pastiche, cette hantise de certains
maîtres se distingue aisément. Là est peut-
être le point faible de son œuvre ; en re-
vanche, on ne peut méconnaître ni la mer-
veilleuse souplesse de sa technique, ni la
noble fierté de son idéal ; on pourrait oppo-
ser à Legros des artistes plus spontanés ; on
en saurait difficilement trouver qui aient
plus sobrement et plus majestueusement
traduit la beauté des hommes et des choses.
Octave Fidïèbe.
EXPOSITION DE DESSINS DE CH. MILCENDEAU
Ce serait peu louer M. Milcendeau que
vanter seulement sa fidélité minutieuse de
portraitiste. L'artiste vendéen nous donne
de sa petite patrie et de la Bretagne jusqu'à
Pont-l'Abbé, Pont-Aven et Pen-March, par
la figuration de quelques types, de paysages
simples et souvent lointains, une vision
singulièrement pénétrante.
Les Salons du Ghamp-de-Mars nous
avaient déjà fait connaître la souplesse
laborieuse et la précision de son art; et déjà
les études de M. Roger Marx, le préfacier
de l'exposition ouverte chez Duraûd-Ruel,
avaient, et dans la Gazette raëme, fait gloire
à son maître, M. Gustave Moreau, « d'avoir
prouvé dans l'exercice de son professorat un
respect absolu des aspirations originales. »
Ici l'aspiration se trouve toute réalisée. Il
n'est rien qui ne soit volontaire clans ces
dessins : l'accentuation du type et le respect
minutieux de la vérité, la précision comme
la nonchalance, l'isolement habituel des
personnages (auquel le groupe des Brodeuses
noyées dans l'ombre qui enténèbre le port
fait une heureuse exception) et jusqu'à
l'apparence incomplète do l'œuvre, cet aban-
don des corps qui leur donne comme un
balancement indécis, une stupeur dominée
ou un surgissement fantômal. L'obstination
et la ruse des paysans, la grâce rude des
fillettes, la lourdeur flétrie des jeunes filles,
les masques fous des mendiantes, et le rouet,
et les rochers, et la mer, autant d'aspects
d'éternité mélancolique où, pour seule joie,
éclatent, en des rehauts pastollisés, l'or des
guimpes, le blanc des coiffes ou le rouge d'un
foulard.
J. R.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 19 mars
L'Académie des beaux-arts a procédé à l'élec-
tion d'un membre libre en remplacement de
M. Gustave Larroumet, nommé secrétaire perpé-
tuel. Le choix de l'Académie s'est porté sur le
comte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel ho-
noraire, qui a réuni l'unanimité des suffrages.
Cette unanimité était d'ailleurs prévue.
-■ ^- ::"o <---
CORRESPONDANCE D'ALLEMAGNE
exposition
de lithographies originales modernes a berlin
La remise en faveur toujours croissante de
l'art de la lithographie donne un attrait tout par-
ticulier à l'exposition d'estampes originales de
ce genre que vient d'organiser le Musée d'art
industriel de Berlin. Ne comprenant que des
productions modernes, elle montre quel dévelop-
pement cet art, récemment encore peu pratiqué,
a pris de nos jours, quelle variété d'applications
il reçoit, quelles ressources il offre.
Dans la section allemande, Adolf Menzel vient
en premier lieu avec un choix d'oeuvres que re-
commande, entre autres qualités, l'acuité de ca-
ractère des personnages. L'Enfant Jésus au mi-
lieu des docteurs et quelques fines scènes de la
vie du grand Frédéric, qui l'a toujours, comme
on sait, si heureusement inspiré, sont à citer
parmi les meilleures.
Hans Thoma, dont l'importance et l'influence
en Allemagne grandissent sans cesse, est excel-
lemment représenté par une série de portraits, de
tableaux religieux, de paysages, de scènes légen-
daires, où son art sobre et vigoureux, sa profon-
deur de sentiment, sont mis en valeur peut-être
mieux encore que dans ses peintures. A la suite
du maî tre de Francfort se remarquent deux de ses
compatriotes : Sûss et Steinhausen, dont Le