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La chronique des arts et de la curiosité — 1898

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Nr. 25 (9 Juillet)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19746#0236
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226

LA CHRONIQUE DES ARTS

étaient à l'origine, sinon groupées, du moins
placées à peu de distance l'une de l'autre. C'est
ce qui explique — et je ne vois guère comment
l'expliquer autrement — qu'une inscription au
nom du même Théodoridas, lié indissolublement
au Poséidon de Milo, se soit rencontrée, teste
Voutier, à côté de la Vénus.

Je suppose qu'il y avait à Milo un sanctuaire
de Poséidon, consacré par un riche citoyen du
nom de Théodoridas et tout rempli de statues.
Le nom de Théodoridas devait être gravé sur
d'autres marbres que sur celui qui servait de
piédestal à la statue du donateur. Le jour des
catastrophes et de la barbarie venu, quelques
ex-voto de Théodoridas restèrent en place; la Vé-
nus, avec d'autres fragments de même prove-
nance, fut transportée par un chaufournier en
lieu sûr. L'inscription au nom de Théodoridas
que l'on a exhumée avec elle semble déclarer bien
hautement, à notre avis, qu'elle vient du même
endroit que le Poséidon.

La Vénus! Que de fois déjà cette désignation
d'Aphrodite a été révoquée en doute! On a songé
à une Victoire, à une nymphe de l'île, à une Muse,
que sais je encore? Après tout, il faut bien avouer
que la désignation traditionnelle ne repose sur
rien de bien solide. La déesse, dit-on, avait les
oreilles percées pour recevoir des pendants. Gela
suffit-il, en archéologie, pour affirmer qu'une
déesse s'appelle Vénus? Les pendants d'oreille
sont-ils des attribut divins?

Il semble donc que, tout en maintenant, jus-
qu'à nouvel ordre, la désignation traditionnelle,
on soit libre d'en chercher et même d'en pro-
poser une autre. Or, voici, pour terminer cette
causerie, une hypothèse nouvelle; je la donne
comme une hypothèse, car je ne suis pas du tout
convaincu qu'elle soit justifiée; mais j'aime au-
tant, après l'avoir ruminée pendant plus d'un
an, m'en délivrer en la soumettant à nos lec-
teurs.

Philochore, historien grec qui écrivait vers
l'an 300 avant J.-C, nous apprend qu'il existait,
dans l'île de Ténos, deux statues de Poséidon et
d'Amphitrite, hautes de neuf coudées, qui étaient
l'œuvre du sculpteur athénien Télésias. Par
Strabon, nous savons que le temple et le bois
sacré de Poséidon, à Ténos, étaient situés en
dehors de la ville ; Tacite aussi parle du culte de
Poséidon à Ténos. Je rappelle ces doux textes
pour qu'on ne soit pas tenté de remplacer, dans
le passage de Philochore, le nom de Ténos par
celui de Mélos.

Télésias est, d'ailleurs, complètement inconnu.
Mais, comme Philochore écrivait vers SOO, on
peut supposer que Télésias a vécu au ive siècle
avant J.-G. A cette époque et, a fortiori, au
ve siècle, il ne peut guère être question d'une
Amphitrite e/roup 'e avec un Poséidon; mais on
peut parfaitement admettre la juxtaposition dans
un temple, ou en plein air, de deux statues de
ces divinités de la mer.

Les statues de Ténos avaient neuf coudées de
haut, ce qui fait exactement 4 mètres, presque le
double de Poséidon, haut de 2»,45 (cinq coudées
et demie) (l). La Vénus de Milo a 2m,038 de haut

(1) M. Cavvadias donne ce chiffre de 2°,45 ; M. de
Sybel donne 2»,57; M. Gollignon, 2», 17. Il fau-
drait se mettre d'accord.

(quatre coudées et demie). Il n'y a donc aucune
relation directe à établir entre ces statues.

Mais s'il existait à Ténos, au iv° siècle, un sanc-
tuaire de Poséidon avec des statues de ce dieu et
d'Amphitrite, pourquoi l'île voisine de Mélos
n'aurait-elle pas possédé, à la même époque, deux
statues d'Amphitrite et de Poséidon ornant quelque
sanctuaire du dieu marin?

Dans l'hypothèse où la Vénus de
Milo serait une Amphitrite, on
s'expliquerait enfin la direction
singulière de son regard. Brunn a
très justement fait remarquer que
les divinités marines regardent au
loin, comme si elles voulaient
sonder l'horizon. Or, cette parti-
cularité de la Vénus de Milo est
précisément de celles qui ont le
plus embarrassé les auteurs de
restitutions; c'est la grande objec-
tion à la restauration de Mil-
lingen, qui la concevait comme se
mirant dans un bouclier.
Le Poséidon de Milo retient sa draperie de la
main gauche et, de la main droite élevée, il tient un
sceptre. Si la Vénus de Milo est une Amphitrite,
et si elle a fait pendant au Poséidon, force est
d'admettre qu'elle retenait sa draperie de la main
droite (I) et qu'elle tenait un sceptre de sa main
gauche levée.

Aux artistes à voir si cette restitution est accep-
table. Puisse-t-elle, du moins, ne pas scandaliser
les archéologues!

Salomon Reinach.

REVUE DES REVUES

B Art et Décoration (juin). — Suite des étu-
des sur les Salons : Les Bijoux, par M. Henri
Vever(16 grav. et 1 planche hors texte en cou-
leurs d'après un vase et un pendant de cou de
M. Lalique);— La Sculpture décorative, par
M. Paul Leprieur (II grav.); — Les Arts du feu,
par M. Émile Molinier (17 grav.).

H Le Petit Temps (3 et 7 juillet). — Le
vicomte d'Agiout a publié dans ces numéros
deux intéressants articles sur Les Fraudes ar-
chéologiques dont sont l'objet les objets d'or et
de bronze, en indiquant les moyens de se mettre
en garde contre ces supercheries. La série sera
continuée.

** Mercure de France (Mai). — M. H. Da-
vray a publié dans ce numéro une notice très
détaillée et très intéressante sur le dessinateur
anglais Aubrey Beardsley, mort récemment.

(Juillet). — Bonne étude de M. André • Fontai-
nas sur Claude Monet.

** A propos du nouveau Goya entré au Lou-
vre, notice de M. Virgile Josz sur ce portrait et
sur l'artiste.

(1) Elle pouvait porter la main vers sa drape;
rie sans la retenir stricto sensu.
 
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