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La chronique des arts et de la curiosité — 1908

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Nr. 11 (14 Mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19765#0105
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ET DE LA CURIOSITÉ

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gler. Elle comprend quelques figures de mar-
bre et une centaine d'objets en bronze ou en
terre cuite.

Exposition de la Toile imprimée

au musée gall1era

Celle exposition, qui va fermer ses portes à la
fin du mois, aura posé avant tout une question
d'enseignement : Peut-on s'appuyer sur une tradi-
tion du passé pour diriger avec succès de jeunes
imaginations dans la pratique de l'art décoratif
moderne ? «

La collaboration ds collectionneurs distingués
qui ont laissé choisir parmi les pièces rares qu'ils
avaient réunies, a permis à M. Henri Glouzot do
grouper des éléments précis d'informations sur la
tradition; c'est-à-dire les procédés, les modèles et
l'évolution de la toile imprimée en France.

D^ns l'intéressante notice qu'il a mise en tète du
catalogue très complet imprimé par les soins do la
Ville do Paris, M. Glouzot a résumé l'histoire do
cette industrie. C'est l'imitation des « indiennes »
et des « perses » introduites en Europe au début
du règne de Louis XIV qui donna un regain de
nouveauté aux toiles imprimées exécutées de tout
temps à l'aide de moules ou bois graves. Pendant
soixante-treize ans cette industrie, contrariée par
des monopoles puissants accordés aux importateurs
des vraies étoffes d'Orient et à d'autres industries
textiles, fut uniquement soutenue par l'opinion pu-
blique qui s'arrachait cette fabrication presque
clandestine. En dépit du fisc, la France était cou-
verte de fabriques plus ou moins ouvertement
reconnues, et dont quclques-uues employaient do
très nombreux ouvriers.

En 1759, au moment où la fabrication de la toile
imprimée était officiellement autorisée, arrivait
d'Allemagne l'homme qui devait, sous le nom do
« toile de Jouy », lui donner avec ces derniers per-
fectionnements un essor décisif. Oberkampf, on
17(50, était à la fois le dessinateur, le graveur, l'im-
primeur et le teinturier de la première toile de
Jouy.

L'exposition de Galbera compte, au milieu des
pièces de toile disposées sur les murs, une pièce
capitale. Oberkampf la fit dessiner sous sa direc-
tion par J.-B. Huet à l'occasion des lettres patentes
par lesquelles, eu conférant à sa manufacture le
titre de manufacture royale, Louis XVI venait de
consacrer la place prépondérante prise en France
par la fabrication de Jouy. Oberkampf y a retracé
tout à la fois l'œuvre matérielle de son succès, et
le roman même de sa vie : au bas do la toile on
le voit lui-même arrêtant sur la route quelques-
uns de ces chemineaux dont il partagea jadis la
misère, et à qui il montre le refuge de sa fabrique.
Puis le travail se déroule sous les ombrages de
la vallée de Jouy. Un à un sont reproduits les
progrès do la fabrication dont il est l'inventeur.
Tout d'abord, un maillet à la main, l'ouvrier
frappe sur le « moule » en bois qui, à l'origine de la
fabrication, imprimait le dessin sur la toile. A
côté, sont assises autour d'une table les « pinceau-
teuses » qui chargent de couleurs les lignes tracées
par le moule. Plus loin se voient les ouvriers faisant
les « rentrures », superposant les différentes plan-

ches imprimées de couleurs variées. Puis appa-
raissent — premier progrès — les planches de cuivre
volumineuses qui reproduisent dans leurs tailles
profondes reprises au burin les dessins des meil-
leurs artistes du temps. Enfin, viennent les rou-
leaux gravés autour desquels les toiles s'enroulent,
faisant en une journée le travail do quarante-
deux imprimeurs au bloc. Les teintures et leurs
principales manipulations font le sujet d'autant
de compositions où des ruisseaux pittoresques et
des moulins viennent animer l'effet décoratif. On
voit môme des artistes dessinant d'après nature au
milieu d'une campagne que domine le fruit de tout
cet industrieux travail : la belle demeure du
Montcel qu'avait fait construire Oberkampf.

Autour de cette pièce si curieuse on pourra voir
groupés les échantillons les plus remarquables do
la fabrication de Jouy où tour à tour la vie réelle
et l'actualité, les Fables do La Fontaine, l'allégorie,
la mythologie fournissent les sujets du décor, in-
terprétés parfois par des artistes do talent comme
J.-B. Huet ou Hippolyte Lobas ; voici Le Ballon
de Gonesse (en souvenir de la première ascension
aérostatique au gaz par Charles et Robert en
1783), La Fête de la Fédération, Les Quatre Sai-
sons, Le Loup et l'Agneau, Le Meunier, son fils
et l'âne, Paul et Virginie, Sacrifice à l'Amour,
Les Monuments de Paris, etc. En se retournant
ensuite vers la vitrine centrale, le visiteur pourra
remarquer avec quelle entente de l'art décoratif la
manufacture savait varier son dessin, soit qu'il
s'agit de réaliser des tentures ou de décorer des
vêlements comme ceux qui sont exposés. On y voit,
en effet, la robe portée par H™' Oberkampf, de
«curieux gilets à fleurs et la robe de chambre
d'Oberkampf lui-même, somptueuse lévite d'un
vert singulier, rehaussé de Heurs roses, qu'il a
jugée assez précieuse pour être doublée de soie.

Enfin, des spécimens des manufactures do Bor-
deaux, de Darnotal près Rouen, do Melun, de
Mulhouse, do Nanles, de Rouen, etc., complètent
cette intéressante leçon do choses.

Gràco à ces documents, M. H. Barberis, profes-
seur à l'École Bornard-Palissy, a pu diriger les
travaux de ses élèves dans lo sens do la vraie tra-
dition do la toile imprimée tout en laissant car-
rière à leurs inspirations les plus modernes —
nous voyons tour à tour lo jeu du tobogan, les
canots automobiles, les ballons dirigeables, les
aéroplanes, une fête foraine, etc., servir de thèmes
à ces compositions, — de même qu'à l'Académie
d'Auteuil, que préside M. A. Ccsbron, on a repris
avec de nouvelles fleurs le décor floral des robes
de Jouy.

Lo public a été indulgent et sympathique à ces
essais do très jeunes gens et il faut leur rendre
cette justice que le panneau qui leur est réservé
no détonne nullement dans l'ensemble de l'expo-
sition.

Ou sont bien on eux les enfants des artistes
disparus dont les œuvres figurent autour d'eux,
ils les continuent sans déchoir. Cotte conslaiation
est réconfortante et ce sera le plus, précieux ré-
sultat de cette exposition.

Pierre Roche,

Sculpteur, membre du jury du Musée Galliera»
 
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