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plans qui s'enfoncent comme un sculpteur fouille le marbre en allant
vers la profondeur. Il avait découvert que ce qui nous révèle la nature,
c'est la continuité de ses aspects. C'est à peine si cinq ou six hommes
après lui ont eu pleinement ce sens-là qui leur a donné le pouvoir
d'imprimer l'unité et le mouvement de la vie au monde sorti de leur
cœur. Florence le comprit bien, mais elle ne sut pas le suivre et Vinci
lui-même y échoua.
Cette conquête de l'unité par une intelligence marquait la fin du
moyen âge. En France, il avait fait son unité d'instinct, socialement,
chaque cerveau et chaque main apportant une pierre à l'édifice sans
savoir comment et pourquoi l'édifice serait vivant. En Italie, Giotto
avait réalisé en ui l'unité morale de sa race, mais le monde n'était
pas mûr pour qu'il pût s'emparer en même temps du langage plas-
tique à surfaces nuancées et fuyant en profondeur qui définit l'individu
dans sa complexité insaisissable. Quand Masaccio, dans son Baptême,
vit sortir peu à peu ces grandes formes nues de la foule où des figures
dramatiques surgissent de l'ombre rousse, comme des astres plus
denses d'un brouillard enflammé, il dut sentir tomber sur son esprit
la tristesse des soirs à qui le pressentiment du jour attendu mêle une
espérance angoissée. Âme sublime! Il n'était pas nécessaire qu'il
exprimât l'impérissable tragédie, l'homme jeté hors du bonheur pour
avoir voulu être l'homme, l'homme souillé par Dieu et calmant dans
l'eau lustrale la brûlure de son remords, c'est en lui qu'elle habitait,
l'impérissable tragédie. En indiquant au monde que la forme vivante
qu'il lui donnait la mission d'étudier lui offrirait un asile, il lui inter-
disait de chercher de nouveaux symboles avant d'avoir réappris la
nature et le rejetait dans l'analyse, c'est-à-dire dans la douleur.

III
La leçon de Masaccio était trop haute pour être entendue de tous.
Le spirituel Gozzoli, séduit par le désir de couvrir de tons rutilants
ses grandes surfaces à peindre n'en retiendra presque rien. Filippino
Lippi, qui achèvera la chapelle, pas beaucoup plus. Mais il est des
hommages plus significatifs, celui de Filippo son père, et plus surpre-
nants, celui du savant Uccello, l'aîné de Masaccio, celui du rude Andrea
del Castagno, plus âgé que lui de dix ans, surtout celui du vieil enfant
Angelico, si loin de cet art et qui pourtant, à plus de cinquante ans,
venait lui aussi visiter la chapelle obscure pour tenter d'entrevoir ce

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