A PROPOS DE COROT. 331
En réalité, l'exposition posthume de ses ouvrages montrera à quel point
il fut original et varié.
Rousseau et lui ont poursuivi l'expression de la vie dans le paysage
avec une passion profonde, plus souvent intime, lyrique ou religieuse,
chez celui-ci, plus dramatique chez celui-là. Ils restent tous deux assis
maintenant au sommet de notre grande école de paysage, si riche, si
forte, si éclatante, et qui contribue pour une si large part à conserver à
notre pays sa prééminence artistique.
Avec Corot nous montons au point culminant de la peinture moderne
du paysage. Jamais ne s'est vue, en effet, si noble intervention de
l'homme dans la nature, ni en France, ni en Europe, depuis Poussin et
Claude Lorrain, ces deux grands maîtres français dont le nom revient à
chaque instant sous notre plume.
Rien d'intéressant comme de considérer en lui une belle personnifi-
cation du véritable artiste.
Et d'abord, son démon le vient prendre au collet derrière un comp-
toir, et lui dit : « Tu seras paysagiste ! » Nulle chance visible ne le favo-
rise et ne le pousse dans cette voie. En apparence même tout lui résiste,
dans sa famille, et comme en lui-même, car son air extérieur le contre-
dit. Et c'est malgré tout le monde qu'il aura découvert en lui et mani-
festé l'ordre divin, la destination naturelle la meilleure de sa personne
morale. Il y aura donc dans cette vie de peintre la part de lutte et de
commandement intérieur, il y aura l'attachement irrévocable, la natu-
relle fidélité jusqu'à la mort qui est le signe des vocations irrésistibles.
Ce démon, son démon, je serais tenté de l'apostropher : que n'a-t-il
parlé à l'artiste sur les genoux de sa nourrice? Le monde des contempla-
teurs eût admiré en lui la plus extraordinaire expression de lyrisme que
la nature ait soufflée aux peintres de paysage.
Je voudrais, en ce moment, écrire dans l'atelier même de M. Corot
pour parler de lui dignement et tracer de son talent un portrait simple
comme lui-même. Privé de cette possibilité favorable, je dois, en partie,
faire appel à mes souvenirs.
Des éludes d'après nature, un croquis ou l'idée d'un tableau, un ou
deux tableaux, je n'en regarderai pas davantage.
Le voilà devant un village d'Auvergne au lever du soleil, par un
brouillard du matin ; le voilà devant le Colysée et la splendeur de ces
En réalité, l'exposition posthume de ses ouvrages montrera à quel point
il fut original et varié.
Rousseau et lui ont poursuivi l'expression de la vie dans le paysage
avec une passion profonde, plus souvent intime, lyrique ou religieuse,
chez celui-ci, plus dramatique chez celui-là. Ils restent tous deux assis
maintenant au sommet de notre grande école de paysage, si riche, si
forte, si éclatante, et qui contribue pour une si large part à conserver à
notre pays sa prééminence artistique.
Avec Corot nous montons au point culminant de la peinture moderne
du paysage. Jamais ne s'est vue, en effet, si noble intervention de
l'homme dans la nature, ni en France, ni en Europe, depuis Poussin et
Claude Lorrain, ces deux grands maîtres français dont le nom revient à
chaque instant sous notre plume.
Rien d'intéressant comme de considérer en lui une belle personnifi-
cation du véritable artiste.
Et d'abord, son démon le vient prendre au collet derrière un comp-
toir, et lui dit : « Tu seras paysagiste ! » Nulle chance visible ne le favo-
rise et ne le pousse dans cette voie. En apparence même tout lui résiste,
dans sa famille, et comme en lui-même, car son air extérieur le contre-
dit. Et c'est malgré tout le monde qu'il aura découvert en lui et mani-
festé l'ordre divin, la destination naturelle la meilleure de sa personne
morale. Il y aura donc dans cette vie de peintre la part de lutte et de
commandement intérieur, il y aura l'attachement irrévocable, la natu-
relle fidélité jusqu'à la mort qui est le signe des vocations irrésistibles.
Ce démon, son démon, je serais tenté de l'apostropher : que n'a-t-il
parlé à l'artiste sur les genoux de sa nourrice? Le monde des contempla-
teurs eût admiré en lui la plus extraordinaire expression de lyrisme que
la nature ait soufflée aux peintres de paysage.
Je voudrais, en ce moment, écrire dans l'atelier même de M. Corot
pour parler de lui dignement et tracer de son talent un portrait simple
comme lui-même. Privé de cette possibilité favorable, je dois, en partie,
faire appel à mes souvenirs.
Des éludes d'après nature, un croquis ou l'idée d'un tableau, un ou
deux tableaux, je n'en regarderai pas davantage.
Le voilà devant un village d'Auvergne au lever du soleil, par un
brouillard du matin ; le voilà devant le Colysée et la splendeur de ces