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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Nr. 5
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Bonnaffé, Edmond: Maître Pihourt et ses hétéroclites
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0410

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MAITRE PIHOURT ET SES HÉTÉROCLITES.

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tiennent pas là : ils sautent bravement un siècle et demi et décident que
l'Italie est entrée en France par Avignon en 1309, avec Clément V et le
Giotto. A ce compte rien n'empêche de faire remonter l'infiltration ita-
lienne au xe siècle, dans le temps que les Vénitiens venaient en Aquitaine
bâtir des églises sur le patron de la basilique de Saint-Marc, comme
Saint-Front de Périgueux. On pourrait même, une fois pour toutes,
prendre comme point de départ la conquête romaine et ouvrir la liste
par Jules César, le prototype des artistes italiens venus dans nos
contrées.

Ainsi vont les hypothèses à perte de vue; mais si un Vénitien a réelle-
ment travaillé en France pour la cour de Charles VII, Jehan Fouquet, de
son côté, est allé en Italie précisément à la même époque. Il en a rap-
porté quelque chose, soit; mais êtes-vous sûr qu'il ne lui a rien laissé
en échange? Car enfin nos voisins n'ont pas eu, j'imagine , le monopole
perpétuel des influences. Leurs ouvriers, dit-on, venaient chez nous
fabriquer des armes dès le xve siècle, cela est certain; les Allemands et
les Espagnols faisaient de même, pourquoi ne parler que des Italiens?
Quant à Louis XI, il achetait des peintures à Venise aussi bien que des
« bestes estranges en Barbarie et en Dannemarche pour faire parler de
Iny parmy le monde et qu'on le cuydast sain », c'est Comines qui le
dit. Reste l'exemple de Charles VIII, mais il a sa contre-partie. Jules II
n'a-t-il pas fait venir de Marseille au Vatican deux peintres français,
Claude et le frère Guillaume, qui introduisirent en Italie l'art du verrier?
Le frère Guillaume pratiquait même avec succès l'architecture et la
peinture à fresque; il travailla beaucoup clans sa nouvelle patrie et fonda
une école de peintres-verriers, au rapport de Vasari qui fut un de ses
élèves. Trente ans auparavant, nos imprimeurs avaient déjà établi des
ateliers célèbres, Nicolas Jensonà Venise, Jehan Fabri à Turin, Guillaume
le Signerre à Milan, Pierre Maufer à Padoue, Jehan Picart et Laurent
des Rouges à Ferrare1. Est-ce à dire que la France ait exercé une
influence en Italie?

On parle beaucoup, et l'on a raison, de l'enthousiasme des compa-
gnons de Charles VIII à la vue des merveilles de la péninsule, mais on
oublie le lyrisme des Italiens en présence de Chambord qui les laissait
pleins « di meraviglia e di stupore, anzi di confuzione », et de Gaillon
qu'ils comparent aux palais enchantés « di Morgana e di Alcina » 2.

Quant aux modes, s'il est vrai que la France ait fait quelques emprunts

\. E. Piot, Cabinet de Vamateur.

2. Relation des Ambassadeurs vénitiens à leur gouvernement.
 
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