Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

DOI issue:
Nr.1
DOI article:
Mantz, Paul: André del Sarte, [2]
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0056

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
50

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

aimée, et, de la part d’un homme de goût, ces tendresses ne sont point
pour surprendre, car Lucrezia —on le voit bien par son portrait — avait
le charme victorieux du sourire, et je n’étonnerai personne en disant
que, comme une autre Monna Lisa, elle a encore des amoureux.

André del Sarte avait d’ailleurs pour revenir à Florence toutes sortes
de raisons sérieuses. Sa passion l’y rappelait; il n’est pas bon, nensait-
il, qu’une jeune femme soit seule. Mais il se sentait au cœur un autre
ennui. Il avait laissé au Scalzo une décoration commencée, il voulait aller
jusqu’au bout de son rêve. Il dut savoir par les lettres venues de Flo-
rence que les membres de la pieuse confrérie se montraient fort impa-
tients : le spectacle d’une muraille blanche opposée à une muraille peinte
leur était intolérable ; ils eurent recours à l’ancien ami d’André, Francia
Bigio. Parti à la fin de mai 1518, André del Sarte était à peine en France
depuis deux mois que Francia se mettait à l’œuvre au Scalzo. Lui aussi,
il savait le secret des grisailles aux tons bistrés. Reprenant la suite
de l’histoire que son glorieux camarade avait déjà menée si loin, il
peignit la Rencontre de saint Jean-Baptiste avec Jésus et le Départ
du saint béni par Zacharie. Ces travaux, Francia Bigio les poussait
con diligenza, et dès le 27 juillet, il donnait quittance d’un premier
à-compte. Une nouvelle allocation lui fut attribuée en mai 1519. La
situation était inquiétante : Francia Bigio allait devenir le maître au
cloître du Scalzo. Ces nouvelles parvenues à André ne furent pas sans
l’émouvoir. On s’emparait de son idée, on envahissait son œuvre, on
lui volait la moitié de sa gloire. Il résolut d’aller rétablir l’ordre dans
ses affaires florentines.

Il fit demander au roi la permission de partir. Il ne s’absentait que
pour quelque temps, il protestait de son esprit de retour, il devait ramener
avec lui sa femme Lucrezia, et ces promesses il les faisait sérieusement :
c’est sur l’Evangile qu’il engageait sa parole. François Ier, convaincu,
accorda le congé sollicité; mais il fit plus : il donna à André del Sarte
une somme, d’ailleurs indéterminée, avec mission de lui rapporter
d’Italie quelques-unes de ces œuvres de peinture et de sculpture dont
il était si friand. André se mit en route ; il arriva à Florence, il revit
Lucrezia, il oublia ses serments dans un baiser, il ne revint jamais en
France, et, perdant toute dignité et tout scrupule, il alla jusqu’à dépenser
follement l’argent du trésor royal. Et comment savons-nous ces choses
douloureuses? Elles nous viennent de Vasari, racontant d’un cœur léger
la vie de son excellent maître André del Sarte.

PAUL MANTZ.

(La suite prochainement.)
 
Annotationen