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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rable estampe du Christ jjorlé au tombeau, que Raphaël, presque enfant,
copiait avec amour et d’une main déjà ferme.
Jean Bellin tient avec honneur sa place dans le Musée. Il est repré-
senté par cinq tableaux, dont quatre sont de premier ordre.
Le plus ancien en date et le premier dont nous parlerons représente
le Christ au jardin des Oliviers. Il est absolument dans le goût de Man-
tegna, qui était beau-frère des Bellin et eut une grande influence sur le
style de Giovanni dans sa jeunesse. C’est ce qui explique l’indécision où
l’on s’est trouvé sur un certain nombre d’ouvrages attribués successive-
ment à l’un et à l’autre... Ici les figures dans leur ensemble sont toutes
mantegnesques : mêmes formes, mêmes expressions, mêmes draperies ;
mais les têtes sont plus réelles et sentent moins l’antique. Le paysage
est d’ailleurs tout vénitien et le lever du soleil qui s’aperçoit à l’horizon
est rendu avec un bonheur tout particulier. Le procédé employé par
l’artiste est, si nous ne nous trompons pas, la peinture à l’huile, et ce
détail confirme encore l’attribution faite à Jean Bellin, car Mantègne n’a
jamais adopté les nouvelles méthodes. Acquis à la vente Davenport-
Bromley en 1863 au prix de 600 guinées, soit 15,600 francs.
Le second a été donné par Lady Eastlake en 1870. C’est un paysage,
et les figures que l’on y voit n’en sont que la partie accessoire. Ces
figures représentent le Martyre de saint Pierre Dominicain, ce même
sujet que Titien devait peindre plus tard à l’église Saint-Jean et Paul, à
Venise, avec une écrasante supériorité. Mais autant les figures de Titien
étaient majestueuses et animées, autant celles de Jean Bellin sont simples
et pleines de bonhomie, si l’on peut appliquer ce mot à une scène de
meurtre. Tout l’intérêt du tableau est dans le paysage, dans cette forêt
pleine de bûcherons que l’on voit au second plan, dans ces fonds mon-
tueux avec ville sur une colline, le tout éclairé d’un jour si doux et si
agréable que les yeux y trouvent un vrai plaisir.
La Vierge avec l’Enfant est une de ces représentations que le Bellin
aimait de préférence et que ses contemporains recherchaient avec ardeur.
Combien de madones a-t-il peintes et combien de fois ses élèves les ont-
ils répétées avec ou sans changement, avec ou sans signature! Celle de la
National Gallery est authentique et de son meilleur style à la fois doux
et sévère. La Vierge est vue de face donnant une pomme à l’Enfant
Jésus. Les draperies sont étudiées et vigoureusement fouillées dans le
goût ancien. Malheureusement ce tableau, qui a toujours dû être d’un
ton énergique, a poussé au noir ; mais il est encore attachant et plein
d’intérêt.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rable estampe du Christ jjorlé au tombeau, que Raphaël, presque enfant,
copiait avec amour et d’une main déjà ferme.
Jean Bellin tient avec honneur sa place dans le Musée. Il est repré-
senté par cinq tableaux, dont quatre sont de premier ordre.
Le plus ancien en date et le premier dont nous parlerons représente
le Christ au jardin des Oliviers. Il est absolument dans le goût de Man-
tegna, qui était beau-frère des Bellin et eut une grande influence sur le
style de Giovanni dans sa jeunesse. C’est ce qui explique l’indécision où
l’on s’est trouvé sur un certain nombre d’ouvrages attribués successive-
ment à l’un et à l’autre... Ici les figures dans leur ensemble sont toutes
mantegnesques : mêmes formes, mêmes expressions, mêmes draperies ;
mais les têtes sont plus réelles et sentent moins l’antique. Le paysage
est d’ailleurs tout vénitien et le lever du soleil qui s’aperçoit à l’horizon
est rendu avec un bonheur tout particulier. Le procédé employé par
l’artiste est, si nous ne nous trompons pas, la peinture à l’huile, et ce
détail confirme encore l’attribution faite à Jean Bellin, car Mantègne n’a
jamais adopté les nouvelles méthodes. Acquis à la vente Davenport-
Bromley en 1863 au prix de 600 guinées, soit 15,600 francs.
Le second a été donné par Lady Eastlake en 1870. C’est un paysage,
et les figures que l’on y voit n’en sont que la partie accessoire. Ces
figures représentent le Martyre de saint Pierre Dominicain, ce même
sujet que Titien devait peindre plus tard à l’église Saint-Jean et Paul, à
Venise, avec une écrasante supériorité. Mais autant les figures de Titien
étaient majestueuses et animées, autant celles de Jean Bellin sont simples
et pleines de bonhomie, si l’on peut appliquer ce mot à une scène de
meurtre. Tout l’intérêt du tableau est dans le paysage, dans cette forêt
pleine de bûcherons que l’on voit au second plan, dans ces fonds mon-
tueux avec ville sur une colline, le tout éclairé d’un jour si doux et si
agréable que les yeux y trouvent un vrai plaisir.
La Vierge avec l’Enfant est une de ces représentations que le Bellin
aimait de préférence et que ses contemporains recherchaient avec ardeur.
Combien de madones a-t-il peintes et combien de fois ses élèves les ont-
ils répétées avec ou sans changement, avec ou sans signature! Celle de la
National Gallery est authentique et de son meilleur style à la fois doux
et sévère. La Vierge est vue de face donnant une pomme à l’Enfant
Jésus. Les draperies sont étudiées et vigoureusement fouillées dans le
goût ancien. Malheureusement ce tableau, qui a toujours dû être d’un
ton énergique, a poussé au noir ; mais il est encore attachant et plein
d’intérêt.