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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Duranty, Edmond: Réflexions d'un bourgeois sur le Salon de peinture, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0058

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RÉFLEXIONS D’UN BOURGEOIS SUR LE SALON.

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volonté qui l’a conduit du ton froid au ton monté et de celui-ci au ton
calme; mené du dramatique ampoulé à la simplicité, et de la composi-
tion ordinaire à celle qui est originale, imprévue comme le vrai, ne
cesserons-nous de le répéter.

Cette humble chambre d’hôtel garni, ce petit lit à couvre-pied d’in-
dienne, ce paravent jaune, si bien rendus, la simplicité inattendue de
l’endroit et de la scène, le peu de bruit qui s’y fait, ces gens pour la
plupart attristés tranquillement, quelques-uns curieux ou indifférents :
voilà les marques d’une conception supérieure. L’appareil militaire
s’abaisse et s’éteint devant la mort. Le contraste est frappant entre cette
gloire, ces généraux, et ce lieu bourgeois où semble ramené à une dou-
leur de famille le préliminaire des funérailles de Marceau. L’héroïque est
banni du milieu de ces personnages et l’humain s’v retrouve. Ce n’est pas
un esprit ordinaire qui a compris un tel tableau et ce n’est pas une main
ordinaire qui l’a exécuté. M. Laurens a renversé, cette année, sa manière
comme un ingénieur renverse sa machine à vapeur pour changer de
route. De plus, il est arrivé au bord du grand. Artiste de volonté et de
bonne foi, il sera heureux de s’entendre dire quelques duretés.

Son Marceau est un homme pâle qui dort sur un lit. Où sont ces
traits ravagés, frappés du sceau noble, puissant, auguste, que la souf-
france et la mort apposent sur la figure la plus vulgaire? Pourquoi cette
aristocratie autrichienne si renommée par sa hautaine élégance se trans-
forme-t-elle en une troupe de gens si communs que des méchants ont
appelé ce tableau : Marceau chez la portière? Pourquoi des Français si
rogues? Pourquoi la tête du même modèle reproduite plusieurs fois?
Comment ces Autrichiens peuvent-ils être assez affligés de la perte d’un
ennemi, pour que le maréchal Kray fonde en larmes, et que dans le
groupe de droite on ait des airs si navrés? Que feront donc ces gens-là
quand ils perdront un des leurs?

Si M. Laurens avait compris toutes les parties avec autant de force
qu’il a conçu l’ensemble, cette belle œuvre ferait date dans Y invention des
sujets historiques, et serait une rénovation de l’esprit qui y présidait.

M. Henner est un classique qu’on pourrait à peine appeler latéral,
tellement sa façon de suivre ou de côtoyer l’art traditionnel comporte
d’écarts et de variations. Quelque matin, passant par le Louvre, il aura
vu la tête, dans un plat, d’Andrea Solari, et, plein du désir d’en faire
autant, il a coupé la tête à un de ses amis, et l’a mise dans un plat,
grassement, fortement modelée avec cette belle pâte d’ivoire onctueuse,
ferme, éclatante, dont il a le secret, et qu’il étale d’une main énergique
et souple. Dans les recoins malicieux de sa finesse native se sera logée
 
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