Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Ephrussi, Charles: Les dessins d'Albert Dürer, 3
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0332

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LES DESSINS D’ALBERT DURER.

317

verse de celui de la planche gravée. Les deux figures avec les divisions
rappellent de très-près, comme l’a judicieusement observé M. Thausing,
l’esthétique ordinaire et la facture un peu sommaire de Barbarj. Peu à
peu Dürer, poursuivant ses études anatomiques, s’affranchit de cette imi-
tation matérielle et donne à son œuvre un caractère plus personnel ;
l’Eve d’Oxford n’a plus les formes trop sveltes de Barbarj et se rap-
proche du type définitif de Dürer. Enfin dans le dessin de M. Lana et
dans la gravure même, le souvenir de Barbarj paraît au premier abord
entièrement effacé; mais si l’on examine avec quelque attention les deux
figures réunies, il semble impossible de ne pas se rappeler une gravure
du Maître au caducée, Mars et Vénus, qui offre certaines analogies avec
celle de Dürer. Le sujet, il est vrai, et la composition diffèrent absolu-
ment ; mais les personnages ont évidemment un caractère de parenté,
sensible surtout dans la comparaison de la Vénus et de l’Eve. Le corps
de la déesse païenne et celui de la mère du genre humain se ressemblent
dans leur entier : cou fort, épaules grasses, arrondies, gorge large et
peu abondante, taille épaisse, hanche droite haute et en saillie, s’atta-
chant au contour très-étudié de la jambe; genou gauche en dehors for-
mant avec le mollet un angle très-obtus, pied droit posé à plat, tandis
que le pied gauche ne s’appuie que sur la pointe : telles sont la Vénus
de Barbarj et l’Eve de Dürer. Les deux têtes n’ont rien de commun; les
mouvements des bras sont tout autres; les jambes de la déesse sont
plus rapprochées que celles d’Eve, et celle-ci est plus courte que la Vénus
de Barbarj. Mais malgré ces différences, les deux corps sont dans leurs
parties essentielles d’une frappante similitude. Et, si nous nous reportons
à la première figure d’Eve avec divisions proportionnelles, figure plus
conforme à l’idéal de Barbarj que celle de 150A, il nous paraît probable
que la Vénus a servi de type primitif à l’Eve dans ses parties les plus
essentielles. 11 y a beaucoup moins d’analogie entre Mars et Adam; cepen-
dant la pose des jambes et des pieds est la même dans les deux figures.

Ces emprunts faits à Barbarj n’enlèvent à l’Adam et Eve rien de
son originalité. Dürer laisse son modèle loin derrière lui, et son œuvre,
avec ce magnifique paysage et les animaux qui le peuplent, est tout
aussi personnelle que si elle eût été conçue sans le moindre souvenir
étranger. C’est là un privilège du génie de s’approprier les inspirations
d’autrui avec une telle liberté qu’il les fait siennes, de les marquer irré-
vocablement de son propre sceau, de rester malgré ses emprunts, distinct
et individuel,

Et même en imitant toujours original.
 
Annotationen