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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0384

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANGE. 369

s’ils eussent vu et entendu quelque chose de fort plaisant; que tout était
accommodé de sorte et que l’art y était tellement caché qu’on croyait que ce
fût une vérité; qu’enfm son frère étant venu sur son théâtre comme tout
échauffé et feignant s’essuyer la sueur du visage, le Cavalier lui demanda s’il
avait fini sa pièce; qu’ayant répondu qu’oui, il lui dit après avoir fait le
pensif : « Pourriez-vous au moins nous faire voir quelque parte de cette hono-
rable compagnie qui riait si haut et que vous avez si bien divertie? » que son
frère avait reparti qu’oui et qu’il n’y avait qu’à ouvrir une fenêtre qu’il lui
montra; laquelle étant ouverte, l’on vit un grand clair de lune, la représen-
tation de la place de devant Saint-Pierre, une quantité de cavaliers, les uns à
cheval, les autres en carrosse et à pied, lesquels passaient et se retournaient*,
par cette place, plusieurs flambeaux dont les uns paraissaient gros, les autres
moyens, d’autres plus petits et enfin quelques-uns menus comme un filet,
accommodés à la diminution que la perspective fait dans le vrai, et qu’il avait
aussi par art fait diminuer les lumières de grosseur et par affaiblissement de
clarté; a dit que cette représentation avait trompé tout le monde, et a ajouté
qu’aux perspectives des chandelles il ne fallait pas que le lieu eût au plus que
vingt-quatre pieds de profondeur; que cet espace suffisait pour faire voir des
éloignements infinis, en ménageant bien les lumières; qu’il fallait éviter de
faire de ces représentations qui veulent n’être vues que d’un seul point.

Sur cela, il a rapporté un exemple notable d’Annibal Garrache et d’Augus-
tin, lesquels ayant entrepris de peindre la galerie de Farnèse, Annibal se char-
gea de travailler à la composition des histoires, et laissa à son frère Augustin
le soin des compartiments et ornements de la voûte; que celui-ci en fit un
dessin d’une belle entente et magnifique, où tout concourait régulièrement à
un point de vue qu’il avait même tout tracé sur le lieu. Après quoi, il avait
convié Annibal de voir son ouvrage, et que celui-ci qui avait un cervellone
grande1 2, a-t-il dit, y étant allé et s’étant mis au lieu où son frère le plaça, il
connut d’abord que l’ouvrage était fait pour être vu de ce seul point. L’ayant
considéré, il lui dit qu’il était beau extrêmement, mais que, pour en avoir le
plaisir d’en jouir, il fallait qu’il fit faire un corridor qui conduisît droit à ce
lieu-là, où serait une belle chaise couverte, de dedans laquelle l’on verrait
commodément cette belle distribution qui, de tous les autres endroits, ne pour-
rait contenter les yeux ni l’esprit, et n’aurait qu’un mauvais effet; ce qu’Au-
gustin Garrache ayant entendu, et vu que son frère se moquait de lui, il se
dépita et lui dit de faire donc l’ouvrage à sa fantaisie, ce qu’Annibal exécuta
de la sorte que l’on le voit, le composant de compartiments à la voûte, de
termes et autres ornements qu’on peut voir de quelque place où l’on se mette;
et sur cela, il s’est mis à exalter le grand génie d’Annibal et cette galerie de
Farnèse.

11 a rapporté, après, un autre exemple de Daniel de Volterre3 qui, un jour,
montra un dessin à Michel-Ange voulant avoir son avis sur une difficulté qu’il
y trouvait; que Michel-Ange lui demanda ce qu’il pensait faire pour remédier

1. S’en retournaient.

2. « Une très-grande intelligence. »

3. Daniele Ricciarelli, dit Daniele da Volterra, né à Volterra en 1509, mort le 4 avril 15GG.

X\i. — 2e période. 47
 
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