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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Nr. 5
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Courajod, Louis: Document inédit sur la statue de Francesco Sforza modelée par Léonard de Vinci
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0443

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426

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

L’émotion a-t-elle troublé ma vue et égaré ma critique? Non. Comparez
la tête du cavalier dans le dessin de Munich avec une médaille de Francesco
Sforza. C’est lui qu’on a puissamment assis sur ce lourd cheval de bataille.
Oublions les règles d’une grammaire esthétique que, malgré tout son génie,
Léonard n’a pu deviner. Soyons naïfs, sans parti pris, et restons sur le terrain
exclusif de l’histoire. La position si nouvelle et si moderne de ce cheval
trahit alors pour nous le nom de son auteur. Qui donc parmi les maîtres,
au xve siècle, sinon le hardi novateur, aurait osé et devait vouloir sortir des
traditions classiques et donner au cheval d’une statue une autre allure que
celle du cheval de Marc-Aurèle, respectueusement copiée par Donatello à
Padoue et par Verrochio lui-même à Venise? Le soldat renversé, destiné à
servir de support, apporte un nouveau témoignage à mon argumentation.
Léonard a longtemps cherché ce point d’appui nécessaire à la figure. Les
gravures publiées par M. d’Adda, les dessins de Windsor en sont une preuve
surabondante. Enfin ce cheval haletant et cabré, c’est bien celui que nous
a décrit de visu Paul Jove quand il a dit en parlant du Vinci : « Finxit etiam
ex argillâ colosseum equum Ludovico Sfortiæ ut ab eo pariter œneus, super-
stante Francisco pâtre illustri imperatore, funderetur; in cujus vehemenîer
incitati et anhelanüs habitu et statuariæ artis et rerum naturæ eruditio summa
deprehenditur. »

Sans pouvoir être attribué à Léonard de Vinci lui-même, le dessin sort
très-vraisemblablement de son école. La tête du cheval, très-belle, est tout
à fait de style léonardesque. Ce n’est pas un croquis comme les esquisses de
Windsor ou celles que nous conserve la gravure publiée par M. d’Adda. La
plume est conduite sans hésitation, sans repentirs, et le dessin très-arrêté
semble reproduire un monument dont aucun détail n’est abandonné à la fan-
taisie de l’artiste qui l’interprète. On peut supposer qu’il a été exécuté direc-
tement d’après le monument original. J’ai la conviction qu’il représente le
modèle définitif.

Grâces en soient rendues au marquis Campori et au document publié par
lui (Gazette, tome XX, p. 39, ettomeXXV, p. 144 et suiv.); on ne peut plus affirmer
que ce sont des mains françaises, que ce sont des projectiles français qui ont
privé le monde civilisé d’une des merveilles de l’art moderne. Je suis heu-
reux que les hasards d’une ardente recherche aient réservé à une main
française d’arracher à l'indifférence, dont on l’a entouré jusqu’à ce jour, le
précieux document inédit que je vous adresse. Les cendres de Léonard ne
reposent pas dans une terre glacée. Désormais l’Italie pourra, à bon escient,
évoquer l’ombre du chef-d’œuvre oublié et, qui sait? avec ce point de départ
arriver à en conquérir une image moins imparfaite. Aidez-moi, mon cher ami,
par la voie de la Gazette, à déposer au plus vite ce tribut de mon admiration
passionnée sur le tombeau d’Amboise et au pied de la statue de la place de
la Scala à Milan.

LOUIS COURAJOD.
 
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