20 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
I.
A quels pensers se livrait Giovanni Antonio de Bazzi, lorsqu'en 1500
il entrait pour la première fois dans cette ville, qui allait devenir pour
lui une seconde patrie? Il n'y venait chercher, sans doute, ni cette paix
de l'âme que le Dante vieilli demandait à tous les cloîtres de l'Italie, ni
cette paix du travail qu'on ne rencontrait plus nulle part en Europe au
xve siècle. Ce n'était pas non plus un politique que ce jeune homme, et
la police de Pandolfo Petrucci pouvait le laisser passer sans soupçon, sur
la foi cle son gai visage. L'ambition cependant le poussait au large, mais
combien pacifique et complaisante à l'épreuve ! Las de ne pas trouver
plus vite sa place au soleil, cet impatient de vingt ans avait secoué la
poussière de ses pieds sur le sol ingrat de son pays, et, plein de cette
belle confiance cle la jeunesse, il venait en Toscane à la suite de protec-
teurs comme on en trouvait facilement dans ces temps si différents des
nôtres, car il suffisait alors de témoigner par quelque œuvre d'un mérite
qui pouvait grandir, les Mécènes ne manquaient jamais. Ceux de Gio-
vanni Antonio se nommaient les Spannochi; banquiers en renom, ils
exerçaient non-seulement à Sienne, mais encore à Milan, même à Rome,
une influence presque semblable à celle des premiers Méclicis. Le cœur
de leur protégé pouvait s'ouvrir à l'espérance.
Nous ignorons comment celui-ci leur donna la mesure de son avenir.
Né à Vercelli, où son père exerçait l'infime métier de cordonnier, Antonio
avait reçu d'un obscur artiste les premières notions de l'art de peindre.
Cela n'offrait rien de rassurant, et le long apprentissage de sept ans,
comme il en fallait faire alors, ne donnait pas même des gages plus
certains de talent. Mais l'élève de Martino de Spanzottis s'était fatigué
de son maître, et, après la mort cle son père, libéré du joug de l'obéis-
sance, sans remords et sans reconnaissance, il avait osé s'enfuir de Ver-
celli ; cela promettait. Léonard de Vinci exerçait alors à Milan la royauté
du génie. C'est à lui que le Bazzi était venu demander cle compléter son
éducation. Il en reçut, il tira de son commerce avec ses élèves et ses
émules, comme Cesare da Cesto, Luini, des leçons, un profit dont
l'artiste devait garder jusqu'à la fin l'ineffaçable souvenir. Rien ne
s'est conservé des premiers essais du jeune Vercellien, mais ce fut sans
doute à la suite de quelque peinture, dont suivant les coutumes reçues
il fit hommage aux banquiers Spannochi, que ceux-ci l'emmenèrent
avec eux en Toscane. Quelle aubaine pour leur patrie, et quel sujet de
I.
A quels pensers se livrait Giovanni Antonio de Bazzi, lorsqu'en 1500
il entrait pour la première fois dans cette ville, qui allait devenir pour
lui une seconde patrie? Il n'y venait chercher, sans doute, ni cette paix
de l'âme que le Dante vieilli demandait à tous les cloîtres de l'Italie, ni
cette paix du travail qu'on ne rencontrait plus nulle part en Europe au
xve siècle. Ce n'était pas non plus un politique que ce jeune homme, et
la police de Pandolfo Petrucci pouvait le laisser passer sans soupçon, sur
la foi cle son gai visage. L'ambition cependant le poussait au large, mais
combien pacifique et complaisante à l'épreuve ! Las de ne pas trouver
plus vite sa place au soleil, cet impatient de vingt ans avait secoué la
poussière de ses pieds sur le sol ingrat de son pays, et, plein de cette
belle confiance cle la jeunesse, il venait en Toscane à la suite de protec-
teurs comme on en trouvait facilement dans ces temps si différents des
nôtres, car il suffisait alors de témoigner par quelque œuvre d'un mérite
qui pouvait grandir, les Mécènes ne manquaient jamais. Ceux de Gio-
vanni Antonio se nommaient les Spannochi; banquiers en renom, ils
exerçaient non-seulement à Sienne, mais encore à Milan, même à Rome,
une influence presque semblable à celle des premiers Méclicis. Le cœur
de leur protégé pouvait s'ouvrir à l'espérance.
Nous ignorons comment celui-ci leur donna la mesure de son avenir.
Né à Vercelli, où son père exerçait l'infime métier de cordonnier, Antonio
avait reçu d'un obscur artiste les premières notions de l'art de peindre.
Cela n'offrait rien de rassurant, et le long apprentissage de sept ans,
comme il en fallait faire alors, ne donnait pas même des gages plus
certains de talent. Mais l'élève de Martino de Spanzottis s'était fatigué
de son maître, et, après la mort cle son père, libéré du joug de l'obéis-
sance, sans remords et sans reconnaissance, il avait osé s'enfuir de Ver-
celli ; cela promettait. Léonard de Vinci exerçait alors à Milan la royauté
du génie. C'est à lui que le Bazzi était venu demander cle compléter son
éducation. Il en reçut, il tira de son commerce avec ses élèves et ses
émules, comme Cesare da Cesto, Luini, des leçons, un profit dont
l'artiste devait garder jusqu'à la fin l'ineffaçable souvenir. Rien ne
s'est conservé des premiers essais du jeune Vercellien, mais ce fut sans
doute à la suite de quelque peinture, dont suivant les coutumes reçues
il fit hommage aux banquiers Spannochi, que ceux-ci l'emmenèrent
avec eux en Toscane. Quelle aubaine pour leur patrie, et quel sujet de