EUGÈNE FROMENTIN
peintre et écrivain
PREMIER ARTICLE)
Je vois encore Eugène Fro-
mentin au milieu de son grand et
élégant atelier delà place Pigalle;
je le vois enveloppé de cette po-
litesse un peu hautaine dont il
savait si bien se servir pour éloi-
gner de lui les importuns, lui si
volontiers expansif avec les gens
qu'il aimait, je le vois dans sa
tenue toujours correcte, soignée,
d'homme de bonne compagnie;
j'entends sa causerie, si person-
nelle et si lumineuse, débordant
en idées fines ou élevées, en aper-
çus ingénieux, en remarques péné-
trantes.Tel le verront et l'entendront toujours ceux qui l'ont connu aux
derniers temps de sa vie. Il me semble que c'était hier, et je ne puis
croire qu'une année et demie se soit déjà écoulée depuis que la mort a
éteint cette brillante flamme. On pourrait cependant me reprocher d'a-
voir attendu tout ce temps pour tracer ici le portrait de Fromentin, en
esquissant sa biographie et en étudiant sur ses œuvres de plume ou de
pinceau les marques originales de son talent. Cet atermoiement est
presque volontaire. J'avais à recueillir et à mettre en ordre de
nombreux papiers, lettres et écrits divers, qui m'avaient été confiés par la
famille et quelques amis. Voulant essayer autant que possible de porter
un jugement plein et étendu, je ne me suis pas pressé. Fromentin est
des nôtres à trop de titres, quoiqu'il n'ait jamais écrit dans ce recueil,
XVII. — 2e PÉHIODE, 51
peintre et écrivain
PREMIER ARTICLE)
Je vois encore Eugène Fro-
mentin au milieu de son grand et
élégant atelier delà place Pigalle;
je le vois enveloppé de cette po-
litesse un peu hautaine dont il
savait si bien se servir pour éloi-
gner de lui les importuns, lui si
volontiers expansif avec les gens
qu'il aimait, je le vois dans sa
tenue toujours correcte, soignée,
d'homme de bonne compagnie;
j'entends sa causerie, si person-
nelle et si lumineuse, débordant
en idées fines ou élevées, en aper-
çus ingénieux, en remarques péné-
trantes.Tel le verront et l'entendront toujours ceux qui l'ont connu aux
derniers temps de sa vie. Il me semble que c'était hier, et je ne puis
croire qu'une année et demie se soit déjà écoulée depuis que la mort a
éteint cette brillante flamme. On pourrait cependant me reprocher d'a-
voir attendu tout ce temps pour tracer ici le portrait de Fromentin, en
esquissant sa biographie et en étudiant sur ses œuvres de plume ou de
pinceau les marques originales de son talent. Cet atermoiement est
presque volontaire. J'avais à recueillir et à mettre en ordre de
nombreux papiers, lettres et écrits divers, qui m'avaient été confiés par la
famille et quelques amis. Voulant essayer autant que possible de porter
un jugement plein et étendu, je ne me suis pas pressé. Fromentin est
des nôtres à trop de titres, quoiqu'il n'ait jamais écrit dans ce recueil,
XVII. — 2e PÉHIODE, 51