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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 5
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Blanc, Charles: Les fresques de Véronèse au chateau de Masère près de Trévise, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0432

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400 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

plongeant son bras au fond de la gueule. Dans l'autre, il dompte le
taureau de Crète en le saisissant par les deux cornes et en le terras-
sant. On le voit sur un troisième trumeau tuant à coups de massue le
centaure Nessus (que, d'après la fable, il perça de flèches), tandis que
Déjanire saisit en souriant la tunique empoisonnée du centaure. Le qua-
trième panneau représente Hercule enlevant les pommes d'or du jardin
des Hespérides, en présence des filles désolées d'Hespéris, qui ont des
ailes en guise de bras et dont le corps finit en queue de serpent. Quant
à l'Hercule de ces fresques, il n'est qu'un homme vigoureux, aux muscles
ressentis, au col court, aux cheveux drus, mais qui n'a rien de bien
extraordinaire clans sa stature ni dans sa force. Ce n'est point à peindre
de pareilles figures qu'était prédestiné le génie pompeux et enjoué de
Véronèse.

Fidèle aux habitudes des décorateurs modernes, le peintre de Masère
s'est étudié à faire disparaître le mur, à creuser les panneaux, à y colorer
des ciels profonds, des paysages fuyants, des lointains, soit que ses per-
sonnages se détachent en silhouette brune sur la clarté du ciel, soit que
les parties claires du modelé s'enlèvent sur le fond obscur du paysage,
toujours les oppositions de Véronèse sont décidées et franches sans
rudesse, et les réveillons de lumière dans les parties sombres sont ajoutés
avec résolution, d'une touche gaillarde, piquante et intrépide, gagliar-
damente, comme disent les Italiens. Ainsi, trouer la muraille, la consi-
dérer comme une fenêtre ouverte sur la campagne, multiplier les plans,
approfondir l'espace par la perspective linéaire et aérienne, éloigner et
perdre le ciel, voilà quelles sont les préoccupations du peintre décora-
teur dans la renaissance italienne aux xve et xvie siècles. Il en résulte que
le vide des fenêtres se trouvant répété dans le plein des trumeaux, l'ar-
chitecture s'évanouit et le bâtiment ne paraît plus qu'un édifice à jour
de toutes parts, soutenu seulement par des colonnes ou des piliers qui
sont là comme pour former un encadrement aux peintures prévues.
Encore ces colonnes sont-elles quelquefois feintes, et elles le sont avec
tant d'adresse que l'œil s'y trompe, si bien que maintenant, à trois ou
quatre ans de distance, il m'est impossible de me rappeler si les colonnes
de la salle d'Hercule sont véritables ou simulées, tant la réalité, dans
ce palais féerique, se confond avec la fiction.

(La suite prochainement).

CHARLES BLANC.
 
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