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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 5
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, [1]: peintre et écrivian
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0434

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402 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pour que sa personne et ses œuvres n'y soient pas toujours d'actualité.
Il appartient d'ailleurs à cette classe de rares esprits dont le souvenir
ne vieillit pas et qui n'ont rien à redouter du lendemain.

J'esquisserai d'abord en quelques traits sommaires, pour n'avoir plus
à m'en occuper, la biographie. Je dis quelques traits, parce que Fromentin
est de ceux dont la vie simple et sans grands événements reste toujours
intimement liée à leur travail. Contrairement à ce que l'on pourrait
penser, il adorait la vie tranquille. Il n'aimait pas les voyages en eux-
mêmes, il ne les aimait que pour son art ou pour l'aliment qu'ils
offraient à ses études; volontiers il les eût limités à un seul dépla-
cement. C'est ce qu'il dit si bien dans les premières lettres d'Une année
dans le Sahel. Ou me permettra de citer ces lignes : « A tous ceux qui me
croient un voyageur, tu laisseras en effet supposer que je voyage, et tu
diras que je pars. Si l'on demande où je vais, tu répondras que je
suis en Afrique: c'est un mot magique qui prête aux conjectures, et qui
fait rêver les amateurs de découvertes. A toi je puis avec humilité dire
le fait comme il est : ce pays me plaît, il me suffit, et pour le moment je
n'irai pas plus loin que Mustapha d'Alger, c'est-à-dire à deux pas de
la plage où le bateau m'a débarqué. Je veux essayer du chez moi sur
cette terre étrangère, où jusqu'à présent je n'ai fait que passer, clans les
auberges, dans les caravansérails ou sous la tente, changeant tantôt de
demeure et tantôt de bivouac, campant toujours, arrivant et partant, dans
la mobilité du provisoire et en pèlerin. Cette fois je viens y vivre et l'ha-
biter. C'est à mon avis le meilleur moyen de beaucoup connaître envoyant
peu, de bien voir en observant souvent, de voyager cependant, mais
comme on assiste à un spectacle en laissant les tableaux changeants se
renouveler d'eux-mêmes autour d'un point de vue fixe et d'une existence
immobile. » Poursuivons encore ; tout ce passage est charmant et il nous
peindra d'ores et déjà l'homme, et à merveille. « A quoi bon multiplier
les souvenirs, accumuler les faits, courir après les curiosités inédites,
s'embarrasser de nomenclatures, d'itinéraires et de listes? Le monde exté-
rieur est comme un dictionnaire; c'est un livre rempli de répétitions et de
synonymes : beaucoup de mots équivalents pour la même idée. Les idées
sont simples, les formules multiples; c'est à nous de choisir et de
résumer. Quant aux endroits célèbres, je les compare à des locutions
rares, luxe inutile dont le langage humain peut se priver sans y perdre
rien. J'ai fait autrefois deux cents lieues pour aller vivre un mois, qui
durera toujours, dans un bois de dattiers sans nom, presque inconnu \

4. Zaatcha, près de Biskra.
 
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