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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 1
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Chantelou, Paul Fréart de: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [6]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0084

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72

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qu'il a trouvé en effet. Le commandeur reparlant après du Louvre, le Cavalier
a dit que ce serait le plus grand bâtiment du monde pour la place et pour la
dépense; que pour la noblesse du dessin il n'en parlait pas. J'ai assuré, moi,
que rien n'était mieux pensé, ni plus heureusement rencontré que ce qu'il
avait trouvé pour le Louvre, mais qu'avec cela il faudrait avoir le bonheur de
le retenir ici. Il a dit que c'était chose impossible, mais que s'il avait eu à y
demeurer, il aurait demandé au Roi de n'avoir à traiter de ses bâtiments
qu'avec Sa Majesté même. Sur cela, l'abbé Butti, auprès de qui j'étais, m'a
poussé par diverses fois. Le Cavalier a poursuivi, et dit que c'était que per-
sonne n'entendait ces choses-là si bien que le Roi.

Arrivés au Temple, l'on a été au jardin, qui est le lieu où M. le comman-
deur voudrait bâtir, où l'on a dit que l'on apportât le plan. Le Cavalier a reparti
qu'il ne voulait point le voir, puisqu'il était sur le lieu même, crainte que les
pensées des autres ne nuisissent aux siennes. L'on l'a néanmoins apporté. 11
a vu qu'il avait été fait sans avoir égard à la fausse équerrc de la place du
côté de la rue, et a dit à M. le commandeur de lui faire faire un plan seule-
ment de la place entière. L'on a été ensuite dans l'église et dans quelques
maisons particulières, puis l'on a remonté en carrosse. M. le commandeur en
revenant m'a demandé si le Cavalier avait vu Maisons1; je lui ai dit qu'il
irait le voir pendant qu'il serait à Saint-Germain. Il s'est offert de lui donner
à dîner ce jour-là et d'être de la partie. L'on est allé du Temple chez M. Re-
nard2. Le Cavalier a trouvé sa terrasse fort belle, et a dit que c'était la plus
belle situation qui fût à Paris. Il a vu ensuite le logis qu'il a trouvé galam-
ment orné, a considéré longtemps et avec plaisir le tableau d'Icare, de Jules
Romain3, mais il a dit que, pour le bien voir, il eût fallu le mettre au haut de
l'escalier; qu'il était trop près de l'œil. Il a regardé aussi avec attention les
copies d'après les loges de Raphaël. Durant le dîner, il lui est venu un con-
cetlo, « cela, a-t-il dit, au sujet du Louvre ». Il a prié M. le commandeur de le

1. Lo château de Maisons (Seine-et-Oise), bâti par Jules Mansart pour le président René
de Lougueil, en faveur de qui la terre et seigneurie de Maisons avait été érigée en marquisat
par lettres d'octobre 1658.

2. Louis Renard, sieur de Saint-Malo, après avoir été valet de chambre du commandeur de
Souvré, était devenu arquebusier de Louis XIII, et garde du cabinet de ses armes. En 1630,
il obtint du Roi la concession d'un vaste terrain servant de garenne et qui, par une de ses
extrémités aboutissant à la porte de la Conférence, fut plus tard enclos dans le jardin des
Tuileries. Cette concession lui fut faite à la condition, entre autres, de défricher le terrain et
de le garnir de plantes et de fleurs rares. « Dès que Louis XIII lui eut donné ce terrain, dit
Hurtaut (Dictionnaire de Paris, art. Palais, t. III, p. 727), il y fit un jardin extrêmement
propre qui, par sa situation et par l'honnêteté du maître, devint le rendez-vous ordinaire des
seigneurs de la cour et de tout ce qu'il y avait de galant dans ce temps là... et l'on devinera
aisément l'usage que l'on faisait de son jardin et qui lui donnait tant de réputation. »
u Renard, ajoute-t-il, avait de l'esprit, était souple, obligeant et se connaissait fort bien en
meubles et surtout en tapisseries; il en faisait apporter chez lui des plus belles et en vendait
aux personnes de qualité, même au cardinal Mazarin. »

3. Je n'ai pu rien découvrir sur la provenance et la destinée de ce tableau dont il n'est
parlé ni dans Nagler ni dans la biographie de Jules Romain, par Carlo d'Arco. Tout ce que je
puis dire c'est que dans une chambre du palais du Té, à Mantoue, l'artiste avait peint une
Chule d'Icare. De cette fresque, aujourd'hui détruite, Vasari possédait un dessin que Louis XIV
acheta à Jabach, et qui figure actuellement dans la collection du Louvre sous le n° 3499 de
la série des très-grands dessins.
 
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