74 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
une draperie qu'il donne à son ouvrage, qu'elle paraîtrait comme un voile
très-léger. Pendant cela, M. le Nonce est arrivé qui nous a apporté une mau-
vaise nouvelle, et fausse, que la Reine-Mère était morte sur les onze heures
du matin1. L'abbé Butti, étant arrivé en même temps, a dit au Cavalier qu'il
faudrait qu'il s'habillât de deuil. M. le Nonce sorti, nous sommes allés aux
Feuillants et de là à l'hôtel de Frontenac.
Le quatrième, j'ai trouvé le Cavalier dans la tristesse que lui avait donnée
cette fausse nouvelle de la mort de la Reine. Il travaillait au buste du Roi. 11
m'a demandé ce qu'il me semblait de la draperie. Je lui ai dit que je trouvais
qu'elle faisait bien. Il m'a reparti qu'elle lui donnait de la peine à cause du
défaut de son marbre qu'il appelle marmo colto2, qui l'oblige de faire la plus
grande partie de l'ouvrage avec le trépan, peur que, travaillant toujours avec
le ciseau, le marbre ne vînt à éclater. Je suis ensuite allé voir si le signor
Mathie travaillait aux alignements. Je l'ai trouvé dessinant dans la galerie. Il
m'a dit qu'il avait fait toutes les opérations pour la rencontre des portes. Lui
ayant demandé s'il n'y travaillerait point davantage, il m'a dit que non; qu'il
avait fait toutes les diligences et les preuves par diverses fois, qu'il n'y avait
point trouvé de manque; qu'il avait eu de grandes difficultés à cause des
maisons et du Jeu de paume qui l'empêchaient de voir, et des autres embarras
qui sont, dans l'espace de ces alignements ; qu'il ne s'était pas contenté d'op-
poser les règles les unes aux autres, en quoi il peut y avoir quelque forli-
gnure3, mais qu'il avait fait une preuve en mettant deux règles l'une auprès
de l'autre et conservant un trait d'air subtil entre les deux, qui est, a-t-il dit,
le moyen le plus infaillible de tous; et en prenant les distances fort éloignées
d'un côté et d'autre de l'endroit où doivent être assises les portes, qu'il avait
trouvé environ une palme et demie d'irrégularité. Il m'a montré par où pas-
sera la fondation de la façade et qu'elle occupe une des maisons de M. du
Buisson, partie de ce qui reste de l'hôtel de Longueville, partie de l'hôtel
d'Aumont et de l'hôtel de Provence ; pour la place de devant le Louvre, qu'elle
aura de profondeur 34 toises et demie, et de largeur 87 toises qui, multipliées
l'une par l'autre, donneraient à la place 3,000 toises de superficie. Durant cet
entretien, M. Perrault est venu qui nous a dit qu'il est arrivé du marbre de
Gênes, afin que j'en avertisse le Cavalier. J'ai été de là le lui dire.
Le même jour, M. Le Nôtre4 est venu me voir et m'a dit que Levau avait
été porter au Roi un dessin qui est celui duquel l'on avait parlé, où il laisse
le Louvre d'à-présent pour servir seulement d'avant-cour, et fait le bâtiment
au droit de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, et m'a dit, qu'à lui, il lui avait
paru assez beau.
Le soir, l'abbé Butti est venu et M. de Ménars aussi. L'abbé m'a dit qu'il
1. Anne d'Autriche ne mourut que cinq mois plus tard, le 20 janvier 1606.
2. Marbre cuit, c'est-à-dire friable. ■— 3. Forlignure, manquement, faute.
4. André Le Nôtre, le célèbre dessinateur de jardins, né en 1613, mort le 15 septembre 1700.
Dans la liste des collectionneurs parisiens que, sous le titre de Curieux de Paris en 4673,
J. Spon a donnée à la fin de ses Recherches des Antiquités de Lyon (1675, in-12, p. 2) 2 et suiv.),
on trouve le nom de Le Nôtre avec cette mention : Tableaux modernes, bronzes, estampes et
vernis de Chine fort rares.
une draperie qu'il donne à son ouvrage, qu'elle paraîtrait comme un voile
très-léger. Pendant cela, M. le Nonce est arrivé qui nous a apporté une mau-
vaise nouvelle, et fausse, que la Reine-Mère était morte sur les onze heures
du matin1. L'abbé Butti, étant arrivé en même temps, a dit au Cavalier qu'il
faudrait qu'il s'habillât de deuil. M. le Nonce sorti, nous sommes allés aux
Feuillants et de là à l'hôtel de Frontenac.
Le quatrième, j'ai trouvé le Cavalier dans la tristesse que lui avait donnée
cette fausse nouvelle de la mort de la Reine. Il travaillait au buste du Roi. 11
m'a demandé ce qu'il me semblait de la draperie. Je lui ai dit que je trouvais
qu'elle faisait bien. Il m'a reparti qu'elle lui donnait de la peine à cause du
défaut de son marbre qu'il appelle marmo colto2, qui l'oblige de faire la plus
grande partie de l'ouvrage avec le trépan, peur que, travaillant toujours avec
le ciseau, le marbre ne vînt à éclater. Je suis ensuite allé voir si le signor
Mathie travaillait aux alignements. Je l'ai trouvé dessinant dans la galerie. Il
m'a dit qu'il avait fait toutes les opérations pour la rencontre des portes. Lui
ayant demandé s'il n'y travaillerait point davantage, il m'a dit que non; qu'il
avait fait toutes les diligences et les preuves par diverses fois, qu'il n'y avait
point trouvé de manque; qu'il avait eu de grandes difficultés à cause des
maisons et du Jeu de paume qui l'empêchaient de voir, et des autres embarras
qui sont, dans l'espace de ces alignements ; qu'il ne s'était pas contenté d'op-
poser les règles les unes aux autres, en quoi il peut y avoir quelque forli-
gnure3, mais qu'il avait fait une preuve en mettant deux règles l'une auprès
de l'autre et conservant un trait d'air subtil entre les deux, qui est, a-t-il dit,
le moyen le plus infaillible de tous; et en prenant les distances fort éloignées
d'un côté et d'autre de l'endroit où doivent être assises les portes, qu'il avait
trouvé environ une palme et demie d'irrégularité. Il m'a montré par où pas-
sera la fondation de la façade et qu'elle occupe une des maisons de M. du
Buisson, partie de ce qui reste de l'hôtel de Longueville, partie de l'hôtel
d'Aumont et de l'hôtel de Provence ; pour la place de devant le Louvre, qu'elle
aura de profondeur 34 toises et demie, et de largeur 87 toises qui, multipliées
l'une par l'autre, donneraient à la place 3,000 toises de superficie. Durant cet
entretien, M. Perrault est venu qui nous a dit qu'il est arrivé du marbre de
Gênes, afin que j'en avertisse le Cavalier. J'ai été de là le lui dire.
Le même jour, M. Le Nôtre4 est venu me voir et m'a dit que Levau avait
été porter au Roi un dessin qui est celui duquel l'on avait parlé, où il laisse
le Louvre d'à-présent pour servir seulement d'avant-cour, et fait le bâtiment
au droit de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, et m'a dit, qu'à lui, il lui avait
paru assez beau.
Le soir, l'abbé Butti est venu et M. de Ménars aussi. L'abbé m'a dit qu'il
1. Anne d'Autriche ne mourut que cinq mois plus tard, le 20 janvier 1606.
2. Marbre cuit, c'est-à-dire friable. ■— 3. Forlignure, manquement, faute.
4. André Le Nôtre, le célèbre dessinateur de jardins, né en 1613, mort le 15 septembre 1700.
Dans la liste des collectionneurs parisiens que, sous le titre de Curieux de Paris en 4673,
J. Spon a donnée à la fin de ses Recherches des Antiquités de Lyon (1675, in-12, p. 2) 2 et suiv.),
on trouve le nom de Le Nôtre avec cette mention : Tableaux modernes, bronzes, estampes et
vernis de Chine fort rares.