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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 5
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Duranty, Edmond: Daumier
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0474

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de caractère, d'existence, de milieu social, de profession, sans
lesquelles notre esprit habitué, désormais à tous les indices de l'obser-
vation, ne saurait plus comprendre les personnages.

Pour en arriver à rendre les transformations, les évolutions que la
forme humaine peut subir au contact de la vie civilisée actuelle, méta-
morphoses intéressantes comme celles de la plante, de l'animal, ou des
substances chimiques, Daumier est parti de Michel-Ange et de Rubens,
ces maîtres violents comme lui, qui lancèrent le geste, le mouvement à
toute volée et qui pétrirent la musculature à pleines mains. Ce n'est
pas peu de chose, on le voit, que les moyens, les ressources, l'équi-
page dont il a dû s'armer avant de prendre la caricature à bras-le-
corps.

Gomme l'école de David, Daumier a plus d'une fois dessiné le nu
de ses figures avant de les couvrir d'habits. De là cette aisance et cette
largeur de mouvement dans tel de ses personnages qui étale, en
s'asseyant, ses jambes écartées, ou qui laisse reposer, comme un dieu
égyptien, ses bras sur ses cuisses. Daumier, dans son creuset carica-
tural, a broyé et pilé les formes larges, fortes, belles, que les grands
artistes d'autrefois lui avaient appris à connaître et à aimer, et de ce
creuset il les a retirées toutes triturées, imprégnées, modifiées par les
sels et les acides du moderne esprit observateur, sans qu'on puisse
méconnaître leur origine.

Chose assez curieuse, il s'est peu occupé de rapprocher l'homme
de l'animal. Une seule fois il l'a fait dans sa série des Orangs-Ouiangs,
et n'y est plus revenu, s'apercevant que, malgré les liens qui nous
attachent à la bête, nous sommes en rupture d'union avec elle.

Autre chose curieuse, en cherchant toujours l'accent, c'est surtout
chez l'homme âgé qu'il le trouve. Le visage jeune, la forme jeune ne
prêtent pas à la caricature, et dans leur grâce arrondie il n'y a pas de
place pour les traits mouvementés et accusés. Daumier a rarement
abordé les jeunes femmes, les jeunes gens, et il laisse percer en eux le
personnage mûr ou vieux. Par contre, il a bien vu que les enfants
portent souvent dans leur physionomie l'empreinte du caractère qu'elle
aura plus tard, caractère qui disparaît d'ordinaire sous les épanouisse-
ments de la jeunesse.

Il a cependant donné à de certaines figures de femmes un air de
douceur, de charme effacé, qui exprime bien ce je ne sais quoi
d'engourdissant, d'émollient, que met une existence paisible, réglée et
un peu mesquine, dans les esprits et les visages. Çà et là infiniment de
grâce revêt quelqu'une de ses images féminines, comme la mère avec
 
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