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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Gustave Courbet, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0569

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GUSTAVE COURBET. 527

une lettre du 18 mai 1853, qu'il n'est pas l'élève de M. Auguste Hesse. Le
lecteur voudra-t-il le croire? Cet aveu parut choquant. Courbet ajoute
qu'il n'a eu d'autres maîtres que lui-même et que « le travail le plus
constant de sa vie a été consacré à la conservation de son indépendance. »
On trouva la déclaration outrecuidante... Ce serait presque à faire sup-
poser qu'en 1853, les temps de la liberté n'étaient pas venus.

Les petits journaux s'en mêlèrent, et la chanson, et le vaude-
ville. Toutes ces gaietés ont bien vieilli. L'historien qui en interroge
aujourd'hui les échos se persuade aisément que de pareilles clameurs
démontrent, une fois de plus, l'inutilité du quolibet. De cette cam-
pagne menée contre le peintre de la Fileuse, il n'est resté que quelques
vers charmants de Théodore de Banville. Ce fut le seul résultat de la
bataille et le meilleur.

On sait à quelle occasion furent écrits ces vers que l'auteur a
recueillis plus tard dans les Odes funambulesques. En 1854, il était
arrivé à Courbet un accident grave : il avait peint un tableau insigni-
fiant, ridicule peut-être. Curieux de conserver le souvenir de sa première
entrevue avec Alfred Bruyas, le sympathique amateur qui le soutint dans
la lutte, il avait composé la Rencontre, peinture relativement claire où
figurent Bruyas, le peintre lui-même, un domestique et une diligence.
La scène se passe sur une grande route près de Montpellier, au milieu des
poussières méridionales. Ce tableau, d'un intérêt fort médiocre, devint
immédiatement célèbre sous le titre : Bonjour, monsieur Courbet. De là
les stances ironiques et spirituellement désolées de Théodore de Ban-
ville. Le poète, errant un jour dans la campagne, lui trouve tout à coup
des maussaderies inaccoutumées, des vulgarités imprévues. Les arbres
sont de travers, les fleurs arborent des tons criards; la robe de Cybèle est
outrageusement frippée. Invitée à expliquer ces absurdités et ces
discordances, la grande Nature répond d'une voix mélancolique :

Ami, si tu me vois à ce point triste et laide,
C'est que monsieur Courbet vient de passer par là !

De pareilles admonestations auraient du plonger Courbet dans un
abîme de remords. Il se contenta de sourire, étant intraitable ou faisant
semblant de l'être. Mais, au fond de l'âme, il avait des incertitudes.
Il reprit ses études de paysage, et, lorsqu'il aborda de nouveau la repré-
sentation de la figure, l'auteur des Demoiselles des bords de la Seine et
de la Femme au perroquet parut comprendre que la laideur n'est pas le
résultat suprême. La suite de ce travail dira dans quelle mesure Courbet
s'est réconcilié avec la poésie.

PAUL MANTZ.

(La suite prochainement.)
 
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