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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 17.1878

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Nr. 6
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Duranty, Edmond: Daumier, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22837#0571

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DAUMIER.

529

Les sous-sols, les escaliers, les toits, lui apportent des coupes de
décor inattendues, des tournants ombreux, des arcades, des barres d'où
jaillit une tête. Il a souvent une puissante conception de personnages
s'élevant grands, formidables au premier plan et dominant des fonds
lointains où passent de petites figures : par exemple, le roi de Naples à
son balcon, l'empereur Nicolas, Dreyse radieux de voir les morts nom-
breux qu'a faits son fusil, le roi Louis-Philippe pleurant à l'enterrement
de Lafayette.

Ses paysages, car cette dernière planche les évoque aussitôt, révèlent
combien est profonde sur l'artiste l'impression longuement ressentie
des endroits qu'on habite. Le paysage de Daumier est essentiellement
parisien, mais quelle façon a le dessinateur d'en résumer la dominante !
Quelques traits noirs s'étalant, une teinte d'un seul jet, quelques ré-
serves de blanc, un tortillon de feuillage, un carré ou un angle, et voilà
une plaine à perte de vue, avec ses arbres parsemés, coupée d'une
route interminable, et où file un train de chemin de fer; l'espace, la
nudité plate, le vert et le gris du sol s'étendent sous vos yeux. Une
pente ombrée, deux saules tordus, trois lignes dans le reste de la page
blanche, et voilà un coin de terrain animé, frais, plein de soleil, au bord
de l'eau. M. Champfleury, dans son Histoire de la caricature moderne,
a parfaitement décrit le paysage de Daumier, celui où l'on voit les pê-
cheurs, les chasseurs, les promeneurs ou les amants qui s'éloignent pen-
dant que dort le mari heureux de prendre l'air :

a Un arbre chétif sur le pli d'une colline, de pâles maisons entas-
sées, un ruban contourné de cette Seine que M"'8 Deshoulières a
chantée dans un joli vers ; sur un coteau éloigné, une petite masure
que le caricaturiste a peut-être rêvé d'habiter loin des misères de la
ville. »

Le cimetière du Père-Lachaise, dans la planche de Y Enterrement de
Lafayette, est une merveille, avec ses cyprès, ses sombres gazons , ses
petites tombes fourmillantes, ses longues pentes qui s'entre-croisent et
ses premiers plans crayeux qui renvoient fortement la lumière.

Daumier a rendu admirablement aussi les jardins bourgeois à la
campagne, les pauvres jardins étriqués qui s'étouffent entre quatre
murs, avec de secs espaliers, des branchages maigres, où les fleurs étio-
lées se meurent dans des pots de terre, en s'appuyant péniblement à
des lattes. Le soleil passe là dedans et on éprouve le souvenir d'une
indolence traversée d'un ennui aigu qui vous a tenu durant de malheu-
reuses journées perdues au piège de semblables petits jardins.

Notre planche, qui montre un pêcheur à la ligne précipité dans l'eau

XVII. — 2e PÉRIODE. 67
 
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