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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
borateurs, et, quand on veut bien y regarder avec soin, on voit très distinc-
tement que les pinceaux employés dans l’atelier d’Anvers étaient de valeur
fort inégale. Chacun avait un rôle dans l’œuvre commune, mais tous ne
l’ont pas su jouer aussi bien. Je mets à part un paysagiste dont la touche
a un accent décisif. Au fond de quelques-uns des tableaux, on voit
s’étendre des campagnes d’un style très flamand où éclatent de belles notes
vertes. L’exécution est robuste et franche, avec une sorte de largeur
décorative, qui est celle de Jean Wildens. Nous avons déjà eu l'occasion
de dire que Wildens était pour Rubens un collaborateur intelligent et un
ami. Ils ont souvent travaillé ensemble. Je n’en voudrais pas d’autre
preuve que le Coq et la Perle} le beau tableau du musée Suermondt à
Aix-la-Chapelle, dont une reproduction accompagne cet article. Nous
donnons à cette peinture un titre français et nous avons tort peut-être,
car Rubens, s’inspirant de la vieille fable que le Nord connaissait comme le
Midi, a mis son coq en présence, non d’une perle, mais d’un juwel, c’est-
à-dire d’un joyau, pierrerie taillée et sertie dans une monture d’or ciselé.
Sous la main du maître, à qui tout était permis, l’oiseau de la basse-cour
familière est devenu l’oiseau des batailles, un héros aux allures triom-
phantes. La vaste campagne où il promène sa victoire est de Jean Wil-
dens. Les deux peintres, si bien faits pour se comprendre, aimaient à
associer leur pinceau. Je n’hésite pas à croire que dans les paysages
de la galerie du Luxembourg on doit reconnaître la main de Wil-
dens.
Pour Snyders, je n’ai aucune certitude. Nul collaborateur n’est plus
vraisemblable si l’on songe à la vieille amitié qui le liait à Rubens, si
l’on se rappelle qu’ils avaient fait ensemble le Prométhêe envoyé à sir
Dudley Carleton. On pense inévitablement à Snyders devant les lions qui
traînent un char dans le Mariage de Marie de Médicis. L’exécution n’y
est cependant pas d’une virtuosité bien surprenante : il serait cruel d’at-
tribuer au grand animalier ces lions sans muscles et sans conviction.
Quant aux animaux fantastiques, Rubens les a gardés pour lui. L’hydre
de la rébellion dressant ses têtes menaçantes dans XEntrevue de la reine
et de Louis Xlll est certainement de sa main. Il aimait les monstres.
Pour les figures, tout critique sincère doit s’avouer embarrassé. Il
est bien facile de prendre dans un livre la liste des élèves de Rubens et
de les associer hardiment à son œuvre. N’a-t-on pas parlé de Van Dyck ?
Mais c’est précisément le nom qu’il faut tout d’abord écarter. Nous invo-
quons l’alibi. Van Dyck est parti pour l’Italie en octobre 1621 ; à son
retour, il traversa Marseille en juillet 1625, c’est-à-dire lorsque les
tableaux de la galerie étaient déjà mis en place depuis deux ou trois mois.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
borateurs, et, quand on veut bien y regarder avec soin, on voit très distinc-
tement que les pinceaux employés dans l’atelier d’Anvers étaient de valeur
fort inégale. Chacun avait un rôle dans l’œuvre commune, mais tous ne
l’ont pas su jouer aussi bien. Je mets à part un paysagiste dont la touche
a un accent décisif. Au fond de quelques-uns des tableaux, on voit
s’étendre des campagnes d’un style très flamand où éclatent de belles notes
vertes. L’exécution est robuste et franche, avec une sorte de largeur
décorative, qui est celle de Jean Wildens. Nous avons déjà eu l'occasion
de dire que Wildens était pour Rubens un collaborateur intelligent et un
ami. Ils ont souvent travaillé ensemble. Je n’en voudrais pas d’autre
preuve que le Coq et la Perle} le beau tableau du musée Suermondt à
Aix-la-Chapelle, dont une reproduction accompagne cet article. Nous
donnons à cette peinture un titre français et nous avons tort peut-être,
car Rubens, s’inspirant de la vieille fable que le Nord connaissait comme le
Midi, a mis son coq en présence, non d’une perle, mais d’un juwel, c’est-
à-dire d’un joyau, pierrerie taillée et sertie dans une monture d’or ciselé.
Sous la main du maître, à qui tout était permis, l’oiseau de la basse-cour
familière est devenu l’oiseau des batailles, un héros aux allures triom-
phantes. La vaste campagne où il promène sa victoire est de Jean Wil-
dens. Les deux peintres, si bien faits pour se comprendre, aimaient à
associer leur pinceau. Je n’hésite pas à croire que dans les paysages
de la galerie du Luxembourg on doit reconnaître la main de Wil-
dens.
Pour Snyders, je n’ai aucune certitude. Nul collaborateur n’est plus
vraisemblable si l’on songe à la vieille amitié qui le liait à Rubens, si
l’on se rappelle qu’ils avaient fait ensemble le Prométhêe envoyé à sir
Dudley Carleton. On pense inévitablement à Snyders devant les lions qui
traînent un char dans le Mariage de Marie de Médicis. L’exécution n’y
est cependant pas d’une virtuosité bien surprenante : il serait cruel d’at-
tribuer au grand animalier ces lions sans muscles et sans conviction.
Quant aux animaux fantastiques, Rubens les a gardés pour lui. L’hydre
de la rébellion dressant ses têtes menaçantes dans XEntrevue de la reine
et de Louis Xlll est certainement de sa main. Il aimait les monstres.
Pour les figures, tout critique sincère doit s’avouer embarrassé. Il
est bien facile de prendre dans un livre la liste des élèves de Rubens et
de les associer hardiment à son œuvre. N’a-t-on pas parlé de Van Dyck ?
Mais c’est précisément le nom qu’il faut tout d’abord écarter. Nous invo-
quons l’alibi. Van Dyck est parti pour l’Italie en octobre 1621 ; à son
retour, il traversa Marseille en juillet 1625, c’est-à-dire lorsque les
tableaux de la galerie étaient déjà mis en place depuis deux ou trois mois.