DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:Chennevières, Henry de: Exposition de l'art du XVIIIe siècle
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
l'art des beaux encadrements. Les trois Slodtz, sculpteurs fort habiles, se
livrèrent longtemps, d’après les dessins de Meissonnier et même aussi
d’après leurs propres inventions, à ces sortes de travaux; ils creusaient
et contournaient le bois en arabesques ingénieuses, soucieux de donner
aux bordures un style ornemental plein d’effet1. Non loin de la Comtesse
Du Barry se trouve le Portrait de M. de Jullienne, par Watteau, belle
peinture déjà exposée en 1878 au Trocadéro 2. Elle a toujours sa morbi-
clesse, ses colorations ambrées, ses moiteurs d’épiderme, et, malgré des
dimensions peu habituelles au maître de Valenciennes, elle est toute déli-
cate et très finie.
D’un descendant de Watteau, de son élève Lancret, se voient ici deux
petits portraits bien précieux, Louis XV en costume de pèlerin et le Vio-
loncelliste. Le jeune Louis XV, vêtu de l’habit galant des pèlerins de
Cythère et armé de la houlette, attend sur un tertre l’heure du berger.
L’air tout de bonne grâce et les joues roses de la seizième année, il va
partir pour l’île enchantée. Ses compagnons s’assemblent au fond d’un
paysage chimérique, éclairé d’un jour bleuissant. Le faire des touches
pourrait être plus net, mais à part cette indécision de procédé, peu sen-
sible d’ailleurs, ce tableautin paraît d’une allure vive et spirituelle. On ne
saurait mieux imaginer l’allégorie d’un règne de plaisir. Le Violoncel-
liste semble plus appliqué, plus sincère, plus franc de vérité, plus près
de la nature. Il tourmente de son archet sa basse aux fortes cordes et
s’écoute jouant. Ce musicien est-il l’un des vingt-quatre petits violons
du roi? Est-ce Mathieu, Lepeintre, Decharmes, Brant, Dubuisson ou
Sougy, ouMarlière, ou Ferrière, ou Charpentier, ou le vieil Iluguenet ? Il
1. On rencontre souvent dans les Dépenses clés Menus Plaisirs du Roi, des notes
comme celle-ci : « Menus Plaisirs de 1780. — Payez au sieur Slodtz, sculpteur, la
somme de deux mil livres pour une bordure qu’il a fait et fourny pour mettre un
tableau du Sr Oudrv, représentant une chasse de Sa Majesté, qui a esté pozé à Marly.
Laditte bordure de quatorse pieds et demy de long sur dix de haut, et d’un pied de
large de moulure, enrichie dans la traverse d’en haut des armes de France et de
Navarre avec les cordons de l’Ordre, couronne, palmes, festons de chesne et car-
touche; dans les montants et traverses sont des trophées de chasse composés de car-
quois, arcs, couteaux, corps de chasse et autres attributs, comme aussy testes de
cerf, de sanglier et chiens avec des branches de chesne; aux quatre angles sont des
cartouches avec rocaille, feuilles et volutes, et sur les membres de profil sont plu-
sieurs ornemens de différentes sortes, en ce y compris la fourniture de bois de chesne
de menuiserie pour faire laditte bordure, cy. 2,000 liv.
Au Sieur Messonnier, dessinateur ordinaire du Cabinet du Roy, la somme de
cinquante livres pour avoir fait le dessin delà bordure cy dessus, cy. 50 liv. »
(Archives nationales, carton 012859.)
2. Voir la gravure de M. Champollion, Gazette, t. XXIII, 2e période, p. 882.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
l'art des beaux encadrements. Les trois Slodtz, sculpteurs fort habiles, se
livrèrent longtemps, d’après les dessins de Meissonnier et même aussi
d’après leurs propres inventions, à ces sortes de travaux; ils creusaient
et contournaient le bois en arabesques ingénieuses, soucieux de donner
aux bordures un style ornemental plein d’effet1. Non loin de la Comtesse
Du Barry se trouve le Portrait de M. de Jullienne, par Watteau, belle
peinture déjà exposée en 1878 au Trocadéro 2. Elle a toujours sa morbi-
clesse, ses colorations ambrées, ses moiteurs d’épiderme, et, malgré des
dimensions peu habituelles au maître de Valenciennes, elle est toute déli-
cate et très finie.
D’un descendant de Watteau, de son élève Lancret, se voient ici deux
petits portraits bien précieux, Louis XV en costume de pèlerin et le Vio-
loncelliste. Le jeune Louis XV, vêtu de l’habit galant des pèlerins de
Cythère et armé de la houlette, attend sur un tertre l’heure du berger.
L’air tout de bonne grâce et les joues roses de la seizième année, il va
partir pour l’île enchantée. Ses compagnons s’assemblent au fond d’un
paysage chimérique, éclairé d’un jour bleuissant. Le faire des touches
pourrait être plus net, mais à part cette indécision de procédé, peu sen-
sible d’ailleurs, ce tableautin paraît d’une allure vive et spirituelle. On ne
saurait mieux imaginer l’allégorie d’un règne de plaisir. Le Violoncel-
liste semble plus appliqué, plus sincère, plus franc de vérité, plus près
de la nature. Il tourmente de son archet sa basse aux fortes cordes et
s’écoute jouant. Ce musicien est-il l’un des vingt-quatre petits violons
du roi? Est-ce Mathieu, Lepeintre, Decharmes, Brant, Dubuisson ou
Sougy, ouMarlière, ou Ferrière, ou Charpentier, ou le vieil Iluguenet ? Il
1. On rencontre souvent dans les Dépenses clés Menus Plaisirs du Roi, des notes
comme celle-ci : « Menus Plaisirs de 1780. — Payez au sieur Slodtz, sculpteur, la
somme de deux mil livres pour une bordure qu’il a fait et fourny pour mettre un
tableau du Sr Oudrv, représentant une chasse de Sa Majesté, qui a esté pozé à Marly.
Laditte bordure de quatorse pieds et demy de long sur dix de haut, et d’un pied de
large de moulure, enrichie dans la traverse d’en haut des armes de France et de
Navarre avec les cordons de l’Ordre, couronne, palmes, festons de chesne et car-
touche; dans les montants et traverses sont des trophées de chasse composés de car-
quois, arcs, couteaux, corps de chasse et autres attributs, comme aussy testes de
cerf, de sanglier et chiens avec des branches de chesne; aux quatre angles sont des
cartouches avec rocaille, feuilles et volutes, et sur les membres de profil sont plu-
sieurs ornemens de différentes sortes, en ce y compris la fourniture de bois de chesne
de menuiserie pour faire laditte bordure, cy. 2,000 liv.
Au Sieur Messonnier, dessinateur ordinaire du Cabinet du Roy, la somme de
cinquante livres pour avoir fait le dessin delà bordure cy dessus, cy. 50 liv. »
(Archives nationales, carton 012859.)
2. Voir la gravure de M. Champollion, Gazette, t. XXIII, 2e période, p. 882.