GO
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
pelle les successeurs de Fra Bartolommeo et la figure de l’Enfant
évoque le même maître ; on y trouve aussi un souvenir de la Madonna
delV Arpie, par Andrea del Sarto ; cependant, il se dégage de ce carton
une impression indéfinissable, nniis persistante, qui ne permet pas de
l’attribuer à un Florentin. On a beau chercher parmi les artistes de
cette école, on n'en trouve aucun qui soif si délicat dans son éclec-
tisme, qui amalgame et fonde, avec un goût aussi sur, des influences
diverses. Les sectateurs florentins de Raphaël tombent vite au triste
niveau d’un Bacchiacca, qui ne sait jamais s’assimiler ses larcins, mais
en fait parade, comme un sauvage des îles Fidji qui se serait affuble
de défroques européennes, l/auteur de ce carton môle les éléments
florentins el raphaélesques, peut-être d’autres éléments encore, avec
tant de perfection, qu’on se demande : est-il raphaélesque par la
vertu que Raphaël a laissée en Fra Bartolommeo? — ou, au contraire,
ressemble-t-il au Frate, par suite de la grande influence que le Frate
a exercée sur Raphaël ? Et vous êtes plus embarrassé encore pour
décider si l’imperceptible arôme, qui trahit une affinité léonardesque,
est dû à un contact intime et direct avec Léonard ou quelques-uns de
ses continuateurs, ou si l’artiste a pu en être imprégné à travers
Raphaël et Fra Bartolommeo.
Cela étant, qui peut être l’auteur de ce carton ? Et si, tout
d’abord, il n’est pas florentin, à quelle école appartient-il, étant
donné que, dans le délicieux éclectisme de son style, nous trouvons,
très marquée, l'influence de Raphaël et de Fra Bartolommeo, et, plus
discrète, mais cependant manifeste, celle de Léonard ?
Pour toute personne familière avec l’art italien, la question
contient sa réponse : Fauteur du carton du British Muséum ne peut
être qu’un Siennois. Au commencement du xvie siècle, Fart indi-
gène était tombé si bas, à Sienne, qu’on était prêta y accueillir n’im-
porte quel artiste étranger. On sait comment, dans celte pénurie
d hommes de talent, Sodoma vint de Lombardie et inonda le pays de
ses productions. Mais on n’a jamais, ou tout au moins 1 on a rarement
remarqué que le rôle de ce peintre consista à introduire I art floren-
tin à Sienne et à l’y rendre populaire. Sodoma n’était, en somme,
qu’un adaptateur aimable et heureux des conceptions de Léonard.
Tout ce qui s’y trouvait d’essentiel et d’ardu, il le supprima, car
il n’y fut jamais sensible, et il donna aux Siennois ce dont de tout
temps ils avaient été avides : des femmes charmantes, étrangement
jolies, une expression attrayante, et juste assez d’action pour faire
passer le reste. Tout cela, il le leur donna à un haut degré de perfcc-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
pelle les successeurs de Fra Bartolommeo et la figure de l’Enfant
évoque le même maître ; on y trouve aussi un souvenir de la Madonna
delV Arpie, par Andrea del Sarto ; cependant, il se dégage de ce carton
une impression indéfinissable, nniis persistante, qui ne permet pas de
l’attribuer à un Florentin. On a beau chercher parmi les artistes de
cette école, on n'en trouve aucun qui soif si délicat dans son éclec-
tisme, qui amalgame et fonde, avec un goût aussi sur, des influences
diverses. Les sectateurs florentins de Raphaël tombent vite au triste
niveau d’un Bacchiacca, qui ne sait jamais s’assimiler ses larcins, mais
en fait parade, comme un sauvage des îles Fidji qui se serait affuble
de défroques européennes, l/auteur de ce carton môle les éléments
florentins el raphaélesques, peut-être d’autres éléments encore, avec
tant de perfection, qu’on se demande : est-il raphaélesque par la
vertu que Raphaël a laissée en Fra Bartolommeo? — ou, au contraire,
ressemble-t-il au Frate, par suite de la grande influence que le Frate
a exercée sur Raphaël ? Et vous êtes plus embarrassé encore pour
décider si l’imperceptible arôme, qui trahit une affinité léonardesque,
est dû à un contact intime et direct avec Léonard ou quelques-uns de
ses continuateurs, ou si l’artiste a pu en être imprégné à travers
Raphaël et Fra Bartolommeo.
Cela étant, qui peut être l’auteur de ce carton ? Et si, tout
d’abord, il n’est pas florentin, à quelle école appartient-il, étant
donné que, dans le délicieux éclectisme de son style, nous trouvons,
très marquée, l'influence de Raphaël et de Fra Bartolommeo, et, plus
discrète, mais cependant manifeste, celle de Léonard ?
Pour toute personne familière avec l’art italien, la question
contient sa réponse : Fauteur du carton du British Muséum ne peut
être qu’un Siennois. Au commencement du xvie siècle, Fart indi-
gène était tombé si bas, à Sienne, qu’on était prêta y accueillir n’im-
porte quel artiste étranger. On sait comment, dans celte pénurie
d hommes de talent, Sodoma vint de Lombardie et inonda le pays de
ses productions. Mais on n’a jamais, ou tout au moins 1 on a rarement
remarqué que le rôle de ce peintre consista à introduire I art floren-
tin à Sienne et à l’y rendre populaire. Sodoma n’était, en somme,
qu’un adaptateur aimable et heureux des conceptions de Léonard.
Tout ce qui s’y trouvait d’essentiel et d’ardu, il le supprima, car
il n’y fut jamais sensible, et il donna aux Siennois ce dont de tout
temps ils avaient été avides : des femmes charmantes, étrangement
jolies, une expression attrayante, et juste assez d’action pour faire
passer le reste. Tout cela, il le leur donna à un haut degré de perfcc-