DOI issue:
Nr. 2
DOI article:Ritter, William: Correspondance d'Autriche
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0188
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
grelet Mozart qui est caractéristique ; il nous montre fort bien un Mozart de fête,
un Mozart de parade, sans doute tout joyeux de diriger devant un public de grand
seigneurs et de prélats la plus alerte de ses symphonies ; mais qui nous donnera
en revanche le Mozart du finale de Don Juan et du Requiem ? Aux cotés du socle
s’envolent des amours, et un bas-relief retrace l’une des plus célèbres anecdotes
de l’enfance du petit prodige. On n’est pas plus superficiel ; hàtons-nons de dire
qu’on ne l’est pas d’une façon plus charmante. Chose étrange, quand Tilgner
aborde les petits sujets et exécute des pendules, des dessus de table, des torchères,
des motifs à supporter des globes électriques, il est carrément mauvais.
Là où il est très bon et parfois excellent, c’est dans le portrait, dans le buste
plus encore que la statue. Ne pourrait-on pas presque appeler un chef-d'œuvre
ce buste, qui fait songer à Donatello, d’Anton Bruckner, le colossal symphoniste
mort l’automne passé, celui que Wagner appelait le a symphoniste de l’avenir » et
considérait avec raison comme le seul musicien contemporain en qui il eût un
émule. Et, coup sur coup, il faudrait citer le verrier Lobmayer, Mmo Wiesinger-
Florian, artiste d'un talent très délicat et d’une habileté regrettable à force d’être
déconcertante, mais visage aussi irrégulier qu’intelligent; enlin, un morceau,
anonyme heureusement, qui sera un document précieux pour l'avenir, une
hideuse face lippue de vieillard comme on en trouve dans Balzac, et où l'on
sent que l’artiste s'en est donné à cœur joie, pour se venger d'avoir à faire le
portrait d'un homme dont seule la richesse sans doute lui permettait de prétendre
à la notoriété du ciseau de Tilgner. Il y a, au reste, cinq ou six bustes qui ré-
pondent plus ou moins à ce signalement, mais celui que j’entends est une œuvre
psychologique au premier chef, qui exprime l’esprit de toute une classe du monde
viennois, d'une façon tout aussi caractéristique que le fameux portrait de Berlin
par Ingres exprimait l’esprit de la bourgeoisie française du temps.
De l’impératrice, Tilgner a exécuté un buste charmant, où l’extraordinaire
petitesse du visage et la finesse enjouée de l’expression sont rendues d’autant
plus sensibles par un déploiement de pompe dans les atours féminins et l’ap-
pareil impérial, qui en fait une œuvre à part, d'une séduction un peu étrange.
Enfin, ce statuaire, dont l'atelier au palais Schwarzeuberg fut aussi fréquenté par
les grands de Vienne que celui de Makart, sut h merveille représenter les enfants ,
aussi bien la santé vigoureuse des rejetons de races jeunes, quel’anémie délicate
et d’un charme suprême des enfants de haute lignée. 11 est surtout un buste d’un
jeune prince de Liechtenstein, qui est d’un sentiment très juste, d'une obser-
vation très subtile. L’intérêt de cette collection de portraits contemporains est
que tout Vienne y défile. Les futurs historiens du règne de François-Joseph
devront avoir recours encore plus à Tilgner qu’aux peintres du grand monde,
Makart, Clemens von Pausinger, etc., ou de la rue, comme Joseph Engelhart.
Nous imaginons qu'ils trouveraient bien peu de choses dans ce qui restera
d’un peintre comme M. Brozik, dont une exposition complète accompagnait celle
des œuvres posthumes de Tilgner. Nous savons tous les mérites de M. Brozik
peintre d’histoire, en particulier de son Jean Huss devant le concile de Constanee
à l'hôtel de ville de Prague, de sa Défenestration de Prague et de son récent Tu
felix Austria nubc, représentant le mariage dans le chœur de la cathédrale Saint-
Étienne, le 22 juillet 1515, des enfants du roi de Bohême-Hongrie Ladislas II et
des petits-enfants de l’empereur Maximilien Ier.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
grelet Mozart qui est caractéristique ; il nous montre fort bien un Mozart de fête,
un Mozart de parade, sans doute tout joyeux de diriger devant un public de grand
seigneurs et de prélats la plus alerte de ses symphonies ; mais qui nous donnera
en revanche le Mozart du finale de Don Juan et du Requiem ? Aux cotés du socle
s’envolent des amours, et un bas-relief retrace l’une des plus célèbres anecdotes
de l’enfance du petit prodige. On n’est pas plus superficiel ; hàtons-nons de dire
qu’on ne l’est pas d’une façon plus charmante. Chose étrange, quand Tilgner
aborde les petits sujets et exécute des pendules, des dessus de table, des torchères,
des motifs à supporter des globes électriques, il est carrément mauvais.
Là où il est très bon et parfois excellent, c’est dans le portrait, dans le buste
plus encore que la statue. Ne pourrait-on pas presque appeler un chef-d'œuvre
ce buste, qui fait songer à Donatello, d’Anton Bruckner, le colossal symphoniste
mort l’automne passé, celui que Wagner appelait le a symphoniste de l’avenir » et
considérait avec raison comme le seul musicien contemporain en qui il eût un
émule. Et, coup sur coup, il faudrait citer le verrier Lobmayer, Mmo Wiesinger-
Florian, artiste d'un talent très délicat et d’une habileté regrettable à force d’être
déconcertante, mais visage aussi irrégulier qu’intelligent; enlin, un morceau,
anonyme heureusement, qui sera un document précieux pour l'avenir, une
hideuse face lippue de vieillard comme on en trouve dans Balzac, et où l'on
sent que l’artiste s'en est donné à cœur joie, pour se venger d'avoir à faire le
portrait d'un homme dont seule la richesse sans doute lui permettait de prétendre
à la notoriété du ciseau de Tilgner. Il y a, au reste, cinq ou six bustes qui ré-
pondent plus ou moins à ce signalement, mais celui que j’entends est une œuvre
psychologique au premier chef, qui exprime l’esprit de toute une classe du monde
viennois, d'une façon tout aussi caractéristique que le fameux portrait de Berlin
par Ingres exprimait l’esprit de la bourgeoisie française du temps.
De l’impératrice, Tilgner a exécuté un buste charmant, où l’extraordinaire
petitesse du visage et la finesse enjouée de l’expression sont rendues d’autant
plus sensibles par un déploiement de pompe dans les atours féminins et l’ap-
pareil impérial, qui en fait une œuvre à part, d'une séduction un peu étrange.
Enfin, ce statuaire, dont l'atelier au palais Schwarzeuberg fut aussi fréquenté par
les grands de Vienne que celui de Makart, sut h merveille représenter les enfants ,
aussi bien la santé vigoureuse des rejetons de races jeunes, quel’anémie délicate
et d’un charme suprême des enfants de haute lignée. 11 est surtout un buste d’un
jeune prince de Liechtenstein, qui est d’un sentiment très juste, d'une obser-
vation très subtile. L’intérêt de cette collection de portraits contemporains est
que tout Vienne y défile. Les futurs historiens du règne de François-Joseph
devront avoir recours encore plus à Tilgner qu’aux peintres du grand monde,
Makart, Clemens von Pausinger, etc., ou de la rue, comme Joseph Engelhart.
Nous imaginons qu'ils trouveraient bien peu de choses dans ce qui restera
d’un peintre comme M. Brozik, dont une exposition complète accompagnait celle
des œuvres posthumes de Tilgner. Nous savons tous les mérites de M. Brozik
peintre d’histoire, en particulier de son Jean Huss devant le concile de Constanee
à l'hôtel de ville de Prague, de sa Défenestration de Prague et de son récent Tu
felix Austria nubc, représentant le mariage dans le chœur de la cathédrale Saint-
Étienne, le 22 juillet 1515, des enfants du roi de Bohême-Hongrie Ladislas II et
des petits-enfants de l’empereur Maximilien Ier.