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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

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Nr. 3
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Marx, Roger: Les Goncourt et l'art, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0261

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LES CONCOURT ET L’ART

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la dernière veille de la lente agonie, douloureusement Edmond de
Concourt s’interroge et s’écrie : « A cette heure, je maudis la littéra-
ture. Peut-être sans moi se serait-il fait peintre, et, doué comme il
l’était, il aurait fait son nom, sans s’arracher la cervelle...1 »

A ne le juger que d’après les résultats acquis, en oubliant la
suprématie de l’écrivain, pour ne considérer que les créations
de l’artiste, Jules de Goncourt prend rang à la suite des petits
maîtres qui relient, vers le milieu du siècle, le naturalisme naissant
à l’école de 1830. Pendant les « courses gothiques » entreprises à
pied avec son frère, il se soucie d’abord de reproduire les vestiges
du passé et d’exalter, à sa façon, l’art du moyen âge que le roman-
tisme vient de découvrir et de remettre en honneur. Avec quelle
fièvre il se dépense, nous le savons, d’après le détail de cette
journée : « 5/ septembre 18i9. De Bourg à Mâcon. — Dessin à la
paroisse de huit heures à midi. — Café chez le cabaretier voisin. —
Dessin à l’église de Brou, de une heure et demie à cinq heures et
demie. — Départ à six heures pour Mâcon, au pas de course. Dîné
en route de deux brioches... » iV Mâcon, une vieille maison de bois
sculpté l’arrête ; il la copie à l'aquarelle, animant et datant son
image par la plus amusante figuration ; sur l’album, avec les monu-
ments anciens, alternent bientôt les paysages, — sites des bords de la
Saône, cabanes dans la Camargue, — et de la réunion de ces notes
on dirait une illustration préparée pour les Voyages fameux du
baron Taylor et de Charles Nodier. La manière de Jules de Goncourt
s’apparente alors à celle d’Hervier; elle s’en rapproche par la recher-
che de vérité pittoresque, par la volonté de caractérisation, par l’amour
du populaire, de la rue, et aussi par l’aptitude à piger le motif et à
lui donner du style ; le métier est libre, rapide, hardiment simplifica-
teur ; pour l'harmonie générale, cherchée dans les gammes ambrées,
elle préconise « l’éloquence des tons sales ».

Une fois la Méditerranée traversée, l’imagination paraît plutôt
hantée par les ressouvenirs d’un autre peintre aimé, Decamps. Dans
les gouaches d’Orient, qui atteignent parfois à la consistance d’aspect
de la peinture à l’huile, les rutilances contrastent avec les ombres,
« le surchauffé des murailles s’oppose violemment à l’outrance des
ciels ». Il faut apprendre des Lettres de Jules de Goncourt la joie
trouvée à parcourir Alger « le crayon et le pinceau à la main » ; « deux
villes seules existent, écrit-il : Paris, la ville de tout le monde, et
Alger, la ville des artistes » ; pour cet amoureux de la couleur locale,
c’est une ivresse de mouvement, de nuances, de lumière, un enthou-
 
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