LA STATUE DE LOUIS XV PAR BOUCHARDON
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statue1. Il n’en est pas moins vrai que Bouchardon avait esquissé
les deux sujets indiqués dans le marché passé avec la Ville en 1749,
comme le prouvent deux dessins du Louvre, croquis très légers au
crayon noir 2.
La question des cariatides paraît un peu plus obscure, mais nous
espérons la démêler; c’est d’ailleurs la plus intéressante. Bouchar-
don avait fait tout d’abord de nombreuses études d’après le nu ; ses
dessins sont au Louvre : il n’y en a pas moins de quarante-trois, très
finis, à la sanguine et de grandes dimensions, variant,pour la hau-
teur, entre 730 et 800 millimètres, et, pour la largeur, entre 452 et
460. Parmi ces dessins, il y en a trente-deux qui se décomposent en
quatre séries de huit dessins chacune. La série représente une même
femme (l’une des quatre cariatides), dessinée dans la même position,
mais sous huit aspects différents, les bras levés comme pour soutenir
l’angle de la corniche. La position des bras varie pour chaque série3.
Après ces études consciencieuses, le sculpteur avait fait le mo-
dèle en grand du piédestal4, puis modelé les quatre Vertus, grandeur
d’exécution, c’est-à-dire de neuf à dix pieds de haut. Suivant Caylus.,
ces modèles étaient « fort avancés » pour trois figures ; le mémoire
1. Caylus, Vie d’Eclme Bouchardon, p. 63-64.
2. 94347 et 24348 : haut,, 0m 102 et 0mi06 ; larg., 0ra 158 et 0m152.
3. N°s 23845, 23846, 23907, 24440 à 24473 (comprenant les quatre séries),
24542, 24662, 24663, 24676, 24680, 24685. — Bouchardon parle de ces études dans
un des mémoires présentés à la Ville pour justifier le chiffre prévu de la dépense ;
« Il est nécessaire de faire des études sans nombre, d’après le naturel, qui est un
article très dispendieux, car les modèles sont fort chers, et ceux de femme sur-
tout... » (Papiers Laillaut.) — L’abbé Mathieu, dans sa Biographie du départe-
ment de la Haute-Marne (Annuaire du département, pour 1811, p. 205-206), et,
après lui, MM. Jolibois (notice de 1837, p. 14), et Carnandet (notice de 1855,
p. 23), rapportent une anecdote relative à un modèle de femme que Bouchardon
recherchait, et qui devait servir à des études, soit pour les cariatides du piédestal
de la statue équestre de Louis XV, soit pour la statue de la Marne, à la fontaine
de la rue de Grenelle. Ces divers auteurs n’indiquent pas la source de cette anec-
dote ; d'ailleurs, les deux derniers ont dû l’emprunter à l’abbé Mathieu. Quoi
qu’il en soit, la voici : Bouchardon avait promis 300 livres au plus beau modèle
de femme qui se présenterait. Une jeune fille, admirablement belle, fut acceptée
par l’artiste ; des raisons dont nous ignorons la nature éveillèrent la curiosité du
sculpteur, qui voulut connaître les motifs de sa détermination. Elle avoua que la
détresse dans laquelle se trouvait sa mère l’avait amenée à cette résolution pé-
nible. Bouchardon, oubliant l’intérêt de sa gloire, pour n’écouter que la voix de
son cœur, lui rendit la liberté et donna quand même les cent écus promis.
4. Rappelé par M. Girard dans sa requête présentée à la Ville, au mois d’avril
1763, pour obtenir ce qui restait dû au moment du décès (Arch. Nat., H, 2160.)
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statue1. Il n’en est pas moins vrai que Bouchardon avait esquissé
les deux sujets indiqués dans le marché passé avec la Ville en 1749,
comme le prouvent deux dessins du Louvre, croquis très légers au
crayon noir 2.
La question des cariatides paraît un peu plus obscure, mais nous
espérons la démêler; c’est d’ailleurs la plus intéressante. Bouchar-
don avait fait tout d’abord de nombreuses études d’après le nu ; ses
dessins sont au Louvre : il n’y en a pas moins de quarante-trois, très
finis, à la sanguine et de grandes dimensions, variant,pour la hau-
teur, entre 730 et 800 millimètres, et, pour la largeur, entre 452 et
460. Parmi ces dessins, il y en a trente-deux qui se décomposent en
quatre séries de huit dessins chacune. La série représente une même
femme (l’une des quatre cariatides), dessinée dans la même position,
mais sous huit aspects différents, les bras levés comme pour soutenir
l’angle de la corniche. La position des bras varie pour chaque série3.
Après ces études consciencieuses, le sculpteur avait fait le mo-
dèle en grand du piédestal4, puis modelé les quatre Vertus, grandeur
d’exécution, c’est-à-dire de neuf à dix pieds de haut. Suivant Caylus.,
ces modèles étaient « fort avancés » pour trois figures ; le mémoire
1. Caylus, Vie d’Eclme Bouchardon, p. 63-64.
2. 94347 et 24348 : haut,, 0m 102 et 0mi06 ; larg., 0ra 158 et 0m152.
3. N°s 23845, 23846, 23907, 24440 à 24473 (comprenant les quatre séries),
24542, 24662, 24663, 24676, 24680, 24685. — Bouchardon parle de ces études dans
un des mémoires présentés à la Ville pour justifier le chiffre prévu de la dépense ;
« Il est nécessaire de faire des études sans nombre, d’après le naturel, qui est un
article très dispendieux, car les modèles sont fort chers, et ceux de femme sur-
tout... » (Papiers Laillaut.) — L’abbé Mathieu, dans sa Biographie du départe-
ment de la Haute-Marne (Annuaire du département, pour 1811, p. 205-206), et,
après lui, MM. Jolibois (notice de 1837, p. 14), et Carnandet (notice de 1855,
p. 23), rapportent une anecdote relative à un modèle de femme que Bouchardon
recherchait, et qui devait servir à des études, soit pour les cariatides du piédestal
de la statue équestre de Louis XV, soit pour la statue de la Marne, à la fontaine
de la rue de Grenelle. Ces divers auteurs n’indiquent pas la source de cette anec-
dote ; d'ailleurs, les deux derniers ont dû l’emprunter à l’abbé Mathieu. Quoi
qu’il en soit, la voici : Bouchardon avait promis 300 livres au plus beau modèle
de femme qui se présenterait. Une jeune fille, admirablement belle, fut acceptée
par l’artiste ; des raisons dont nous ignorons la nature éveillèrent la curiosité du
sculpteur, qui voulut connaître les motifs de sa détermination. Elle avoua que la
détresse dans laquelle se trouvait sa mère l’avait amenée à cette résolution pé-
nible. Bouchardon, oubliant l’intérêt de sa gloire, pour n’écouter que la voix de
son cœur, lui rendit la liberté et donna quand même les cent écus promis.
4. Rappelé par M. Girard dans sa requête présentée à la Ville, au mois d’avril
1763, pour obtenir ce qui restait dû au moment du décès (Arch. Nat., H, 2160.)