DOI issue:
Nr. 5
DOI article:Bouchot, Henri: Baudouin, peintre religieux, 1
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0436
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ce qu’on sait et on ne sait que ce qu’on voit. Entre cela et dire que
Baudouin avait peint d’après nature Y Amour à l'épreuve, il n’y a
guère. Baudouin ne cherchait point tant malice. De sa femme;
Marie-Emilie Boucher, personne accorte et fort élégante, jolie en
plus, il troussait ses marquises, ses soubrettes, comme ceci ou
comme cela, sans grand sens moral, je l'accorde, mais qui donc en
avait tant dans le quart d’heure? Diderot? Non pas certes, en dépit
des piétés liliales de Mme de Yanduel ; pas beaucoup les grands
seigneurs non plus, dont les noms ronflants s’étalent en dédicace au
bas des estampes les plus capiteuses et les moins vêtues. Encore
Baudouin n’est-il pas dans le nombre le licencieux le plus osé; il
est pire; cependant le faut-il entendre, et les roués qui le goûtent
n’ont plus rien à perdre au jeu. « Mettez-le près de Crébillon le fils,
disent les Concourt, vous lui aurez donné sa vraie place. » Près de
Crébillon, près du roi, près des maîtresses, près des ducs et pairs,
près des traitants et même des gros banquiers, il eût été partout
chez lui, de pareille complexion, ni plus ni moins blâmable ; car s’il
est ce qu’il est, c’est bonnement parce qu’ils sont ce qu’ils sont.
Baudouin est une machine d’esprit, de brio, d’envolée, une patte
supérieure ; il est du xviuc siècle français, il ne compose pas, il
enregistre, c’est bien dire tout.
Ecoutez Mariette, homme de philosophie sincère : pour lui
Baudouin est un laborieux et bon caractère. Boucher a eu la main
heureuse dans ses gendres ! Mariette sait ce que vaut à l’aune la
vertu des prêcheurs, il n'a foin de littérature. Peut-être qu’avec son
sens avisé il devine les futures fortunes du « petit talent ». Puis, il a
pu en apprécier et en comparer l’esprit. 11 a senti que sous ces
chansonnettes un peu libres, tout le langage du moment s’ébrouait,
et qu’on le viendrait plus tard chercher là, et non pas chez Théaulon
ou Taraval. Baudouin a cependant sacrifié au sujet de style : il a peint
à la gouache les Filles de Lot h ; il a donné pour son morceau de
réception une Phrpné devant /’Aréopage ; qui le sait? Ces faits ne
sont pas ceux sur lesquels on l’interroge ; il a su autre chose, et
comme il n’a point inventé ceci, il n’en est que mieux écouté. La
Soirée des Tuileries! mais l’eût-il imaginée, l’affreux homme, si les
joyeux récits des coureurs de nuit ne l’eussent renseigné très complè-
tement? Voyez-vous tant de polissonneries au Coucher de la Mariée ?
Mettons qu’elles y soient; elles y sont, et Diderot ne les veut admettre,
pour la raison très simple que du beau monde à Diderot le fossé
était énorme. Par ce que nous savons d’autre part, nous avons lieu
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ce qu’on sait et on ne sait que ce qu’on voit. Entre cela et dire que
Baudouin avait peint d’après nature Y Amour à l'épreuve, il n’y a
guère. Baudouin ne cherchait point tant malice. De sa femme;
Marie-Emilie Boucher, personne accorte et fort élégante, jolie en
plus, il troussait ses marquises, ses soubrettes, comme ceci ou
comme cela, sans grand sens moral, je l'accorde, mais qui donc en
avait tant dans le quart d’heure? Diderot? Non pas certes, en dépit
des piétés liliales de Mme de Yanduel ; pas beaucoup les grands
seigneurs non plus, dont les noms ronflants s’étalent en dédicace au
bas des estampes les plus capiteuses et les moins vêtues. Encore
Baudouin n’est-il pas dans le nombre le licencieux le plus osé; il
est pire; cependant le faut-il entendre, et les roués qui le goûtent
n’ont plus rien à perdre au jeu. « Mettez-le près de Crébillon le fils,
disent les Concourt, vous lui aurez donné sa vraie place. » Près de
Crébillon, près du roi, près des maîtresses, près des ducs et pairs,
près des traitants et même des gros banquiers, il eût été partout
chez lui, de pareille complexion, ni plus ni moins blâmable ; car s’il
est ce qu’il est, c’est bonnement parce qu’ils sont ce qu’ils sont.
Baudouin est une machine d’esprit, de brio, d’envolée, une patte
supérieure ; il est du xviuc siècle français, il ne compose pas, il
enregistre, c’est bien dire tout.
Ecoutez Mariette, homme de philosophie sincère : pour lui
Baudouin est un laborieux et bon caractère. Boucher a eu la main
heureuse dans ses gendres ! Mariette sait ce que vaut à l’aune la
vertu des prêcheurs, il n'a foin de littérature. Peut-être qu’avec son
sens avisé il devine les futures fortunes du « petit talent ». Puis, il a
pu en apprécier et en comparer l’esprit. 11 a senti que sous ces
chansonnettes un peu libres, tout le langage du moment s’ébrouait,
et qu’on le viendrait plus tard chercher là, et non pas chez Théaulon
ou Taraval. Baudouin a cependant sacrifié au sujet de style : il a peint
à la gouache les Filles de Lot h ; il a donné pour son morceau de
réception une Phrpné devant /’Aréopage ; qui le sait? Ces faits ne
sont pas ceux sur lesquels on l’interroge ; il a su autre chose, et
comme il n’a point inventé ceci, il n’en est que mieux écouté. La
Soirée des Tuileries! mais l’eût-il imaginée, l’affreux homme, si les
joyeux récits des coureurs de nuit ne l’eussent renseigné très complè-
tement? Voyez-vous tant de polissonneries au Coucher de la Mariée ?
Mettons qu’elles y soient; elles y sont, et Diderot ne les veut admettre,
pour la raison très simple que du beau monde à Diderot le fossé
était énorme. Par ce que nous savons d’autre part, nous avons lieu