Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Marx, Roger: Les Goncourt et l'art, 3
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0440

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
TOT

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

accusations portées contre eux — et celle, notamment, qui les repré-
sente comme insensibles à la beauté de l’art antique. Edmond et
Jules de Goncourt l’ont appréciée, sans déroger à leur règle critique,
en des termes qui n’encourent aucun risque d’excommunication.
« Le mystère des belles choses de l’antiquité, déclarent-ils, est qu’elles
semblent le vrai, la réalité même — mais de la réalité vue par de la
personnalité de génie. » A quelque moment et à quelque endroit
qu’on les suive, au Louvre dans les salles égyptiennes, à la Glypto-
thcque de Munich devant le Faune Barberini, ou devant la vitrine
des petits bronzes au Museo Borbonico de Naples, les deux frères con-
cilieront toujours à « l'incontestable supériorité de la sculpture chez
les anciens », en sachant établir les différences nécessaires entre le
génie de chaque race; mais vraiment, il ne sied guère de s’arrêter
à disculper les Goncourt, alors que le dernier roman issu de leur
collaboration [Madame Gervaisais) a Rome pour cadre, pour décor,
et que le génie antique s’y trouve exalté en de semblables pages :

« A fréquenter le musée du Vatican, M“e Gervaisais s’élevait à la
jouissance de ce Beau absolu : le Beau de la statuaire antique. Son admi-
ration se passionnait pour la perfection de ces images humaines oii le
ciseau de l’artiste lui paraissait avoir dépassé le génie de l’homme. Elle
demeurait en contemplation devant ces effigies de Dieux et de Déesses,
matérielles et sacrées, les Isis sereines et pacifiques, les Junons superbes,
altières et viriles, les Minerves imposantes, portant la majesté dans le pan
de leur robe, les Vénus à la peau de marbre, polies et caressées comme
par le baiser d’amour des siècles, le pêle-mêle des immortelles de l’Olympe
et les Impératrices de l’empire souvent représentées presque divinement
nues, comme Sabine, la femme d’Adrien... Et sa longue visite ne finissait
jamais sans qu’elle fit une dernière station de recueillement sur le banc,
en face le bloc mutilé et sublime : le Torse! — le Torse d’Apollonius,
tronçon qu'on dirait détaché du ciel de la Grèce, à son plus beau jour, et
qui est là, brisé des quatre membres, comme un grand chef-d’œuvre tombé
d'un autre monde. »

Bien avant l’époque de ces commentaires1, que ne désavoue-
raient pas les classiques les plus orthodoxes, l’admiration des Gon-
court s’était portée sur les chefs-d’œuvre du moyen âge. Epris de
nationalisme, ils considéraient l’étude de l'art français comme le pré-
lude obligé de toute éducation rationnelle ; leur jeunesse avait

4. Voir aussi sur la sculpture antique le Journal des Goncourt, tome III, pages
118 à 120.
 
Annotationen