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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
porté également le nom d’Orléans. Jean et François se sont succédé
à la cour comme peintres-valets de chambre, mais leurs œuvres ont
disparu et il est à présumer qu’il a existé au moins deux peintres
connus sous le même nom de Jean d’Orléans. L’un d’eux s’appelait
Jehan Grangier et sa famille resta à Bourges jusqu’à 1459. Est-il le
même que le Jehan d’Orléans des comptes? 11 faut attendre, pour
parler de leurs œuvres, des documents moins vagues que ceux actuel-
lement en notre possession.
Le peintre préféré de Charles Y, Hennequin de Bruges, dont
M. B. Prost a retrouvé le véritable nom : Jean de Bandol, a été plus
favorisé par la postérité. Il reste de lui un admirable portrait peint à
la gouache de Charles A7, dans une Bible offerte au roi par Jean de
Vaudetar (La Haye, Musée Meerman-Westhreen), et une tenture de
tapisserie, exécutée sur ses cartons pour le duc d’Anjou. Cette tenture,
léguée à la cathédrale d’Angers par le roi René, représente plusieurs
sujets tirés de Y Apocalypse, dont les ligures, du plus grand style, se
détachent sur des fonds alternativement rouges et bleus. Toutes ces
compositions sont d’une largeur qui fait de l’ensemble une œuvre
de premier ordre, et, malgré le peu d’intérêt que présente cette suite
de tableaux presque similaires et la façon sommaire dont le travail
est exécuté, l’effet en est imposant. Nous ne savons pas ce que Jean
de Bandol peut avoir emprunté à ses prédécesseurs,, mais nous trou-
vons, résumés dans cette décoration, les derniers progrès faits par
l’architecture, la sculpture et la peinture, et nous pensons qu’on peut
le considérer comme le véritable chef de l’école qui, de Paris, devait
bientôt rayonner en Bourgogne. Nous ne serions pas étonnés que le
beau retable d’autel peint sursoie et donné à la cathédrale de Nar-
bonne par Charles V fût l’œuvre de ce maître. Les figures du roi et
de la reine sont tracées avec une sûreté et une habileté qui rappellent
le frontispice du manuscrit de La Haye, et les épisodes de la Passion
y sont entourés d’ornements d’architecture que l'on retrouve an-
dessus des prophètes qui accompagnent les visions de Y Apocalypse
d’Angers. Cette grandiose composition, que le Musée du Louvre a la
bonne fortune de posséder actuellement, a été souvent imitée ou ré-
pétée. M. J. Maciet a offert à ce même musée un volet peint sur fond
d’or et détaché d’un grand polyptyque à six feuilles, représentant La
Flagellation, qui, bien que d’un art plus sommaire et plus tudesque,
faisait originairement partie d’un ensemble identiquement disposé L
1. Une œuvre à peu près semblable est mentionnée dans l’inventaire du duc
de Berry : « Item ung grans tableaus de bois tous neufz de la longueur d’un autier
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porté également le nom d’Orléans. Jean et François se sont succédé
à la cour comme peintres-valets de chambre, mais leurs œuvres ont
disparu et il est à présumer qu’il a existé au moins deux peintres
connus sous le même nom de Jean d’Orléans. L’un d’eux s’appelait
Jehan Grangier et sa famille resta à Bourges jusqu’à 1459. Est-il le
même que le Jehan d’Orléans des comptes? 11 faut attendre, pour
parler de leurs œuvres, des documents moins vagues que ceux actuel-
lement en notre possession.
Le peintre préféré de Charles Y, Hennequin de Bruges, dont
M. B. Prost a retrouvé le véritable nom : Jean de Bandol, a été plus
favorisé par la postérité. Il reste de lui un admirable portrait peint à
la gouache de Charles A7, dans une Bible offerte au roi par Jean de
Vaudetar (La Haye, Musée Meerman-Westhreen), et une tenture de
tapisserie, exécutée sur ses cartons pour le duc d’Anjou. Cette tenture,
léguée à la cathédrale d’Angers par le roi René, représente plusieurs
sujets tirés de Y Apocalypse, dont les ligures, du plus grand style, se
détachent sur des fonds alternativement rouges et bleus. Toutes ces
compositions sont d’une largeur qui fait de l’ensemble une œuvre
de premier ordre, et, malgré le peu d’intérêt que présente cette suite
de tableaux presque similaires et la façon sommaire dont le travail
est exécuté, l’effet en est imposant. Nous ne savons pas ce que Jean
de Bandol peut avoir emprunté à ses prédécesseurs,, mais nous trou-
vons, résumés dans cette décoration, les derniers progrès faits par
l’architecture, la sculpture et la peinture, et nous pensons qu’on peut
le considérer comme le véritable chef de l’école qui, de Paris, devait
bientôt rayonner en Bourgogne. Nous ne serions pas étonnés que le
beau retable d’autel peint sursoie et donné à la cathédrale de Nar-
bonne par Charles V fût l’œuvre de ce maître. Les figures du roi et
de la reine sont tracées avec une sûreté et une habileté qui rappellent
le frontispice du manuscrit de La Haye, et les épisodes de la Passion
y sont entourés d’ornements d’architecture que l'on retrouve an-
dessus des prophètes qui accompagnent les visions de Y Apocalypse
d’Angers. Cette grandiose composition, que le Musée du Louvre a la
bonne fortune de posséder actuellement, a été souvent imitée ou ré-
pétée. M. J. Maciet a offert à ce même musée un volet peint sur fond
d’or et détaché d’un grand polyptyque à six feuilles, représentant La
Flagellation, qui, bien que d’un art plus sommaire et plus tudesque,
faisait originairement partie d’un ensemble identiquement disposé L
1. Une œuvre à peu près semblable est mentionnée dans l’inventaire du duc
de Berry : « Item ung grans tableaus de bois tous neufz de la longueur d’un autier