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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Fidière, Octave: Alexandre Roslin, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0071

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62

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Il est facile de critiquer dans ce tableau le peu de naturel des
attitudes. Leroi et ses frères, malgré la gravité des occupations aux-
quelles ils sont supposés se livrer, semblent n’avoir d’autre souci
que de faire face au spectateur. La réputation de Roslin était cepen-
dant si bien établie déjà que Diderot, qui savait, à l’occasion, mettre
un frein à sa verve caustique, envoya à Greuze, pour sa correspon-
dance, un articl tout miel, dans lequel il louait le génie de l’artiste.
« M. Roslin, disait-il, n’a rien fait de plus beau et d’aussi beau. Il égale
Rigaud et va plus loin. C'est une ordonnance noble et sans fracas, avec
une composition simple et majestueuse », etc. Il est vrai que cela, c’est
la version officielle, expurgée à l’usage des compatriotes et amis du
puissant Suédois. Pour ceux qui ne s’en contentent pas_, l’encyclopé-
diste a rédigé une petite note confidentielle qui suffirait à nous rendre
à jamais suspects ses jugements. La voici dans toute sa candeur :
« Une conversation? Cela vous plaît à dire; ils se montrent et re-
gardent. Tête du roi mal coupée en deux parties; Lune claire et
l’autre obscure ; dos de la chaise fai t de telle façon que le prince ne
peut être assis. Il ne sait pas mettre plusieurs têtes dans un même
cadre avec harmonie. Ils ont tous l’air d’avoir entendu quelque bruit
subit qui a attiré leur attention et suspendu leur entretien. Ils sont
ébahis. Tout est beau, têtes, étoffes, mais aucune des ligures n’est à
l’action. Celui qui est assis parle au roi et me regarde; le roi prend une
distance sur la carte et me regarde ; qu’il pose son compas sur la carte
et qu’il me regarde après cela. Mais il fallait faire une composition de
trois têtes prises séparément, et je ne sais si l’artiste du plus grand
génie s’en serait tiré, et Roslin n’est pas cet homme-là. Ils se mon-
trent et n’agissent pas ; ils nesontà rien. Vu sous ce coup d’œil, comme
cela est ridicule! Des artistes qui sont tout au faire ne sentent pas
cela; le mérite du faire leur ôte le sens commun. »

Nous voilà bien fixés sur Diderot. Ses Salons sont une délicieuse
lecture, un modèle de verve primesautière, de style libre et familier ;
mais il n’y faut chercher qu’un amusant badinage et aussi le reflet
des petites passions qui animaient l’étroit cénacle où vivait le cri-
tique. Désormais nous n’invoquerons plus son autorité.

o. FIDIÈRE

(La suite prochainement.)
 
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