LÀ DÉCORATION DE VERSAILLES
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un de ces plans d'ensemble dont les feuilles réunies l'une au-dessus
de l'autre et surchargées d’onglets, montrent bien la superposition
des étages et des entresols. L’escalier du Roi, dit aussi l'escalier des
Chiens, n'y monta qu’après 1755 ; mais de petits escaliers moins
importants, dont un en tourelle sur un des angles de la cour des
Cerfs, assuraient de tous les côtés les commodités du Roi.
Je n'ai pas à rappeler ici le rôle que jouèrent les Petits Cabinets
dans la vie royale. Louis XV y avait sa bibliothèque, son tour, ses
cuisines, scs distilleries, ses offices, ses confitureries, une salle de
bains et, sur une des terrasses supérieures, des volières. La décora-
tion était partout fort soignée et les sculptures montraient « un goût
délicat, proportionné au peu de hauteur ». Le Roi en avait fait peu à
peu une suite de « réduits délicieux, accessibles à ses seuls con-
fidents», qui, «sans être absolument séparés de son palais », n'y
avaient cependant « de communication que ce qu’il en fallait néces-
sairement pour le service 1 ». Il y donna, dès ses premiers désordres,
les soupers intimes que mentionnent tant de souvenirs du temps. 11
y trouva même un appartement pour sa première maîtresse, Mme de
Mailly.
La construction et la décoration avaient commencé en 1722 2,
c'est-à-dire au moment où la Cour était revenue à Versailles. Les
dépenses y furent bientôt considérables et fort critiquées. Le duc de
Luynes est évidemment bien renseigné et exempt de toute mal-
veillance quand il écrit, en juin 1737 : « L’on avait dit que les
Petits Cabinets du Roi à Versailles coûtaient 15 ou 1.600.000 livres.
M. Gabriel m’a dit que, depuis 1722, que Sa Majesté a commencé à
y faire travailler, jusqu’aujourd’hui, la dépense suivant les états
arrêtés ne monte qu’à 580.000 livres. M. Gabriel en fit, il y a peu de
temps, le dépouillement pour en rendre compte au Roi 3 ». Ces
cabinets doivent occuper le Roi jusqu’à la fin, etd’Argenson y pense
sûrement en 1749, lorsqu’il parle des « nids à rats » qui encombrent
les maisons royales : « M. de Cotte, qui n’est plus dans les Râtiments,
me disait avant-hier que les nids à rats qu’on faisait coûtaient plus
cher que les grands bâtiments de Louis XIV ; que le Roi était d'une
1. Mémoire pour servir à l’histoire de Perse, à la suite des Mémoires de la du-
chesse de Brancas, éd. Asse. Paris, 1890, p, 199.
2. Et non en 1732, comme le dit Dussieux, qui ne connaît pas le texte de
Luynes. 11 est à noter que Dussieux, qui a édité les Mémoires de Luynes avec Soulié,
ne les a pour ainsi dire pas dépouillés pour écrire son ouvrage sur Versailles.
3. Mémoires, I, 274.
XIX. — 3e PÉRIODE.
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un de ces plans d'ensemble dont les feuilles réunies l'une au-dessus
de l'autre et surchargées d’onglets, montrent bien la superposition
des étages et des entresols. L’escalier du Roi, dit aussi l'escalier des
Chiens, n'y monta qu’après 1755 ; mais de petits escaliers moins
importants, dont un en tourelle sur un des angles de la cour des
Cerfs, assuraient de tous les côtés les commodités du Roi.
Je n'ai pas à rappeler ici le rôle que jouèrent les Petits Cabinets
dans la vie royale. Louis XV y avait sa bibliothèque, son tour, ses
cuisines, scs distilleries, ses offices, ses confitureries, une salle de
bains et, sur une des terrasses supérieures, des volières. La décora-
tion était partout fort soignée et les sculptures montraient « un goût
délicat, proportionné au peu de hauteur ». Le Roi en avait fait peu à
peu une suite de « réduits délicieux, accessibles à ses seuls con-
fidents», qui, «sans être absolument séparés de son palais », n'y
avaient cependant « de communication que ce qu’il en fallait néces-
sairement pour le service 1 ». Il y donna, dès ses premiers désordres,
les soupers intimes que mentionnent tant de souvenirs du temps. 11
y trouva même un appartement pour sa première maîtresse, Mme de
Mailly.
La construction et la décoration avaient commencé en 1722 2,
c'est-à-dire au moment où la Cour était revenue à Versailles. Les
dépenses y furent bientôt considérables et fort critiquées. Le duc de
Luynes est évidemment bien renseigné et exempt de toute mal-
veillance quand il écrit, en juin 1737 : « L’on avait dit que les
Petits Cabinets du Roi à Versailles coûtaient 15 ou 1.600.000 livres.
M. Gabriel m’a dit que, depuis 1722, que Sa Majesté a commencé à
y faire travailler, jusqu’aujourd’hui, la dépense suivant les états
arrêtés ne monte qu’à 580.000 livres. M. Gabriel en fit, il y a peu de
temps, le dépouillement pour en rendre compte au Roi 3 ». Ces
cabinets doivent occuper le Roi jusqu’à la fin, etd’Argenson y pense
sûrement en 1749, lorsqu’il parle des « nids à rats » qui encombrent
les maisons royales : « M. de Cotte, qui n’est plus dans les Râtiments,
me disait avant-hier que les nids à rats qu’on faisait coûtaient plus
cher que les grands bâtiments de Louis XIV ; que le Roi était d'une
1. Mémoire pour servir à l’histoire de Perse, à la suite des Mémoires de la du-
chesse de Brancas, éd. Asse. Paris, 1890, p, 199.
2. Et non en 1732, comme le dit Dussieux, qui ne connaît pas le texte de
Luynes. 11 est à noter que Dussieux, qui a édité les Mémoires de Luynes avec Soulié,
ne les a pour ainsi dire pas dépouillés pour écrire son ouvrage sur Versailles.
3. Mémoires, I, 274.
XIX. — 3e PÉRIODE.
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