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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 3
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Migeon, Gaston: L' illustrateur Daniel Vierge
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0251

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236

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

satire pleine d’entrain de tous les défauts, de tous les abus et de tous
les ridicules de son temps. Pablo, dans sa course vagabonde à travers
l’Espagne, passant par une suite d’aventures extravagantes, essayant
de tous les métiers, n’en prenant aucun au sérieux, traversant tous
les mondes, y coudoyant les êtres les plus divers, nous disant leurs
bizarreries ou leurs vices avec une verve enjouée, digne de notre
Scarron ou de notre Rabelais, nous présente comme en un kaléidoscope
des chevaliers d’industrie, des mendiants, des filous, des vieilles pro-
cureuses, des nonnes, des spadassins, des hidalgos, des écoliers, des
histrions, des hôteliers, des geôliers et des bourreaux. C’est une
galerie de portraits les plus vrais dans leur grossissement comique,
une histoire intime et burlesque des mœurs de l'Espagne au xvne
siècle. Quelle matière pour un observateur, et quel champ où pro-
mener sa fantaisie et sa gaieté! Vierge n’avait qu’à y faire revivre
toute l’Espagne, sa chère Espagne où s’étaient écoulées son enfance et
sa première jeunesse. 11 n’eut qu’à se souvenir, pour retrouver et
restituer les architectures élégantes et fines des petites villes de la
Manche, les paysages arides et secs où cheminent dans la poussière
les longs convois de mules aux grelots sonores et aux pompons fanés,
tandis qu’à l'horizon se vaporisent bleuâtres les sierras, les patios
enguirlandés de vignes, les salles closes des ventas où s’attardent,
autour des pots de vin, les épiques disputes des gras et des maigres.
Avec quelle verve Daniel Vierge a su dégager du livre le comique
copieux qui s’y trouvait, avec quelle vivacité, quelle sûreté et quelle
précision sa plume a su en commenter le texte !

Mais, brusquement, en plein travail et près de toucher au but,
la maladie vient interrompre net une si belle œuvre ; une hémi-
plégie du côté droit le prive de l’usage d’une de ses mains et l’oblige,
pendant de longs mois, à renoncer à tout travail. Pablo de Ségovie
parut, ses derniers chapitres nus. La surprenante énergie de Vierge
se révéla alors. A peine les forces lui furent-elles revenues, loin de
se laisser abattre, il s’habitua à dessiner de la main gauche; au bout
de six mois, ce métier extraordinaire, cette habileté inouïe qui se
jouait de toutes les difficultés, lui étaient rendues. Il a fait, depuis
lors, les plus belles gouaches peut-être que l’on connaisse de lui, et
dont quelques-unes ont été si remarquées aux derniers Salons du
Champ-de-Mars.

Indépendamment de sa collaboration au Monde illustré, qu'il
continuait d’une façon des plus intermittentes, il illustrait un petit
volume d’Emile Bergerat, L'Espagnole (Conquet, 1891). Mais son
 
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