LE BUSTE D’ELCHE
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a constitué la manière propre des ateliers espagnols. De l'archaïsme
grec viennent « le style dominant, le type des figures, l’arrangement
des draperies ». Mais, à côté de cet élément purement grec, on sent,
non seulement dans certains détails, mais dans l’ensemble même,
dans l’esprit général de l’exécution, la persistance de la technique
orientale. Enfin, la part du goût local est visible dans l'exagération et
dans la fantaisie barbare de la parure, dans cet amour des bijoux et
des coiffures compliquées que garde encore l’Espagne d’aujourd’hui.
Cette théorie, suggérée par l’étude des monuments, M. Heuzey
l’a confirmée à l'aide des renseignements historiques, malheureuse-
ment trop rares, que nous possédons sur l’Espagne antique. 11 a
montré comment le lieu même d’où proviennent les sculptures
ibériques explique ce mélange de styles.
Dès le vie siècle avant notre ère, la côte occidentale de l’Espagne
est colonisée à la fois par les Grecs et par les Phéniciens. Les Grecs,
surtout les Grecs massaliotes et phocéens, s’établissent dans la partie
septentrionale de la côte et fondent des colonies telles que Rhodé,
Emporiae, tout à fait au nord, et, sur le golfe de Valence, Zakyn-
tlios, Héméroskopion. Cette dernière petite ville, située à l’extrémité
du promontoire montagneux qui fait une forte saillie dans la mer,
entre le golfe de Valence et celui d’Alicante, paraît avoir marqué au
sud la limite des possessions grecques1.
Les Phéniciens et les Carthaginois dominent dans la partie mé-
ridionale de la côte, où ils ont les ports de Malaca et d’Abdéra. Car-
thagène, la plus septentrionale des colonies puniques, se rapproche
beaucoup plus de la région d’Elche et du Cerro, puisqu’elle était
bâtie près du cap qui ferme, au sud, le golfe d’Alicante. Il est vrai
qu’elle fut fondée seulement en 228 ; à cette époque, les Carthaginois
occupèrent effectivement et militairement tout le midi de l’Espagne,
où ils s’étaient jusqu’alors contentés d’entretenir des comptoirs ma-
ritimes. Mais il est probable, dit M. Heuzey2, que les Carthaginois
n’avaient pas attendu cette conquête militaire pour commercer avec
les populations de cette côte si riche. D’ailleurs, même si l’on pense
que ni les Grecs ni les Carthaginois ne se sont établis dans cette
partie de la côte, entre Héméroskopion et Carthagène, si l’on admet
que le golfe d’Alicante et la région intérieure, c’est-à-dire précisé-
1. Cependant M. Paris pense qu’Ilici elle-même, avant de devenir une colonie
romaine, a pu être une colonie grecque, sous le nom d’Héliké (Monuments Piot,
1897, p. 29).
2. Revue d’Assyriologie, t. T11, p. 109.
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a constitué la manière propre des ateliers espagnols. De l'archaïsme
grec viennent « le style dominant, le type des figures, l’arrangement
des draperies ». Mais, à côté de cet élément purement grec, on sent,
non seulement dans certains détails, mais dans l’ensemble même,
dans l’esprit général de l’exécution, la persistance de la technique
orientale. Enfin, la part du goût local est visible dans l'exagération et
dans la fantaisie barbare de la parure, dans cet amour des bijoux et
des coiffures compliquées que garde encore l’Espagne d’aujourd’hui.
Cette théorie, suggérée par l’étude des monuments, M. Heuzey
l’a confirmée à l'aide des renseignements historiques, malheureuse-
ment trop rares, que nous possédons sur l’Espagne antique. 11 a
montré comment le lieu même d’où proviennent les sculptures
ibériques explique ce mélange de styles.
Dès le vie siècle avant notre ère, la côte occidentale de l’Espagne
est colonisée à la fois par les Grecs et par les Phéniciens. Les Grecs,
surtout les Grecs massaliotes et phocéens, s’établissent dans la partie
septentrionale de la côte et fondent des colonies telles que Rhodé,
Emporiae, tout à fait au nord, et, sur le golfe de Valence, Zakyn-
tlios, Héméroskopion. Cette dernière petite ville, située à l’extrémité
du promontoire montagneux qui fait une forte saillie dans la mer,
entre le golfe de Valence et celui d’Alicante, paraît avoir marqué au
sud la limite des possessions grecques1.
Les Phéniciens et les Carthaginois dominent dans la partie mé-
ridionale de la côte, où ils ont les ports de Malaca et d’Abdéra. Car-
thagène, la plus septentrionale des colonies puniques, se rapproche
beaucoup plus de la région d’Elche et du Cerro, puisqu’elle était
bâtie près du cap qui ferme, au sud, le golfe d’Alicante. Il est vrai
qu’elle fut fondée seulement en 228 ; à cette époque, les Carthaginois
occupèrent effectivement et militairement tout le midi de l’Espagne,
où ils s’étaient jusqu’alors contentés d’entretenir des comptoirs ma-
ritimes. Mais il est probable, dit M. Heuzey2, que les Carthaginois
n’avaient pas attendu cette conquête militaire pour commercer avec
les populations de cette côte si riche. D’ailleurs, même si l’on pense
que ni les Grecs ni les Carthaginois ne se sont établis dans cette
partie de la côte, entre Héméroskopion et Carthagène, si l’on admet
que le golfe d’Alicante et la région intérieure, c’est-à-dire précisé-
1. Cependant M. Paris pense qu’Ilici elle-même, avant de devenir une colonie
romaine, a pu être une colonie grecque, sous le nom d’Héliké (Monuments Piot,
1897, p. 29).
2. Revue d’Assyriologie, t. T11, p. 109.