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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 5
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Flammermont, Jules: Les portraits de Marie-Antoinette, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0404

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LES PORTRAITS DE MARIE-ANTOINETTE

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quel était alors le caractère de Marie-Antoinette ; ainsi que le disait
sa mère, elle aimait mieux se faire craindre que se faire aimer, et
elle n’avait, pour son mari, qu'un respect très petit. A sa décharge,
il faut déclarer, en manière de circonstance atténuante, que cette
jeune et jolie femme avait de bien gros griefs contre ce «pauvre
homme », le mot est d’elle1 ; car, depuis des années, il hésitait à subir
la légère opération qui l’aurait mis en état de remplir convenablement
ses devoirs conjugaux. Cette situation ridicule était d’autant plus
pénible pour Marie-Antoinette que la position d’une reine de France
sans enfants était fort peu solide et que, déjà, les courtisans ne la
ménageaient plus, ni dans leurs propos, ni dans leurs chansons.

Malgré ces causes sérieuses d’inquiétude, Marie-Antoinette,
naturellement vive et gaie, ne s’abandonnait pas; ses accès de tris-
tesse étaient ordinairement de courte durée. Dans les fêtes brillantes
qui se donnaient alors à Versailles, elle savait, quand il le fallait,
prendre l’air le plus aimable et l’attitude la plus gracieuse. Jamais
reine de France ne tint mieux son rôle de souveraine que Marie-
Antoinette dans les grandes cérémonies. Elle était un sujet d’éton-
nement et d’admiration pour les étrangers, ainsi qu’en témoigne
l’extrait suivant d’une lettre écrite par Horace Walpole à la comtesse
d’Ossory, au lendemain d’un grand bal paré donné à la cour de
Versailles, le 22 août 1775, à l’occasion du mariage de Mme Clotilde
avec le prince de Piémont :

« Le bal avait lieu dans la salle de spectacle la plus brillante de l’uni-
vers et où le goût l’emporte encore sur ta richesse. Un mot suffira d’ailleurs
pour tout ce que j’ai à vous dire; on ne pouvait avoir des yeux que pour la
Reine! Les Hébés et les Flores, les Hélènes et les Grâces ne sont que des
coureuses de rues à côté d’elle. Quand elle est debout ou assise, c’est la
statue de la Reauté; quand elle se meut, c’est la Grâce en personne. Elle
avait une robe d’argent semée de lauriers roses, peu de diamants et des
plumes beaucoup moins hautes que le Monument. On dit qu’elle ne danse
pas en mesure, mais c’est alors la mesure qui a tort. Il y a quatre ans, je
lui trouvais de la ressemblance avec une duchesse anglaise dont j’ai
oublié le nom depuis quelques années, c’est affreux! mais, depuis, la Reine
a eu le ceste de Vénus... En fait de beautés, je n’en ai vu aucune, ou bien
la Reine les effaçait toutes2. «

1. Dans une lettre charmante, écrite au comte de Rosenberg, le 13 juillet
1775, et publiée par MM. d’Arneth et Geffroy, t. II, p.302.

2. Lettres de Horace Walpole, écrites à ses amis, traduites par le comte de
Bâillon (Paris, 1872, in-8°, p. 281), et The Letters of Horace Walpole, éditées par
Peter Cunningham. London, 1857. in-8°, t. VI, p. 245.
 
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