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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 5
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Rod, Édouard: L' atelie de M. Rodin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0451

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428

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

cl’œuvres secondaires autour de l’œuvre essentielle qu’elles accom-
pagnent, qu’elles commentent, dont elles aident à comprendre le
sens et la beauté.

La Porte de l’Enfer raconte toute la carrière de M. Rodin.
D’autres morceaux en répètent certains épisodes, et, placés au hasard,
rapprochent des dates éloignées.

J’aperçois, ainsi, le superbe masque d & U Homme au nez cassé.
C’est une œuvre ancienne, une des premières, qui fut jadis refusée
au Salon de 1864. Sans doute, elle n’a pas la science que M. Rodin
a depuis acquise ; mais elle a déjà tout l’instinct qui le guidait dès
ses jeunes et laborieuses années, alors qu'il travaillait modestement
en qualité de praticien dans l’atelier de Carrier-Belleuse, ou colla-
borait à la décoration des monuments bruxellois. Modelée avec une
vigueur extrême, avec une sorte de fougue appliquée et grave, elle
dénote cette absolue « sincérité devant la nature » qui est demeu-
rée le principe permanent, et l’on pourrait presque dire, la devise
de l’artiste. Pour lui, en effet, — c’est là une de ces doctrines qu’il
développe volontiers dans la causerie, —- la nature est tout l’idéal :
avec n’importe quelle tête, avec n’importe quel corps, avec n’im-
porte quelle pose, on peut faire un chef-d’œuvre. La beauté est
continue : elle croît partout, l’artiste n’a qu’à la saisir. Belle
théorie d’artiste et de « technicien», que les profanes n’admettront
jamais. Pour Rodin, ce sont des conventions et des partis pris qui
limitent seuls la beauté. Pour nous, c’est la laideur, — laquelle existe
aussi dans la nature...

Que de chemin parcouru, de ce masque, qui n'est qu’une puis-
sante étude, à l’œuvre savante, composée avec un art profond, qu’est
le monument de Victor Hugo, destiné au Luxembourg ! Le Poète, —■
en vérité, il ne s’agit plus ici de Victor Hugo, mais du Génie, et la
figure prend une majesté toute symbolique, — nu comme un dieu,
est assis dans une pose étudiée et harmonieuse : derrière lui, la
Mu se tragique (une figure qui a déjà été exposée sous le nom de La
Femme accroupie), la Muse des drames et des Châtiments, lui souffle
ses rimes de flamme ; auprès de lui, dans une attitude humble et
soumise, la Muse familiale, celle des Voix intérieures, des Feuilles
d'automne, des Chants clu crépuscule, attend les paroles qu’elle
recueillera. Isolées, ces figures, bien qu’exécutées avec une incom-
parable maestria, restent incomplètes. Réunies, elles forment un
 
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