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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 5
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Rod, Édouard: L' atelie de M. Rodin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0452

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L'ATELIER DE M. RODIN

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ensemble de la plus imposante majesté, une synthèse de grandes
lignes qui semblent courbées sous un souffle d’ouragan. Nous sommes
à une distance infinie du monument classique, aux symboles con-
venus, toujours un peu niais, Muses agitant une palme ou Gloire
soufflant dans quelque trompette. Ce qu’on nous représente ici, c’est
bien le génie en pleine action, force inconsciente qui, comme le
vent et la passion, souffle où elle veut, qui passe comme un orage
et quelquefois aux heures où Rodin se recueille doucement.

Les œuvres que j’ai signalées jusqu’ici éveillent surtout l’im-
pression de la force. En voici une d’un autre caractère, gracieuse,
celle-là, avec un rien de maniérisme qui se trouve dans le sujet et
que l’exécution a suivie. C’est une colonne destinée à évoquer le
souvenir d’une femme. Au sommet, un masque avec un éventail et
des roses ; et puis, une molle et charmante guirlande de composi-
tions qui représentent ou symbolisent la vie d’une jolie femme :
le dieu de la Jeunesse, la Rêverie, la Musique... C’est un type nou-
veau du monument commémoratif, dont il serait facile de trouver
d’heureuses applications, qui surtout conviendrait à merveille aux
chers poètes qui ne sont pas de grands poètes, à ces poetæ minores
que souvent nous préférons aux autres, parce qu’ils sont plus près de
nous., parce que nous suivons plus facilement le vol léger de leur
pensée, parce que nous évoquons mieux les figures qu’ils ont rêvées.
Cela serait plus expressif à la fois et plus simple que les compositions
habituelles, et plus suggestif aussi, par l’abondance et Lcnchainc-
ment des motifs qui se trouvent réunis naturellement.

C’est ainsi que, sans effort, par cela seul que son œil observe
l'infinie variété de la nature, en pénètre les secrets, et que ses mains
habiles savent tout leur art, M. Rodin ne s’enferme pas dans une
formule. Aussi n’est-il pas de ceux dont on peut analyser en quel-
ques mots le style ou la « manière », qu’on peut définir en les appe-
lant vigoureux ou élégants, gracieux ou puissants. A son étude
attentive et sincère des formes, des mouvements, des expressions,
des attitudes, il doit d’atteindre, suivant les cas, à ces qualités diffé-
rentes dont la synthèse seule est la vérité ; de sorte que, si l’on
voulait résumer l’impression recueillie en parcourant son œuvre, on
ne pourrait faire mieux, je crois^ que de répéter un mot plein de
sens de M. Eugène Carrière : « Rodin, disait-il, nous donne cet
admirable spectacle d’un être en pleine communion avec les forces de
la nature. »

.le quitte l’atelier de la rue de LUniversité, les yeux remplis
 
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