GAZETTE DES BEAUX-ARTS
446
de l’Etat, nous avons vu renaître cet art, vers lequel tendent volon-
tiers toutes les ambitions des peintres qui se targuent de quelque
tempérament. On peut dire qu'il ne leur manque peut-être plus que
des murailles. L’Etat a eu, cette fois encore, la main heureuse en
confiant la décoration du Muséum d’histoire naturelle à l’un des
artistes que son imagination très vive, son esprit cultivé, et l’expé-
rience acquise dans une carrière déjà bien remplie par des œuvres
de nature très variée, rendaient tout à fait propre à décorer des sur-
faces aussi considérables.
Dérogeant à ses habitudes égalitaires, la Société des artistes
français a eu la pensée intelligente de grouper dans une salle à part
l’ensemble décoratif de M. Cormon, qui, s’il n’avait pas été déjà exposé
une première fois dans un Cercle, aurait constitué, à lui seul, une des
principales attractions du Salon. Il y avait à couvrir là dix panneaux
et un plafond; cet ouvrage réclamait un artiste de quelque vaillance.
L’auteur de Caïn, de Y Age de pierre, et du Retour de Salèmine ne
pouvait s’effrayer d’une telle surface à remplir. Le sujet choisi est,
dans les panneaux, le développement historique des âges primitifs
de l’homme, jusqu’aux débuts de la société; dans le plafond, révo-
lution des races humaines : autour de l'homme primitif, le mouve-
ment parallèle des races aryenne et sémitique, dont les civilisations
confondues ont formé la nôtre, tandis qu’au fond s’agitent les races
jaunes, noires et rouges.
Ce n’était point chose aisée que de représenter une telle vision
dans un champ si étroit pour le sujet, de faire accepter, non seule-
ment cette conception synthétique très artificielle, mais encore toutes
les conventions nécessitées par le plafonnement. Nous jugeons mal
de cette œuvre, qui ne nous est pas présentée dans les conditions
voulues; elle nous semble toutefois répondre le mieux possible aux
exigences de ces combinaisons. C’est même le morceau dans lequel
M. Cormon a dépensé le plus de talent et le plus d’effort. A vrai dire,
les panneaux verticaux, en raison de leur nature propre, nous retien-
nent plus volontiers. Nous ne sommes pas obligés de tendre pénible-
ment notre esprit pour démêler des rébus ou pour comprendre des
formes; nous sommes devant des spectacles naturels, conformes à
notre vision, et c’est déjà une raison de la faveur qu’ils obtiennent.
Ce n’est, certes, point leur seul mérite; car ce sont d’excellents
tableaux que ces images diverses de l’homme aux étapes primitives
de ses lents progrès. Peut-être, dans la conception de ces paysages
prodigieux, de cette nature chaotique, exubérante, énorme, où
446
de l’Etat, nous avons vu renaître cet art, vers lequel tendent volon-
tiers toutes les ambitions des peintres qui se targuent de quelque
tempérament. On peut dire qu'il ne leur manque peut-être plus que
des murailles. L’Etat a eu, cette fois encore, la main heureuse en
confiant la décoration du Muséum d’histoire naturelle à l’un des
artistes que son imagination très vive, son esprit cultivé, et l’expé-
rience acquise dans une carrière déjà bien remplie par des œuvres
de nature très variée, rendaient tout à fait propre à décorer des sur-
faces aussi considérables.
Dérogeant à ses habitudes égalitaires, la Société des artistes
français a eu la pensée intelligente de grouper dans une salle à part
l’ensemble décoratif de M. Cormon, qui, s’il n’avait pas été déjà exposé
une première fois dans un Cercle, aurait constitué, à lui seul, une des
principales attractions du Salon. Il y avait à couvrir là dix panneaux
et un plafond; cet ouvrage réclamait un artiste de quelque vaillance.
L’auteur de Caïn, de Y Age de pierre, et du Retour de Salèmine ne
pouvait s’effrayer d’une telle surface à remplir. Le sujet choisi est,
dans les panneaux, le développement historique des âges primitifs
de l’homme, jusqu’aux débuts de la société; dans le plafond, révo-
lution des races humaines : autour de l'homme primitif, le mouve-
ment parallèle des races aryenne et sémitique, dont les civilisations
confondues ont formé la nôtre, tandis qu’au fond s’agitent les races
jaunes, noires et rouges.
Ce n’était point chose aisée que de représenter une telle vision
dans un champ si étroit pour le sujet, de faire accepter, non seule-
ment cette conception synthétique très artificielle, mais encore toutes
les conventions nécessitées par le plafonnement. Nous jugeons mal
de cette œuvre, qui ne nous est pas présentée dans les conditions
voulues; elle nous semble toutefois répondre le mieux possible aux
exigences de ces combinaisons. C’est même le morceau dans lequel
M. Cormon a dépensé le plus de talent et le plus d’effort. A vrai dire,
les panneaux verticaux, en raison de leur nature propre, nous retien-
nent plus volontiers. Nous ne sommes pas obligés de tendre pénible-
ment notre esprit pour démêler des rébus ou pour comprendre des
formes; nous sommes devant des spectacles naturels, conformes à
notre vision, et c’est déjà une raison de la faveur qu’ils obtiennent.
Ce n’est, certes, point leur seul mérite; car ce sont d’excellents
tableaux que ces images diverses de l’homme aux étapes primitives
de ses lents progrès. Peut-être, dans la conception de ces paysages
prodigieux, de cette nature chaotique, exubérante, énorme, où